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8.1. Outils de collecte de données

8.1.2. La phase interactive : l’observation in situ

Observer les pratiques enseignantes

La phase interactive est la phase d’observation in situ. Cette méthode permet de recueillir des données en situation réelle et d’apporter une meilleure connaissance du milieu d’intervention (Godbout et St Cyr Tribble, 2008). Nous allons observer ce qui se passe en situation d’enseignement-apprentissage entre un formateur et des apprenants.

Dans le cadre de l’intervention éducative dans le monde scolaire, plusieurs grilles existent pour observer les Situations d’enseignement-apprentissage : l’observation porte sur différentes variables, établies au préalable, liées au comportement du sujet. Pour ce faire, l’enquêteur se

munit d’une grille d’observation dans laquelle il identifie les variables qu’il souhaite étudier. Ainsi, dans le cadre des pratiques enseignantes, nous pouvons citer la grille de référence de Flanders (1960) qui étudie la dépendance de l’élève à l’égard du professeur. Le système

Flanders Interactions Analysis Category repose sur l’analyse de comportements verbaux du

maître et des élèves selon un critère d’initiative ou de réponse. Il propose une grille fondée sur l’observation de catégories d’événements survenant dans une classe. Son but initial est d’évaluer le niveau de directivité de l’enseignant (autoritaire vs démocratique). L’observateur s’appuie sur une liste de dix évènements, sept d’entre eux prenant l’enseignant pour objet [fig.26].

Figure 26. Système d’analyse des interactions selon Flanders (1960, p. 4).

Des chercheurs comme M. Bru (2001) et M. Altet (2014) ont proposé des outils permettant d’étudier les interactions maître-élèves en classe. À travers un dispositif baptisé OGP (Observation de la gestion pédagogique), l’intervention éducative est analysée à partir de modalités d’action définies, l’objectif étant d’étudier la variété de ces configurations, aussi bien intra-individuelles (étude du comportement de l’enseignant à différents moments) qu’interindividuelles (les pratiques des enseignants sont comparées entre elles). La grille proposée par M. Altet (2014 ; 2017) est construite autour des trois dimensions constitutives de l’intervention éducative présentées dans les chapitres précédents. Le codage des observations se fait à la fois pour le maître et l’élève (voir infra [tab.22]).

Domaine 1.

Relationnel (Non verbal + Climat relationnel) (0. + 1.) (Enjeux relationnels)

Dimension 1. D0V1. + D1V1 : Non verbal et climat relationnel positif. Dimension 2. D0V2 + D1V2 : Non verbal et climat relationnel négatif.

Domaine 2. Intervention

pédagogique-organisationnelle (Enjeux pragmatiques)

Dimension 1. D2.1 : Conditions d’apprentissage : organisation, temps, espace, règles.

Dimension 2. D2.2 : Gestion du groupe-classe. Dimension 3. D2.3 : Questions fermées. Dimension 4. D2.4 : Questions ouvertes.

Dimension 5. D2.5 : Facilitation d’apprentissage : objectifs, stimulation, explications, choix situations.

Dimension 6. D2.6 : Évaluation.

Dimension 7. D2.7 : Tâches (d’application ou de recherche), mise en activité individuelle, respect temps apprentissage.

Domaine 3.

Gestion didactique-épistémique (Enjeux épistémiques)

Dimension 1. D3.1 : Épistémique/conceptualisation /interdisciplinarité/ Résolution de problèmes.

Dimension 2. D3.2 : Démarche : consignes, rappel, aides didactiques. Dimension 3. D3.3 : Gestion de l’erreur, régulation, remédiation. Dimension 4. D3.4 : Acquisitions : fixation par répétitions.

Dimension 5. D3.5 : Acquisitions : structuration, transfert, métacognition.

Dimension 6. D3.6 : Différenciation.

Dimension 7. D3.7 : Utilisation des langues d’enseignement.

Tableau 22. Grille d’observation des trois domaines constitutifs de l’intervention éducative en tant que praxis.

Selon J.M. De Ketele, une grille d’observation « est un système d’observation :

systématique, attributive, allospective [pour observer les autres], visant à recueillir des faits et non des représentations, menée par un ou plusieurs observateurs indépendants et dans laquelle les procédures de sélection, de provocation, d’enregistrement et de codage des “attributs” à observer sont déterminées le plus rigoureusement possible » (De Ketele, 1987, p. 127).

