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Architecture cellulaire des différents modèles

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Chapitre II : Morphologie mitochondriale et transferts énergétiques

A. Architecture cellulaire des différents modèles

1. Evolution de la cytoarchitecture durant le développement postnatal

Au cours de l’étude menée durant le développement postnatal, il a clairement été montré que l’architecture cellulaire du cardiomyocyte subit de profonds remaniements dès les

premiers jours de vie des souris. Ces modifications majeures de la structure de la cellule cardiaque sont, au même titre que les processus d’hyperplasie et d’hypertrophie, des éléments essentiels de la réponse du cœur pour augmenter son efficacité face au constant accroissement de la demande énergétique de l’organisme en croissance. La période comprise entre 3 et 7 jours après la naissance apparaît comme étant l’étape la plus importante de la mise en place de l’architecture cellulaire. Elle permet en effet à la cellule cardiaque de passer d’un état structurel relativement anarchique, où les mitochondries sont aléatoirement dispersées dans le cytoplasme, à une organisation réticulaire de l’ensemble des organites ressemblant très fortement à la disposition stricte des organelles du cardiomyocyte adulte observée lors de l’étude et également décrite par T. Ogata (Ogata & Yamasaki, 1985). De plus, la part cytoplasmique libre caractéristique des cardiomyocytes néonataux (Muhlfeld et al., 2006) décroît fortement après 3 jours, suggérant une densification des structures internes et notamment une augmentation importante de la densité des myofilaments qui permet un accroissement de la force développée par les fibres cardiaques (Reiser et al., 1994 ; Siedner et

al., 2003).

De manière intéressante, il semble exister une concordance parfaite entre la mise en place de l’architecture et l’étape de transition entre la phase hyperplasique et la phase hypertrophique de la croissance cardiaque qui commence environ 4 jours après la naissance des souriceaux (Leu et al., 2001). Il est à noter qu’au-delà du simple établissement, visible par microscopie, de la cytoarchitecture du cardiomyocyte en cours de maturation, cette période, durant laquelle hyperplasie et hypertrophie coexistent, est également marquée par l’apparition de l’intervention du RS dans la contraction de la cellule cardiaque qui jusque là dépendait essentiellement du flux calcique transarcolemmal (Tanaka et al., 1998 ; Schroder et al., 2006). Ceci est le reflet d’une réelle complexification de la structure interne du cardiomyocyte, atteignant son paroxysme avec la formation de tubules transverses aux alentours du quinzième jour après la naissance (Ziman et al., 2009), qui dès lors nécessite un système calcique suffisamment efficace pour accéder à l’ensemble des myofibrilles. De manière générale, l’apparition d’un couplage excitation-contraction mature est révélatrice de l’exigence organisationnelle requise par la structure de plus en plus complexe de la cellule cardiaque en maturation qui, à partir d’un certain degré structurel, ne peut plus se contenter de simples mécanismes de diffusion.

-Discussion générale et conclusions-

Il semblerait que la période d’hyperplasie soit le théâtre de l’acquisition des caractéristiques physiologiques adultes par le jeune cardiomyocyte. Il en deviendrait alors presque évident qu’il y ait une synchronisation parfaite de la transition entre les deux types de croissance avec la mise en place de l’architecture cellulaire. S’il est en effet parfaitement concevable que la cellule pseudo-organisée du cœur néonatal puisse se diviser de façon à augmenter la masse musculaire cardiaque en début de vie postnatale, ce processus paraît plus difficilement envisageable pour une cellule ayant déjà acquis une architecture cellulaire présentant la complexité du cardiomyocyte adulte. Il est donc imaginable que, comme le suggèrent deux précédentes études (Li et al., 1997a ; Li et al., 1997 b), la densification des structures internes du cardiomyocyte soit la composante majeure qui conduirait à l’arrêt de l’hyperplasie pour passer à une croissance cardiaque strictement hypertrophique. Cette phase d’hypertrophie n’aurait alors pour rôle que d’augmenter la densité de myofilaments, et la quantité de mitochondries, sans pour autant modifier l’arrangement spatial des organites ; ceci expliquerait parfaitement le profil très similaire de l’architecture cellulaire des cardiomyocytes des souris de 7, 21 et 63 jours observés durant l’étude. Pour aller plus loin et s’assurer de ce rôle de premier plan que pourrait jouer l’architecture dans cette étape de transition, il serait intéressant d’étudier conjointement ces deux phénomènes dans plusieurs espèces présentant des différences dans la chronologie des processus hyperplasiques et hypertrophiques de la croissance cardiaque.

