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Régulation, conscientisation…

Les propriétés inconnues des nouvelles technologies des médias ont toujours eu ten-dance à susciter de la peur et, naturellement, de nombreux parents, enseignants et décideurs politiques ont exprimé leurs craintes et leurs préoccupations concernant l’influence négative des médias sur les enfants et les adolescents. Depuis que les moyens modernes de commu-nication de masse existent, on a régulièrement observé des vagues de « panique morale » quant à l’influence que les médias exercent sur nos jeunes. Ces préoccupations se sont accrues à mesure que s’est développée la technologie des médias. Les inquiétudes portent notamment sur ce que nous appelons les « contenus offensants », qui peuvent être distribués à plus grande échelle grâce à la télévision satellite/câblée, Internet, les jeux vidéo et les téléphones mobiles. Il s’agit de contenus violents et pornographiques (fictionnels ou non) ; de publicités offensantes ; de représentations stéréotypées et irrespectueuses portant atteinte à l’image des jeunes, des femmes et des minorités ; de messages incitant à la haine, etc.

Il y a également de nombreuses craintes concernant les risques auxquels s’exposent les jeunes sur Internet en raison des rencontres anonymes qu’ils font dans le cadre des réseaux sociaux. D’autres risques nouveaux mais néanmoins sérieux sont l’automutilation, les drogues, le jeu pathologique, l’addiction, ainsi que les risques commerciaux, tels que, par exemple, l’utilisation des données personnelles. Tous ces risques sont intrinsèquement liés à la connec-tivité.

Par ailleurs, d’autres problèmes se posent également en ce qui concerne le téléchargement illégal et les conséquences dramatiques que cela entraîne pour les institutions détenant les droits de propriété intellectuelle.

Ces dernières décennies, différents acteurs ont proposé diverses solutions en vue de li-miter la propagation de contenus pouvant être considérés comme dangereux pour les jeunes, y compris des lois et différentes formes d’autorégulation et de corégulation. Des discussions sont en cours entre les autorités, les entreprises du secteur des médias et le grand public afin de trouver un consensus sur des principes généraux, aussi bien dans les différents pays qu’au niveau multilatéral, au sein de l’Union européenne et des Nations unies.

La Convention des Nations unies relatives aux droits de l’enfant, qui célèbre cette année son vingtième anniversaire, fournit un cadre international pour ces efforts dans deux de ses articles fondamentaux. L’article 13 établit que chaque enfant « a droit à la liberté d’expression.

Ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen du choix de l’enfant ». L’article 17 appelle les États parties à veiller « à ce que l’enfant ait accès à une information et à des matériels provenant de sources nationales et internationales diverses, notamment ceux qui visent à promouvoir son bien-être social, spirituel et moral ainsi que sa santé physique et mentale ».

À cette fin, la convention encourage les gouvernements et les institutions de la société civile à « favoriser l’élaboration de principes directeurs appropriés destinés à protéger l’enfant contre l’information et les matériels qui nuisent à son bien-être ».

Figure 2. Inquiétudes des parents quant à l’utilisation par les enfants d’Internet et du téléphone mobile, 2008 (%). Lorque votre enfant utilise Internet ou un téléphone mobile, à quel point êtes vous inquiet qu’il ou elle - Source : Flash Eurobarometer 248, 2008

Pourrait être confronté à des images explicitements sexuelles ou violentes

par d’autres enfants 37 17 18 23 5

Pourrait s’isoler socialement à trop

passer de temps en ligne 34 19 16 27 5

Pourrait être confronté à des images explicitements sexuelles ou violentes via le téléphone mobile

26

37 14 13 11

Pourrait être harcelé par d’autres

enfants via le téléphone mobile 34 15 14 25 11

Pourrait communiquer des

informations personnelles ou privées 26 21 24 25 4

Très inquiets Plutôt inquiets Plutôt pas inquiets Pas du tout inquiets NA

La question des jeunes et des médias a également occupé l’UE pendant un certain temps.

Tous les instruments communautaires dans ce domaine concordent quant aux personnes à qui incombe la responsabilité d’assurer le bien-être des jeunes européens. Cette responsa-bilité incombe avant tout aux adultes (parents, enseignants et autres), mais ces adultes doivent être aidés par des décisions politiques et des initiatives de la part de l’industrie des médias, par exemple, des codes d’éthique et des règles obligeant l’industrie à assumer sa part de responsabilité vis-à-vis des jeunes et des adolescents. Nous savons aujourd’hui qu’il ne suffit pas d’utiliser l’un ou l’autre instrument pour atteindre nos objectifs. Nous devons plutôt mettre en place une interaction efficace entre la législation, la corégulation et l’autorégulation.

