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10.1. Les finalités socioéducatives de l’intervention éducative-ETP. Pourquoi faire de l’ETP ?

10.1.1. Apporter principalement des savoirs et des compétences sur la maladie et sa gestion

« L’éducation thérapeutique s’entend comme un processus de

renforcement des capacités du malade et/ou de son entourage à

prendre en charge l’affection qui le touche, sur la base d’actions intégrées au projet de soins. Elle vise à rendre le malade plus autonome

par l’appropriation de savoirs et de compétences afin qu’il devienne l’acteur de son changement de comportement, à l’occasion

d’évènements majeurs de la prise en charge (initiation du traitement, modification du traitement, événement intercurrents, etc.) mais aussi plus généralement tout au long du projet de soins, avec l’objectif de disposer d’une qualité de vie acceptable pour lui. »91

À partir des entretiens pré et/ou post-actif92 réalisés, nous avons recueilli 36 définitions de l’éducation thérapeutique (trois formateurs n’ont pas répondu à cet item). Nous les avons analysées en procédant via l’analyse de contenu thématique. Nous avons ainsi pu dégager 5 types de définitions complémentaires93 :

L’éducation thérapeutique

Un apport de savoirs et de compétences

Un processus d’apprentissage centré sur la personne malade

chronique

Rendre la personne malade chronique autonome par rapport à la

gestion de sa maladie

Une nouvelle relation entre le formateur et la personne malade chronique

L’éducation thérapeutique : un apport de savoirs et de compétences

Ici nous employons le terme de « savoirs » et non de « connaissances » pour viser « le

caractère à la fois institué (construit socialement et historiquement), objectivé (construction d’un système théorique, formalisation, etc.), dépersonnalisé et décontextualisé de la connaissance » (Reuter et al., 2013, p. 43).

Deux conceptions de l’ETP coexistent (Walger, 2013): l’éducation dite « traditionnelle » de la personne malade chronique qui consiste à lui transmettre des savoirs théoriques et techniques, et, d’autre part, l’éducation à l’autogestion de la maladie (self management), tenant compte davantage du contexte « ordinaire » (Balcou-Debussche, 2016) de la personne malade chronique. Dans le cadre de notre recherche, l’éducation thérapeutique est définie, en premier lieu, pour 14 formateurs94, comme un apport de savoirs théorique et technique en lien avec la maladie chronique. Elle se rapproche donc davantage de l’éducation dite « traditionnelle ». Parfois, la notion d’éducation est confondue avec la notion d’information ou de conseil : « Je

vais leur dire que c’est des séances d’informations qui vont permettre d’être acteur de leur santé » (F22) ; « C’est de l’information et des conseils pour que les patientes se prennent en charge, pour apprendre à mieux vivre leur maladie, avec les outils qu’on leur propose dans chaque atelier. » (F19)

L’éducation thérapeutique : un processus d’apprentissage centré sur la personne malade chronique

Plutôt qu’une « observance » au traitement, aujourd’hui, avec l’éducation thérapeutique, il est plus courant d’entendre que cette dernière serait un vecteur d’empowerment des personnes malades chroniques. « Dans son sens le plus général, l’empowerment désigne, la capacité des

gens de mieux comprendre et de mieux contrôler les forces personnelles, sociales, économiques et politiques qui déterminent leur qualité de vie, dans le but d’agir pour améliorer celle-ci. »

(Israel et al., 1994, p. 152)

Ainsi, pour 12 formateurs95, membres de notre échantillon, l’éducation thérapeutique (comme processus d’apprentissage se centrant sur la personne malade chronique), va permettre de développer et/ou renforcer la capacité de la personne malade chronique à mieux identifier et/ou satisfaire les problématiques liées à la gestion de sa maladie, et ainsi d’avoir le sentiment d’être la garante principale de sa vie.

L’éducation thérapeutique : rendre la personne malade chronique autonome par rapport à la gestion de sa maladie

Auto-soins, autogestion de la maladie, tels sont les objectifs initiaux de l’éducation thérapeutique : rendre le patient autonome dans la gestion de sa maladie. Le terme autonomie provient du grec « autos » signifiant « soi-même » et « nomos » désignant la loi, la règle. L’autonomie se définit alors comme le « fait de se gouverner par ses propres lois » 96, donc d’agir librement. Ainsi pour 11 formateurs97, l’ETP participe à rendre la personne malade chronique autonome par rapport à la gestion de sa maladie, actrice de sa santé.

Ici l’Éducation thérapeutique du patient (ETP) est perçue comme une « pratique de soins

dont la mise en œuvre s’appuie sur des objectifs éducatifs et des interventions éducatives dans le cadre d’un programme personnalisé en lien avec la stratégie thérapeutique et les projets du patient. Ce programme personnalisé est adapté aux besoins éducatifs du patient après les avoir évalués avec lui et en s’étant assuré de sa compréhension de l’intérêt et des bénéfices de l’ETP dans sa situation »98.

L’éducation thérapeutique : une nouvelle relation entre le formateur et la personne malade chronique

Dans certains cas (8 formateurs99), l’éducation thérapeutique est perçue comme une relation, un moment particulier. L’ETP reconfigure la relation que le professionnel de santé entretient avec la personne malade chronique. Ici sont privilégiées les compétences du

98 Source : Haute autorité de santé (2018). Évaluation de l’efficacité et de l’efficience dans les maladies chroniques. Orientations pour les pratiques et repères pour l’évaluation. [En ligne] : https://www.has-

sante.fr/portail/jcms/c_2886181/fr/education-therapeutique-du-patient-etp-evaluation-de-l-efficacite-et-de-l-formateur notamment liées à l’écoute et la compréhension préconisées par le référentiel « dispenser l’ETP »100, en l’occurrence :

- Pratiquer l’écoute active et bienveillante - Pratiquer l’empathie

- Comprendre les ressorts psychologiques des personnes

L’éducation thérapeutique : une prise en charge de la personne malade chronique

Pour 7 formateurs101, la notion de « prise en charge » est évoquée. Au-delà des aspects préventifs et curatifs liés à la maladie, sont pris en compte également les aspects biopsychosociaux de la personne malade chronique. Dans la pratique de l’ETP, cette approche est assimilée au modèle biopsychosocial et se traduit par deux caractéristiques (Berquin, 2010) :

- Une prise en considération, par le professionnel de santé, de la personne malade chronique dans sa globalité, à la fois au niveau psychologique (attitude, croyances, etc.), mais aussi environnemental (social, culturel, professionnel, etc.).

- Une participation active de la personne malade chronique qui se concrétise par « un

cheminement socratique, dans lequel les croyances du patient sont mises à l’épreuve des faits et ainsi progressivement adaptées. » (Berquin, 2010, p. 1513)

Ces grandes catégorisations reprennent de façon assez systématisée les mots-clés que l’on retrouve dans la définition de l’Organisation mondiale de la santé. Les formateurs se sont ainsi appropriés ces mots-clés pour les relayer et pouvoir les opérationnaliser dans la conception, la mise en œuvre et l’animation des Situations d’enseignement-apprentissage – ETP (SEA-ETP). Nous remarquerons notamment que, 14 formateurs sur 36 définissent l’ETP de façon centrale, comme un apport de savoirs et de compétences. Au-delà de cette dimension « quantitative », notre démarche qualitative nous permet de considérer que cette « représentation »102 de l’ETP (comme variable susceptible d’impacter l’acte de former, cf. chapitre 7) occupe une place déterminante dans les pratiques des formateurs dans les SEA-ETP.