Nous avons donc élaboré plusieurs grilles d’analyse qui nous ont permis de recueillir de manière fine les éléments constitutifs de la pratique du formateur en situation d’enseignement-apprentissage-ETP.

L’entrée par les interactions verbales

« Observer l’interaction dans le discours, c’est analyser les actes – matériels et discursifs

– et les énoncés des locuteurs et dégager les effets de ces actes sur les autres locuteurs et sur la situation. Ces effets sont les réactions (ou les non-réactions) observables des interlocuteurs. Les réactions peuvent être envisagées de plusieurs manières » (Leimdorfer, 2011, p. 163). Dans

la première partie de cette thèse, un des organisateurs de pratiques ayant un impact avéré sur l’apprentissage est l’interaction formateur-apprenant (Postic et De Ketele, 1988 ; Altet, 1994 ; Durand, 1996 ; Clanet, 2005, 2007). Si l’on retient comme définition d’interaction « toute

acteurs » (Vion, 1992, p. 17), la situation d’enseignement-apprentissage relève bien d’un

phénomène interactif. Celui-ci est particulier dès lors que les buts qui y sont poursuivis sont spécifiques : les interactions verbales ont pour « fonction d’obtenir ou de fournir une

information ou un ensemble de savoirs » (Kerbrat-Orecchioni, 1990). Par ailleurs, les

interactions permettent au formateur d’influer sur les comportements des apprenants en les incitant à entrer en activité et à réguler leurs attitudes individuelles et collectives (Gal-Petitfaux, 2000).

En prenant appui sur les travaux de recherche précédemment cités, nous avons établi deux grilles d’analyse pour observer les pratiques effectives des formateurs en situation d’E-A-ETP :

La première grille (Annexe 6), à partir de l’entrée « interactions formateur-apprenant » permet de catégoriser différentes dimensions constitutives de l’intervention éducative, transposée dans le monde de l’éducation thérapeutique (Altet, 2002) ; (Roger, 2003) ; (Lenoir, 2009) ; (Altet et al., 2014) :

Le domaine « didactique-épistémique » : l’organisation et la gestion du savoir et des apprentissages

Le domaine pédagogico-organisationnel : l’organisation et la gestion de l’enseignement-apprentissage

Le domaine relationnel : l’organisation et la gestion de la situation d’enseignement-apprentissage

La deuxième grille (Annexe 7) renseigne ce qui s’inscrit dans la sphère de la littératie en santé entendue, pour rappel, comme « les compétences cognitives et sociales qui déterminent

la volonté et la capacité d’un individu de repérer, de comprendre et d’utiliser de l’information afin de promouvoir et maintenir une bonne santé » (Nutbeam, 1998).

De récents travaux ont révélé une complémentarité entre le niveau de développement atteint ou à atteindre dans le champ de la littératie en santé et la démarche de l’éducation thérapeutique dans les compétences à acquérir (Margat et al., 2014) ainsi que la pertinence de mobiliser ce concept dans le cadre de situations d’apprentissage (Balcou-Debussche, 2014). La grille d’analyse que nous évoquions (cf. supra) est le fruit d’un travail collaboratif mené en 2015 dans le cadre de la recherche ERMIES-ethnosocio81 en prenant appui sur les travaux de D. Nutbeam (1998 ; 2008) et R. Osborne (2015). Cette grille présente l’avantage de prendre en

compte le formateur et les apprenants. Elle s’articule autour de trois dimensions :

L’accès à l’information : énoncés du formateur et des apprenants en relation avec l’accès à l’information en situation (compréhension des consignes, de la thématique abordée, de la progression de la situation) ;

La compréhension de ce qui est en jeu : énoncés du formateur et des apprenants en lien avec les appropriations de savoirs et les résultats attendus dans chaque séance, ou questions ouvrant sur un processus de compréhension ;

La prise de décision : énoncés du formateur et des apprenants en lien avec la décision d’actions en faveur de la santé.

Nous avons complété l’étude des trois composantes de la littératie en santé en y intégrant la dimension contextuelle (Balcou-Debussche, 2016). Les catégories ont donc été affinées en ajoutant, pour les 3 composantes de la littératie en santé, deux sous-catégories :

 en contexte « ordinaire »,

 en Situation d’enseignement-apprentissage ETP.