Toutes les parties (le gouvernement, l’industrie des médias et la société civile) doivent déve-lopper des modes de collaboration efficaces.

Dans le paysage des médias et la culture médiatique d’aujourd’hui, nous avons besoin de politiques établissant un juste équilibre entre les deux grands objectifs que sont la maxi-misation des opportunités et la minimaxi-misation des risques. C’est là un sérieux défi.

...et l’émancipation

Cependant, aborder uniquement sous cet angle les questions relatives aux jeunes et aux médias serait une approche trop restreinte, et restrictive. Si nous voulons obtenir un cadre complet, il convient également de tenir compte du point de vue des spectateurs et des utili-sateurs. Seulement alors la dernière pièce du puzzle sera en place. De plus en plus de personnes reconnaissent désormais que les médias modernes, et en particulier Internet, constituent également des ressources sociales et culturelles favorisant l’émancipation des jeunes, à la fois en termes de développement personnel et de développement en tant que membres de la société, en tant que citoyens. Ces processus de développement requièrent de l’imagination et de la créativité, ainsi qu’un apprentissage et des connaissances.

La nécessité de mieux comprendre les médias vaut pour l’ensemble de la société : les jeunes, mais aussi les parents, les enseignants et les autres adultes. Les défenseurs de l’édu-cation aux médias et aux outils numériques estiment qu’une connaissance plus approfondie et plus étendue des médias permettrait de stimuler la participation, la citoyenneté active, le développement des compétences et l’apprentissage tout au long de la vie. Ainsi, l’éducation aux médias et aux outils numériques devient essentielle pour garantir une société démocra-tique. Tous les citoyens ont besoin d’être éduqués dans ces matières, mais cela est encore plus important pour la jeune génération.

Tout le monde s’accorde à dire que l’éducation aux médias et aux outils numériques couvre plusieurs types de connaissances et de compétences. Outre l’accès aux médias, les jeunes (et les adultes) doivent également comprendre comment les médias fonctionnent, comment ils créent du sens, comment l’industrie est organisée, comment elle fait des bénéfi-ces, et quels sont les objectifs qu’elle poursuit. L’éducation aux médias implique également de savoir comment ces derniers peuvent être utilisés et d’être capable de s’en servir pour exprimer son avis ou sa créativité, autrement dit pour produire ses propres contenus média-tiques. Les utilisateurs doivent également être capables d’éviter et de gérer les risques liés aux médias, et en particulier à Internet. Il convient de renforcer les connaissances en ce qui concerne la sécurité des données et la protection de la vie privée, ainsi que les aspects de l’utilisation des médias relatifs aux droits d’auteur.

Par conséquent, il essentiel de mieux préparer les jeunes à assumer leur rôle d’utilisateurs de médias, en développant leur sens critique et leur capacité à exprimer leur idées et leur créativité grâce à des mots, des sons et des images.

L’éducation aux médias occupe désormais une place de premier plan dans la politique internationale et européenne. La première politique communautaire relative à l’éducation aux médias a été présentée par la Commission européenne en décembre 2007. Viviane Reding, la commissaire responsable de la société de l’information et des médias, a déclaré que l’éducation aux médias jouait « un rôle essentiel pour assurer l’émergence d’une citoyen-neté pleine et active. […] Il faut sensibiliser davantage les gens aux moyens de s’exprimer efficacement et d’interpréter les informations qu’ils reçoivent notamment par l’intermédiaire des blogs, des moteurs de recherche ou de la publicité » (Communiqué de presse de la Commission européenne du 20 décembre 2007). Un an plus tard, en décembre 2008, le Parlement européen a adopté un rapport sur la « compétence médiatique dans le monde numérique », qui soulignait l’importance de l’éducation aux médias dans la société de l’in-formation. Dans ce rapport, le Parlement encourageait la Commission à « adopter une re-commandation et à élaborer un programme d’action sur la compétence médiatique ». Ces travaux sont désormais en cours et la Commission a annoncé qu’une proposition de recom-mandation sur l’éducation aux médias serait présentée durant le deuxième semestre de 2009.

L’importance de l’éducation aux médias dans les écoles ne saurait être surestimée. Dans l’Union européenne, il existe un large consensus sur le fait que les écoles devraient assumer la responsabilité de veiller à ce que la culture médiatique des enfants soit incorporée dans le programme d’étude. Il n’est pas seulement ici question de connaissances théoriques, mais également d’expériences pratiques.

