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Régulation de la synthèse énergétique du cardiomyocyte

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CHAPITRE I : Energétique cardiaque

C. Régulation de la synthèse énergétique du cardiomyocyte

Les différents mécanismes impliqués dans la production d’énergie doivent pouvoir s’adapter à l’activité cardiaque qui fluctue en fonction des besoins nutritionnels de l’organisme. Il a été montré (Starling & Visscher, 1927 ; Neely et al., 1967 ; Williamson et

al., 1976) que la consommation de dioxygène, et donc la production d’énergie, augmente en

fonction de l’intensité de l’activité cardiaque. Cette relation étroite entre production et utilisation énergétique nécessite un (ou plusieurs) signal qui conduit à la coordination des dynamiques productrices et consommatrices. De nombreuses théories ont été avancées et font encore débat. Il semble cependant que deux facteurs régulateurs principaux semblent se dégager aujourd’hui : les nucléotides adényliques et le calcium (Saks et al., 2004 ; Guzun et

al., 2009).

L’hypothèse classique du contrôle de la phosphorylation oxydative repose sur des études réalisées dans les années 1950 (Lardy & Wellman, 1952 ; Chance & Williams, 1956) qui ont montré que la consommation de dioxygène pouvait être stimulée par l’ajout d’ADP et de Pi dans une suspension de mitochondries isolées. Ces travaux suggèrent alors que la respiration mitochondriale est directement contrôlée par la disponibilité d’ADP et de Pi. L’aspect un peu simpliste de ce modèle n’en est pas moins séduisant puisque le rétrocontrôle positif qu’exercent les produits de l’hydrolyse de l’ATP sur la synthèse énergétique permet d’expliquer parfaitement l’équilibre entre consommation et production d’énergie. Ce

-Introduction-

phénomène est cependant sujet à controverse. Si in vitro, le contrôle de la respiration mitochondriale par l’ADP est indiscutable, ce processus est bien plus difficile à appréhender

in vivo car les concentrations intracellulaires totales d’ADP, d’ATP et de PCr (réserve

énergétique) varient très peu lorsque la charge de travail du cœur augmente (Neely et al., 1972 ; Williamson et al., 1976 ; Balaban et al., 1986). Il apparaît donc que le cœur est gouverné par une stabilité métabolique qui va à l’encontre du dogme mentionné précédemment.

Depuis une vingtaine d’années, plusieurs groupes (Hansford, 1985 ; McCormack & Denton, 1990 ; Territo et al., 2001 ; Balaban, 2002 ; Maack & O'Rourke, 2007 ; Dedkova & Blatter, 2008) avancent la théorie d’une activation parallèle de la respiration mitochondriale par le calcium. Celle-ci repose sur l’entrée du calcium cytoplasmique dans la mitochondrie (via l’uniport calcique (Gunter & Pfeiffer, 1990)) au cours de l’augmentation de la concentration de calcium intracellulaire qui conduit à la contraction. L’entrée de calcium dans l’organite a un effet positif sur le métabolisme puisqu’il active les déshydrogénases mitochondriales impliquées dans le cycle de Krebs (Hansford, 1985) ainsi que l’ATP synthase (Territo et al., 2000 ; Balaban, 2002). Il en résulte une augmentation de la production d’équivalents réduits couplée à une activation de l’entité productrice de l’ATP qui conduisent à la stimulation de la production énergétique. Cette régulation énergétique établit donc un lien direct entre mécanisme contractile et production énergétique puisque le mécanisme déclencheur de la contraction (CICR) est également activateur des systèmes de synthèse d’ATP. Si cette théorie est plutôt élégante dans le cas de l’accélération du rythme cardiaque, elle n’est cependant pas complètement satisfaisante dans le sens où elle ne permet pas d’expliquer l’importante augmentation de consommation de dioxygène constatée sous l’effet de la loi de Frank-Starling (Saks et al., 2006a). Durant ce phénomène qui voit les cardiomyocytes se contracter de façon plus importante en réponse à un étirement, il a en effet été montré qu’il n’existe pas d’augmentation de la concentration intracellulaire de calcium chez les cardiomyocytes étirés mais, qu’en revanche, l’augmentation de la force développée était une conséquence d’une hypersensibilisation des myofilaments au calcium (Kentish & Wrzosek, 1998 ; Shiels & White, 2008). Dans ce cas, les limites de la stimulation de la production énergétique par le calcium apparaissent puisque la stabilité de la concentration calcique est en contradiction avec l’augmentation de la charge de travail cardiaque constatée en réponse à l’étirement.

