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10.1. Les finalités socioéducatives de l’intervention éducative-ETP. Pourquoi faire de l’ETP ?

10.1.3. Un duo de pratiques informelles et formalisées par un diplôme

La majorité des formateurs sont formés à l’ETP. Néanmoins, sur 36 formateurs (3 n’ont pas renseigné cette rubrique), 7 formateurs n’ont pas encore été formés à l’ETP, la formation est soit demandée, soit en cours de demande pour 6 d’entre eux. Une formatrice (F35) qui ne souhaite pas être formée, par choix, intervient de manière sporadique dans les SEA-ETP. Tous les formateurs n’ont pas renseigné le nombre d’années d’exercice de l’ETP (deux formateurs n’ont pu être interviewés (F11 et F39)). Pour ceux qui ont renseigné cette rubrique (25 formateurs/36), en l’occurrence le nombre d’années d’exercice et de formation ou non (Annexe 11), trois cas de figure se sont présentés :

- Les formateurs ont été formés à l’ETP et ont animé par la suite les SEA-ETP (20

formateurs),

- les formateurs ont d’abord animé les SEA-ETP et ont été formés par la suite (4

formateurs),

- une formatrice fait de l’ETP depuis un an et demi sans être formée.

Les années d’exercice varient entre 6 mois et 8 ans, avec une majorité (ayant renseigné cet item), exerçant depuis 3 ans (10 formateurs).

En questionnant les formateurs sur leur motivation à faire de l’ETP, qu’ils soient formés ou non, les réponses ont été plutôt positives pour 30 formateurs107, quelques-unes ont été plutôt mitigées (3 formateurs) et deux réponses ont été négatives. La volonté de faire de l’ETP et donc de se former relève parfois de concours de circonstances plus ou moins acceptés. Voici les principales raisons évoquées :

Certains formateurs se sont formés dans le cadre d’un projet d’équipe à construire comme c’est le cas de la maison de santé à La Réunion :

« J’avais commencé à me renseigner, parce qu’en fait le but de notre

maison de santé, c’était quand même au départ, de faire de l’éducation thérapeutique. On a commencé à découvrir ce que c’était. » (F1- 3 ans

Il en est de même pour d’autres formateurs, notamment à l’hôpital en Auvergne-Rhône-Alpes (maladies coronariennes), avec cette volonté également de formaliser des pratiques informelles :

« C’était une volonté de ma part parce que quelque part je pensais que

déjà j’étais, j’avais certainement un truc. Enfin, je suis, quand j’ai entendu qu’il y avait donc des formations sur l’éducation thérapeutique je me suis dit mais finalement j’ai l’impression que c’est ce que je fais déjà. Donc du coup voilà histoire d’être en phase et tout est régie par des diplômes. » (F27 – formée – nombre d’années d’exercice et de

formation non renseigné)

D’autres formateurs ont intégré des programmes d’ETP existants comme c’est le cas de formateurs à l’hôpital en Auvergne-Rhône-Alpes (diabète) avec un programme existant depuis 2014108 :

« Non c’est un choix. Enfin c’était important que je le fasse, parce que

je n’avais pas eu l’occasion de le faire avant. Et puis du coup c’était plus facile de le faire là, sinon j’aurais été ailleurs le faire de toute façon. » (F12 – 4 ans d’exercice et un an et demi de formation)

Mais parfois avec un côté « instable » comme c’est le cas d’un formateur de l’hôpital de La Réunion (diabète) :

F21 (non formé) : « Bien du coup on nous a mis sur l’éducation, mais

moi ce que je fais c’est plus de l’information, c’est pas l’éducation en elle-même. J’ai pas fait la formation des 40 heures minimum là.

Enquêteur : Et donc du coup tu vas être formé mais est-ce que c’est

quelque chose dont t’avais envie ou qu’on t’a imposé ?

F21 : Enfin moi on m’a mis sur l’éducation là, mais oui, bien en fait

c’est les 2. »

Enfin, deux formateurs se sont sentis « forcés » à l’origine à faire de l’ETP : « Alors moi on me l’a imposé. Mais je ne le regrette pas, je ne le regrette

pas. Au départ moi c’était la marque déposée ETP que j’aimais pas beaucoup en fait. Parce que la première fois où j’ai été confronté à de l’ETP, c’était de l’ETP pour les parents d’enfants schizophrènes et je détestais ce qu’ils y faisaient vraiment : déjà l’aspect cours me révoltait. (…) Effectivement on me l’a imposé mais je ne regrette absolument pas, comme je disais tout à l’heure, c’est un modèle qui m’a obligé à changer de position, pas facile au départ, mais qui finalement me va bien. » (F38)

« Non. On m’a forcé au départ, mais ça fait très longtemps, ça doit faire

depuis 99 ou 2000, on m’a forcé à y aller. Je suis allée au truc là, et puis je suis allée avec des médecins, mais ça m’a pas plu du tout parce que en plus j’étais submergée de travail et tu passais ton temps assis sur une chaise à réfléchir, on t’aidait pas du tout, et je trouvais que ça servait à rien et donc j’ai même pas passé le diplôme parce que je suis pas allée à la deuxième séance (…) ils nous présentaient les choses pour, par exemple le diabète et puis tout ça mais c’était pas assez pratique c’était trop dans la théorie de, on va faire nos outils, on va faire nos machins enfin moi j’ai pas le temps de ça, parce qu’à l’époque j’avais 3 petits enfants enfin c’était l’enfer. » (F29)

La question de la représentation et de la motivation des formateurs à se former à l’ETP et à la dispenser est intéressante à aborder dans la mesure où elles seraient susceptibles d’avoir un impact important sur leur pratique. En effet, si l’on se réfère au monde scolaire et principalement aux recherches menées sur les pratiques enseignantes efficaces, il s’avère qu’une des variables susceptibles de favoriser l’apprentissage relève de la représentation professionnelle positive que les professeurs ont construite (Talbot et Arrieu-Mutel, 2012). Dans le cadre de notre recherche, les résultats soulignent une variabilité de motivations qui peuvent relever à la fois d’un choix personnel (une volonté intrinsèque du formateur à faire de l’éducation thérapeutique), très peu évoqué, mais également de circonstances contextuelles (l’arrivée dans un service qui fait de l’éducation thérapeutique, l’adhésion à un projet d’équipe, etc.), davantage soulignées.

Les résultats présentés ici sont à prendre néanmoins avec précaution car quel que soit leur intérêt pour la recherche, les discours des formateurs ne permettent pas d’accéder directement aux pratiques. En effet, si nous considérons l’individu comme un être pluriel (Lahire, 1998) qui incorpore donc des manières différentes de penser et de se comporter, alors nous pouvons penser que chacun est capable d’agir de façon contradictoire en fonction des contextes dans lesquels il se trouve. Ces dispositions (Lahire, 1998) ou capacités à agir et penser ne sont pas homogènes, ce qui rend les pratiques individuelles partiellement instables.