Conclusions

Nous vivons dans un environnement symbolique médiatisé qui influence fortement nos choix, nos valeurs et les informations/connaissances qui nous guident dans notre vie de tous les jours. Nos efforts en vue de donner un sens à notre vie et d’établir dans la société un ordre éclairé, réactif et démocratiquement décidé doivent s’accompagner d’une plus grande sensibilisation et d’une meilleure connaissance des médias qui influencent tellement notre vie. Nous devons apprendre les uns des autres, partager nos connaissances et le contexte dans lequel nous vivons.

La recherche peut jouer un rôle important : les échanges mutuels entre les institutions po-litiques et la communauté de recherche peuvent contribuer à générer le type de connaissan-ces néconnaissan-cessaires dans cette situation. Dans son étude intitulée « EU Kids Online », le professeur Sonia Livingstone conclut que :

« Il est essentiel de trouver le juste milieu entre émancipation et protection. Il faudra pour cela concocter un savant mélange alliant réglementation, éducation aux médias et une in-terface plus conviviale… Les politiques visant à trouver un équilibre entre les objectifs que sont la maximisation des opportunités et la minimisation des risques requièrent une approche basée sur les faits. » (Livingstone 2009)

Aujourd’hui, bon nombre des questions urgentes auxquelles sont confrontés les hommes politiques et les décideurs ont trait aux médias numériques et aux phénomènes survenant sur

le cyberespace. L’UE doit discuter de l’Internet du futur et déterminer les modalités de fonc-tionnement du web de deuxième génération ainsi que les besoins auxquels ce dernier devrait répondre. Ces questions portent sur des fonctions et sensibilités essentielles pour la démo-cratie. Enfin, nous ne devons pas oublier que les « artères » du paysage médiatique sont des créations issues de la volonté politique… C’est le cas d’Internet et des téléphones mobiles, comme ce fut le cas de la télévision et, encore plus tôt, des fréquences radio, etc. Sans vo-lonté politique, il n’y aura pas de développement…

Mais nous devons également garder à l’esprit - de notre point de vue européen - que la bonne gouvernance et le leadership mondial sont plus que jamais essentiels dans un envi-ronnement de mondialisation et de numérisation rapides. Il convient de trouver des solutions multilatérales afin de répondre à d’importants problèmes mondiaux. Les questions relatives à la démocratie et au développement sont centrales, et plusieurs d’entre elles sont étroitement liées aux médias et à la communication (c’est notamment le cas des questions concernant les jeunes et Internet). Il y a lieu de déchiffrer la signification et les répercussions d’un système de gouvernance mondiale dans notre paysage médiatique commercialisé opérant à l’échelle transnationale. Il y a clairement des liens entre la bonne gouvernance aux niveaux mondial, régional et national. Mais la gouvernance mondiale est actuellement confrontée à de nombreux problèmes, notamment celui de la multipolarité. Il n’est pas impossible que plusieurs constellations de nations, agissant dans leurs propres intérêts communs, prennent le dessus, au détriment de nombreux pays dans le monde. La nécessité d’une gouvernance mondiale plus efficace constitue un sérieux défi pour l’Union européenne et le Conseil de l’Europe. Il est indispensable d’avoir des institutions internationales efficaces, même si ces institutions sont en fait dirigées par les gouvernements régionaux et nationaux. Cette vérité réside au cœur de la manière dont nous traitons les questions les plus importantes en ce qui concerne les enfants, les jeunes et les médias en Europe et dans le monde entier.

Ulla Carlsson | Nordicom (Nordic Information Centre for Media and Communication Research) à l’université de Göteborg

Bibliographie

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Golding, P., Looking Back and Looking Forward: The Risks and Prospects of a Not-So-Young Field, Gazette 67, (2005)6, p. 539-542

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Livingstone, S. & Haddon, L., EU Kids Online: Final Report, LSE, Londres: EU Kids Online. (ECSafer Internet Plus Programme Deliverable D6.5), 2009. www.lse.ac.uk/collections/EUKidsOnline/

Mansell, R., Power, Media Culture and New Media, École d’économie et de sciences politiques de Londres, 2009, LSE Research Online http://eprints.lse.ac.uk.

Nordicom-Sveriges Mediebarometer 2008 [Media Barometer 2008 de Nordicom-Suède] N ordicom, Université de Göteborg, Göteborg, 2009. www.nordicom.gu.se

Cette enquête annuelle porte sur la pénétration et l’utilisation d’un vaste éventail de moyens de communication de masse dans la population des 9-79 ans.

Young People in the European Digital Media Landscape. A Statistical Overview with an Introduction by Sonia Livingstone & Leslie Haddon, The International Clearinghouse on Children, youth and Media, Nordicom, Université de Göteborg, 2009, 67 p., ISBN - ISBN 978-9189471-83-2.

De quelques repérages