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6.3. Au niveau micro

6.3.4. Dimension relationnelle

La dimension relationnelle est tout aussi importante que les deux autres dimensions constitutives de la pratique (Altet et al., 2014). Elle relève du « climat » de la situation. Un bon « climat » est propice à la construction des savoirs par les apprenants (Rosée, 2002). Cette dimension regroupe un aspect organisationnel, c’est-à-dire le lieu où se déroule la situation d’enseignement-apprentissage, le matériel proposé, etc., et l’aspect relationnel du formateur, sa capacité à créer des conditions favorables à la gestion des apprentissages passant par l’accueil, la gestion du temps, etc. Notre travail exploratoire à partir des corpus 1 et 3 révèle qu’il n’y a pas de lieu dédié exclusivement à l’éducation thérapeutique.

Sur les 20 situations observées, chacune d’elle a été dispensée dans des salles non réservées à l’ETP. Elles ont pour la plupart plusieurs fonctions :

Des salles de réunion pour les personnels soignants servant de salle d’éducation à l’occasion (SEA1(E),à SEA13(E), SEA15(E), SEA16(E), SEA17(E), SEA20(E)) ;

Une salle de remise en forme avec la présence de vélos d’appartement et d’un tapis de course (SEA18(E)) ;

Une salle extérieure prêtée par une mairie au sein d’un point information jeunesse (SEA14(E)) ;

Une bibliothèque (SEA19(E)).

Nous avons analysé la dimension relationnelle (voir infra[graph.4]) pour les onze séances issues du corpus 3 en nous appuyant sur la grille d’analyse catégorisant les différentes dimensions constitutives de l’intervention éducative examinées dans le cadre du chapitre 2 (Altet, 2002) ; (Roger, 2003) ; (Lenoir, 2009) ; (Altet et al., 2014).

Graphique 4. Répartition de la dimension relationnelle, en pourcentage,

sur les onze Situations d’enseignement-apprentissage (SEA), issues de la recherche exploratoire (E) (corpus 3).

Des écarts importants se dessinent en fonction des SEA. Si nous prenons l’exemple de deux résultats extrêmes, en l’occurrence la SEA19(E) avec 34 % et la SEA10(E) avec 11 %, nous pouvons observer que :

La SEA19(E) porte sur la gestion des festins dans le cadre du diabète. La SEA se déroule dans les locaux d’une société mutualiste, qui propose un programme d’ETP. La salle, une bibliothèque, est plutôt grande, spacieuse et lumineuse. Des tableaux sont accrochés aux murs. La formatrice est diététicienne formée aux 40 heures en ETP, elle est habillée en tenue de ville, elle rit beaucoup pendant la séance. Au regard de la répartition des prises de parole, en termes de couverture, la formatrice occupe 39 % et les apprenantes 61 %. Ces dernières, au nombre de trois, ont été sur la réserve au début de la SEA-ETP mais elles ont échangé leur numéro de téléphone respectifs pour faire des activités ensemble à la fin de la SEA.

F : « Alors donc au quotidien quand on n’a pas envie de cuire qu'est-ce qu'on peut faire alors ? Si vous allez chercher vos barquettes, quelque part j'imagine, enfin votre repas, vous allez, vous faites quoi ?

A1 : Pour gérer ?

F : Non. Où vous allez ? Qu'est-ce que vous faites ? A2 : Aaahhh! Pizza. A1 : Sandwich. A2 : Sandwich. (rires) 11% 18% 14% 12% 20% 19% 27% 20% 17% 34% 21%

A2 : Non mais après on va dire que c'est très très très motivant, et voir l'inverse quand on cuisine à la maison faut aller acheter ses légumes, faut au minimum assaisonner pour que ça ait du goût, contrairement là on prend son auto, on arrive à Carrefour, au plus proche, il y a Metzo, il y a la Brioche Dorée, il y a les formules avec le sandwich, le dessert, le café, (rires), le sucre. On est installé on n'a pas de vaisselle à faire.

F : Ok, et le portefeuille aussi, il doit suivre alors. A2 : On est toute seule, donc...c'est vite amorti.

F : Alors A3 ? Dites-moi que vous n'êtes pas, donnez-moi un peu d'espoir. (rires)

A3 : Je préfère cuisiner, moi-même, disons pour plusieurs raisons, parce que je suis très, j'aime pas tous les additifs et j'ai peur des additifs en fait, c'est une crainte, je suis persuadée que ça va me pourrir la santé au long terme. »

Tableau 19. Exemple d’échanges entre la formatrice (F) et des apprenants (A) pendant la situation d’enseignement-apprentissage sur la gestion des festins.

Quant à la SEA10(E), celle-ci porte sur la réalimentation en chirurgie bariatrique. La SEA, se déroule dans une salle du service de diabétologie d’un hôpital. La salle est grande et a plusieurs utilités : salle d’éducation, salle de réunion, salle de remise en forme avec la présence de vélos. Derrière la porte de gauche se trouvent les toilettes du personnel soignant. La formatrice est une diététicienne formée à l’ETP, elle est en tenue hospitalière. Elle est un peu stressée de notre présence (la demande d’observation émane de la coordinatrice du programme dans le cadre de l’évaluation quadriennale demandée par l’ARS. Cette dernière a sollicité notre laboratoire de recherche pour une évaluation qualitative des SEA-ETP). Cela fait un mois tout juste qu’elle anime des SEA-ETP. Elle n’est pas à l’origine de la conception de la situation et reconnaît « qu’il y a tellement d’informations » ; « qu’on veut trop transmettre et le fait de

vouloir trop transmettre, bien les patients après ils ne retiennent pas l’essentiel ». Cette volonté

de trop transmettre est corroborée par la répartition des prises de parole : en termes de couverture, la formatrice occupe 69 % et les apprenantes, au nombre de six, 31 %. Il y aura très peu d’échanges avec les apprenants pendant la situation, qui a duré 1h20, la formatrice faisant défiler les diapositives de son powerpoint en les commentant.

Ce qu’il faut retenir de ces deux situations d’enseignement-apprentissage :

 Les lieux pourraient avoir une influence sur la Situation d’enseignement-apprentissage (SEA) : dans le cas de la SEA10(E), les apprenants sont à l’hôpital alors que dans la SEA19(E), les apprenants sont dans un cadre associatif. Ceci est renforcé par les tenues des formatrices, qui, dans la SEA10(E) se distinguent des apprenants par le port d’une blouse blanche, tenue professionnelle, alors que dans la SEA19(E), la formatrice est en tenue de ville.

 Les apprenants malades chroniques, même venant de l’extérieur pour les deux situations, ne sont pas là pour les mêmes raisons : les apprenants de la SEA10(E) sont dans une démarche « d’opération à la clé » et pour ce faire, doivent passer obligatoirement par ces SEA-ETP, alors que dans la SEA19(E), les apprenantes sont dans une démarche plus personnelle de vouloir à la fois acquérir des connaissances quant à leur maladie et de rencontrer d’autres personnes malades chroniques.