2. Conséquences d’un déficit d’expression d’OPA1 sur la cytoarchitecture

L’observation de l’architecture cellulaire de cardiomyocytes de souris Opa1+/- a montré qu’une diminution d’expression d’environ 30% de la protéine de fusion a des conséquences importantes sur la morphologie des mitochondries des cellules musculaires cardiaques du modèle étudié. Si des effets sur le réseau mitochondrial étaient espérés dès la conception de l’étude, ils n’en ont pas moins été surprenants puisqu’ils vont à l’encontre de tout ce qui avait été publié jusqu’à maintenant. De nombreux travaux s’attachant à l’étude des mécanismes impliqués dans la dynamique mitochondriale ont en effet eu recours à des techniques permettant de modifier les niveaux d’expression des protéines responsables des processus de fusion ou de fission (Chen et al., 2003 ; Yoon et al., 2003 ; Olichon et al., 2003 ; Cipolat et al., 2004 ; Stojanovski et al., 2004 ; Griparic et al., 2007). Il s’avère que les résultats qui en découlent ont fait émerger l’idée, simpliste mais séduisante, que la diminution de l’expression d’une protéine de fusion ou de fission conduit respectivement à la

fragmentation ou à la fusion du réseau mitochondrial. Ces données antérieures sont toutefois à prendre avec beaucoup des précautions puisqu’elles ont été obtenues sur des cultures cellulaires et dans des conditions où l’inhibition de l’expression des protéines ciblées était quasiment complète. Il faut de plus rappeler que, dans le cadre de ce projet, l’étude a été réalisée sur le muscle cardiaque qui, comme il a été dit précédemment, doit certainement présenter des régulations particulières des processus de la dynamique mitochondriale en raison de son organisation cellulaire singulière. Ces arguments ne sont en revanche pas valables pour expliquer l’opposition de ces résultats à ceux obtenus par L. Chen et ses collègues dans une étude qui met en relation la diminution de l’expression d’OPA1 et la fragmentation du réseau mitochondrial observées dans l’insuffisance cardiaque chez le rat (Chen et al., 2009). Il faut cependant rappeler qu’un très grand nombre de paramètres sont modifiés dans une pathologie comme l’insuffisance cardiaque et que, par conséquent, il est difficile d’établir un lien de cause à effet entre l’expression d’OPA1 et le profil du réseau mitochondrial dans le modèle utilisé par L. Chen. De plus, le fait que la masse mitochondriale totale diminue au cours de l’insuffisance cardiaque chez le rat (De Sousa et al., 1999 ; Garnier

et al., 2003 ; Garnier et al., 2009) remet en cause la réalité physiologique de la diminution

d’OPA1 mesurée dans ce modèle. Dans l’éventualité où les diminutions d’expression d’OPA1 et de la quantité de mitochondries seraient du même ordre, il serait en effet judicieux de se demander s’il peut être considéré que le changement du niveau d’expression est perçu comme une diminution de la quantité de protéine OPA1 du point de vue de l’organite et de sa dynamique.

Si la morphologie mitochondriale observée chez le modèle de souris mutée a dans un premier temps été déstabilisante, une observation plus précise des structures par microscopie électronique a cependant permis de proposer une théorie qui pourrait expliquer le déplacement de la balance de la dynamique mitochondriale vers la fusion chez ces souris. A très fort grossissement, il apparaît que les « grosses mitochondries », affichées par les souris Opa1+/-, présentent des caractéristiques inhabituelles au niveau de leur structure interne. Les crêtes mitochondriales montrent effectivement une désorganisation particulière qui donne l’impression que ces « grosses mitochondries » seraient le résultat de la fusion incomplète de plusieurs mitochondries qui auraient seulement fusionné leur membrane externe. La morphologie des mitochondries des souris Opa1+/- pourrait alors être la conséquence d’un échec du phénomène de fusion qui conduirait au blocage des processus de la dynamique mitochondriale en raison de l’impossibilité de fusionner correctement les membranes internes.

-Discussion générale et conclusions-

Bien que cette hypothèse soit fascinante, elle est cependant à considérer avec prudence. Malgré la puissance de la technique de microscopie électronique, les crêtes mitochondriales restent des structures présentant une organisation très complexe et il est difficile d’affirmer avec certitude que les membranes internes ne sont pas fusionnées dans les « grosses mitochondries ». L’organisation très particulière des crêtes de ces mitochondries pourrait simplement être expliquée par le rôle que joue la protéine OPA1 dans la morphologie des crêtes mitochondriales (Frezza et al., 2006), sans pour autant impliquer un problème de fusion.

Quoiqu’il en soit, le phénomène responsable de l’apparition de mitochondries surdimensionnées semble conduire à une dérégulation de la répartition de la masse mitochondriale au sein de la cellule cardiaque. Les mitochondries s’organisent ainsi sous forme d’amas et sont alignées de façon beaucoup moins régulière chez les souris mutées que chez les souris contrôles qui présentent la structure cellulaire traditionnellement décrite chez les cardiomyocytes (Ogata & Yamasaki, 1985).

Si cette étude semble montrer qu’une réduction permanente, depuis la cellule œuf, de l’expression d’une protéine impliquée dans la fusion des mitochondries conduit à d’importantes perturbations de la morphologie de l’organelle, il est cependant difficile de tirer des conclusions générales quant à l’aspect dynamique du réseau mitochondrial dans le cœur adulte. La perturbation des processus de la dynamique mitochondriale s’effectuant tout au long de la vie de l’animal, il est en effet impossible de déduire si la morphologie observée est strictement due aux phénomènes dynamiques se déroulant pendant le développement embryonnaire et postnatal ou si d’hypothétiques fusions et fissions chez l’adulte pourraient prendre part à ce phénotype.

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