Si le phénomène décrit par la loi de Frank-Starling est en défaveur d’une régulation de la synthèse énergétique par le calcium intracellulaire, il est, en revanche, en total accord avec le contrôle par l’ADP. L’augmentation de la force de contraction en réponse à l’extension des sarcomères implique, en effet, un nombre considérablement plus important de pont acto- myosine. Ceci entraîne une hausse de la production d’ADP qui stimule d’autant plus la respiration mitochondriale. Il semble donc que le mécanisme de contrôle de la synthèse énergétique par l’ADP soit au premier plan. Le calcium jouerait, pour sa part un rôle secondaire dans la stimulation de la synthèse énergétique qui n’est, néanmoins, pas à négliger puisqu’il participe à la reconstitution du stock de NADH, qui est fortement oxydé lors d’une augmentation de la contraction cardiaque (Brandes et al., 1998 ; Brandes & Bers, 1997), en agissant directement sur les enzymes du cycle de Krebs.

S’il est primordial de stimuler la production énergétique au cours d’une augmentation de charge de travail, il est tout aussi important de diminuer cette synthèse lorsque l’activité cardiaque revient à la normale. Ce phénomène est assuré par le rétrocontrôle négatif qu’exerce l’ATP sur sa propre synthèse. La molécule énergétique a, en effet, une action inhibitrice sur l’activité de la citrate synthase (Harford & Weitzman, 1975) et un rapport ATP/ADP élevé est thermodynamiquement défavorable à l’activité de l’ATP synthase (Ventura-clapier, 1998). Il en résulte que le paramètre régulateur de la production énergétique est le rapport ATP/ADP.

Dans la mesure où l’ADP et l’ATP se présentent comme les facteurs principaux de la régulation de la production énergétique, le mécanisme liant l’activité ATPasique et la stimulation de la respiration mitochondriale par le rapport ATP/ADP reste à comprendre dans ce système où les concentrations cytosoliques globales des molécules énergétiques ne varient pas. Le fonctionnement de ce mécanisme de régulation repose sur un système métabolique organisé qui ne nécessite pas forcément la diffusion des molécules énergétiques entre les mitochondries et les ATPases. Il s’agit d’un système ingénieux dans lequel des transferts énergétiques optimisés permettent de lier la production énergétique à la consommation sans pour autant influer sur les concentrations cytosoliques globales des molécules énergétiques.

-Introduction-

III. Transferts d’énergie et du signal énergétique

Les notions de rapport ATP/ADP bas au niveau des mitochondries et élevé au niveau des ATPases sont difficiles à appréhender puisqu’elles nécessitent des concentrations moléculaires différentes selon les sites cellulaires. Il est évident qu’un système de diffusion simple des molécules adényliques depuis les entités productrices d’énergie vers les entités consommatrices (et vice versa) ne permet pas de répondre aux exigences d’un tel fonctionnement. Dans le cardiomyocyte, il existe une compartimentation cellulaire qui se matérialise par la mise en place, par des acteurs protéiques, de concentrations moléculaires spécifiques dans des zones bien définies de la cellule. Ainsi, le rapport ATP/ADP est élevé au voisinage des ATPases (myosine-ATPase, SERCA…) quand celui-ci est bas au niveau des mitochondries. Ces compartiments ne sont pas indépendants les uns des autres ; ils communiquent entre eux soit par l’intermédiaire du réseau protéique des kinases (Wallimann

et al., 1992 ; Saks et al., 1994 ; Ventura-Clapier & Veksler, 1994 ; Dzeja et al., 1999) soit par

interaction directe à l’interface des mitochondries et des ATPases (par le mécanisme de canalisation directe des nucléotides adényliques décrit par A. Kaasik en 2001). Ces deux mécanismes de communication permettent non seulement de transférer l’énergie produite vers les ATPases mais aussi de transférer le signal énergétique des ATPases vers les mitochondries puisque toute diminution du rapport ATP/ADP au niveau des ATPases induit également une diminution de celui-ci au niveau du compartiment mitochondrial.

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