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L’analyse souligne que, quel que soit le formateur, le total des interventions des apprenants dépasse globalement [graph.8] le total des interventions du formateur (52% vs 48%) excepté pour 7 SEA-ETP.

Graphique 8. Répartition totale des prises de parole des formateurs et des apprenants pour les 31 SEA-ETP.

48%

En règle générale, les interactions verbales impliquent autant les apprenants que les formateurs mais nous verrons néanmoins que cette répartition qui semble équilibrée reste à relativiser au regard de ce qui relève de « la couverture » (voir infra[fig.38]). Dans l’ensemble, le formateur gère la SEA-ETP en attribuant régulièrement les tours de parole, donne les consignes ou recentre sur la thématique abordée. Il favorise également les interactions entre apprenants en sollicitant de temps à autre leurs points de vue : « Qu’est-ce que vous en pensez

? » (F1) ; « Vous avez l’impression d’être pareil Madame A2 ?» (F28) ; « Et vous ? Qu’est-ce que vous diriez ? » (F17) ; « Vous êtes d’accord avec ce qu’il dit ? » (F13) ; « D’après vous ? »

(F37) ; « Vous pouvez m’expliquer un petit peu ? Développez » (F15). Il s’assure par ailleurs de la bonne compréhension de son discours : « C’est bon ? C’est clair ? (F23) ; « Est-ce que

vous avez compris le principe ? » (F6) ; « Vous voyez ce que je veux dire ? » (F14) ; « Est-ce que vous avez des questions par rapport à tout ça ? Ça vous paraît clair pour votre cas à vous ? » (F27). Il personnalise la relation [tab.46] avec les apprenants en utilisant soit leur

prénom, soit leur nom de famille. Cette dimension socio-affective est susceptible de favoriser les interactions et implique de fait les apprenants, en tant que sujets acteurs de leurs SEA-ETP.

À La Réunion, plusieurs formateurs ont employé le tutoiement dans leur SEA-ETP (F2 ; F4 ; F20 ; F21). Nous pouvons supposer que l’emploi du tutoiement peut relever de choix personnels liés par exemple à la personnalité du formateur, mais aussi de choix méthodologiques dans la mesure où, comme le souligne la formatrice 20 : « Je trouve que ça

casse aussi une barrière. Je ne suis pas là non plus pour être l’image de la soignante qui fait que soigner et je trouve que ça coupe une certaine barrière, ça permet de mieux échanger j’ai l’impression. »

Ainsi l’emploi du tutoiement permet au formateur de pouvoir établir une communication plus « égalitaire » entre lui et l’apprenant,

« il s’agit donc, pour lui, de transformer le réseau de communication entre acteurs de l’enseignement et de l’apprentissage, de passer d’un réseau d’échanges centrés sur l’enseignant à un réseau d’échanges multidirectionnels, de passer d’un réseau hiérarchisé de type maître-élève à un réseau non hiérarchisé de co-acteurs de l’enseignement/apprentissage. » (Loiseau, 2003, p. 418)

« Pour A4 c’est plus comprendre les causes, pourquoi c’est arrivé.

Pour A3 c’est plus une fatalité, mais il faut savoir ce que j’en fais. »

(F24 utilise le prénom des apprenants)

« Là, la question est, de ce fait, vague, exprès justement pour voir sur

quoi on s’oriente. C’est-à-dire que vous, vous vous êtes orienté sur les effets secondaires, c’est-à-dire sur les effets des médicaments qui épuisent. Madame A1, elle, s’est concentrée sur l’idée que c’est épuisant, parce que c’est deux facettes du traitement en fait, qui existent en même temps » (F38)

Tableau 46. Exemples de propos tenus de formateurs utilisant l’adressage personnalisé dans les SEA-ETP.

Les SEA-ETP paraissent toujours riches en dialogues : néanmoins, si nous prenons un autre angle d’analyse en étudiant la « couverture » des prises de parole126 (voir infra[fig.38]), nous montrons que l’agencement de la SEA-ETP appartient avant tout au formateur ; les prises de parole des apprenants qui ne sont pas directement en lien avec les sollicitations du formateur restent assez rares [graph.9]. Ainsi, le formateur (ou les formateurs) occupe, à lui seul, l’ensemble des interventions, toutes SEA-ETP confondues.

Graphique 9. Répartition totale du taux de couverture des formateurs et des apprenants pour les 31 SEA-ETP.

70% 30%

Total Formateurs Total Apprenants

Figure 38. Exemple du taux de couverture du formateur pour la SEA-ETP 27 sur le logiciel N’Vivo 12 QSR international.

En transposant à des travaux sur les pratiques enseignantes, « quelles que soient les

variations entre les chiffres donnés, ceux-ci indiquent bien la part prépondérante du maître dans le dialogue scolaire, alors qu’il croit accorder une part plus large à ses élèves. C’est lui qui émet, reçoit, contrôle l’ensemble des communications dans la classe en les centrant sur lui»

(Postic, 1977, p. 163).

Comme nous l’avons évoqué, la prise de parole des formateurs est supérieure à la prise de parole des apprenants dans 7 SEA-ETP [graph.10] :

- Les SEA3 ; SEA6 ; SEA 7 à La Réunion

- Les SEA16 ; SEA23 ; SEA29 et SEA32 en France métropolitaine

58% 69% 68,50% 51% 52% 59% 57% 42% 31% 31,50% 49% 48% 41% 43%

SEA3 SEA6 SEA7 SEA16 SEA23 SEA29 SEA32

Dans ces différentes SEA-ETP, plusieurs facteurs pourraient influer sur la répartition de la prise de parole :

- Le nombre de formateurs et le nombre d’apprenants : deux formateurs (SEA3 ; SEA6 ; SEA29 ; SEA32) ou trois formateurs (SEA7 ; SEA16 ; SEA23). Dans les SEA16 et SEA23, le nombre de formateurs est supérieur au nombre d’apprenants (3 formateurs et 2 apprenantes).

- Les conditions d’apprentissage : deux mises en situation (SEA7 : atelier cuisine ; SEA29 : atelier avec test à l’effort sur un vélo) n’ont pas nécessité beaucoup de dialogue entre apprenants et formateurs.

Des travaux en sciences de l’éducation portant sur l’effet-maître recensent une première stabilité intra-individuelle pour plusieurs organisateurs de pratiques (Bressoux et al., 1999) dont les interactions maître-élèves. Transposés dans le cadre de l’éducation thérapeutique, nos résultats soulignent que ces interactions sont nombreuses et souvent du côté des apprenants. Néanmoins, au regard de la « couverture de paroles », le formateur garde une place prépondérante dans les échanges.