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Une réglementation en France entrainant des difficultés d’accès au marché

III. Différents challenges à l’emploi des CAR-T cells

2. Une réglementation en France entrainant des difficultés d’accès au marché

A. Un statut réglementaire établi mais susceptible d’évoluer

Sur le plan pharmaceutique et réglementaire, les CAR-T cells appartiennent à la sous- catégorie des médicaments de thérapie génique, appartenant à la catégorie principale des médicaments de thérapie innovante ou MTI. En effet, les CAR-T cells contiennent un principe actif constitué d’acide nucléique (ADN) recombinant et sont administrées dans le but de réguler, réparer, remplacer, d’ajouter ou de supprimer une séquence génétique. De plus, leurs effets dépendent directement du fragment d’acide nucléique recombinant.(79) Le

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statut de MTI des CAR-T cells est exposé dans le CR 1394/2007 du règlement européen et figure dans la loi N°2011-302 du droit français.

En plus de leur statut de MTI, les CAR-T cells sont également des organismes génétiquement modifiées (OGM). De part ce titre supplémentaire, un dossier DUO doit être demandé au haut conseil des biotechnologies (HCB) afin d’autoriser l’utilisation d’OGM à des fins de recherches biomédicales. Cet avis est valable 5 ans et peut être renouveler. Ce document, émis par le Ministère de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (MERS), définit le niveau de confinement des OGM pour chaque étude : Le classement attribué (de C1 à C4) doit être respecter et réponds à des exigences particulières sur les aspects suivants (79) :

❖ La sécurité

❖ Les locaux (chambre du malade, locaux de manipulation des CAR-T) ❖ L’élimination des déchets dans le milieu hospitalier.

Ce sont donc des médicaments qui seront soumis à une autorisation à la mise sur le marché (AMM) dans le cadre d’une procédure centralisée à l’EMA sur avis positif du CHMP. A l’heure actuelle, 2 AMM centralisées ont été attribués par l’EMA en ce qui concerne des CAR-T cells : KYMRIAH®, tisagenlecleucel (laboratoire Novartis) et YESCARTA®, axicabtagene ciloleucel (laboratoire Gilead). Deux ATU de cohortes ont été délivrés par l’ANSM en France en Juillet 2018 pour ces deux thérapies. Il s’agit de CAR-T cells autologues, ciblant l’antigène CD-19 et sont les premiers exemples d’industrialisation à grande échelle d’une thérapie génique utilisant le modèle de production centralisée des médicaments obtenus par procédé biotechnologique en l’adaptant à la production d’un médicament personnalisé. (83)

Un autre challenge incontestable n’est autre que si les centres hospitaliers souhaitent utiliser des CAR-T cells à des fins thérapeutiques, ils doivent disposer d’une autorisation

délivrée par les autorités de santé française. Nous allons voir à travers ce schéma, les

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Figure 27 : Cadre réglementaire et opérationnel pour la production, la distribution et l’administration de produits thérapeutiques constitués de cellules viables. (84)

▪ A gauche : Organisation mise en place pour les greffes de cellules souches hématopoïétiques

▪ A droite : Les deux organisations possibles pour la production et la distribution des CAR - T cells :

o CAR-T cells produits comme des MTI PP ou MTI expérimentaux

Le règlement français a reconnu la spécificité de ces MTI issues de thérapie génique de

permettre de produire, à petite échelle pour un usage local et sur la base d’une prescription nominative des « MTI-PP » : Médicaments à thérapies innovantes préparés ponctuellement. Il correspond au régime dérogatoire instaurée par le règlement européen intitulé « hospital exemption » (HE). Ces CAR-T cells ne sont donc pas produits par un établissement pharmaceutique mais par une unité hospitalière ou de l’EFS ou toutes autres institutions dont les locaux répondent bien évidemment aux BPF pharmaceutique.

De plus en France, les activités de productions des médicaments doivent être strictement séparées de leur circuit de distribution et d’administration. On peut retrouver sur le site de

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l’ANSM la liste des établissements de santé autorisés à produire des MTI-PP ou des MTI expérimentaux.

Cependant, des inquiétudes persistent sur la viabilité financière à long terme de ces infrastructures (financées par les propres ressources des hôpitaux ou de l’EFS et par des contrats de recherches).

o CAR-T cells développés ou commercialisés par des industriels

Il s’agit d’une organisation utilisant le modèle de production centralisée des médicaments obtenus par procédé biotechnologique en l’adaptant à la production d’un médicament personnalisé. Le processus se déroule en 3 temps :

▪ Collecte par cytaphérèse des Lc T au sein d’une unité autorisée par l’ARS.

▪ Expédition de ces Lc T jusqu’à un centre de production du médicament final appelé CMO. Ces CMO françaises sont encore peu nombreuses aujourd’hui concernant la fabrication des CAR-T cells en voie d’être autorisés en France. De ce fait, la majorité de ces CMO sont localisées à l’étranger et il est nécessaire d’obtenir une autorisation d’exportation des cellules prélevées depuis l’établissement français vers le site de production.

Le procédé de fabrication au sein de l’établissement pharmaceutique doit également respecter les règles propres aux organismes génétiquement modifiés (OGM) puisque ces CAR-T celles sont des lymphocytes T génétiquement manipulés pour exprimer un transgène permettant au CAR de reconnaitre un Ag précis.

▪ Envoi du médicament fini (Lc T génétiquement modifiés) à la PUI de l’hôpital où il sera administré par la suite au patient.

Réglementairement, Ces CAR-T cells sont donc définis comme des médicaments. De ce fait : - Les différentes étapes de fabrication résident sous la responsabilité d'un établissement pharmaceutique.

- Leurs réceptions, stockage et dispensation relèvent de la responsabilité du pharmacien hospitalier exerçant dans une PUI.

Des prérequis réglementaires et administratifs par la SFGM-TC sont occupés d’être instaurés afin d’améliorer l’organisation des services au sein de l’hôpital et permettre un accès équitable à ces nouvelles thérapies géniques. (84)

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En conclusion, le statut réglementaire des CAR-T cells répondent bien à la définition des MTI cependant les interfaces et interactions entre les industriels et les établissements de santé pour la production de ces thérapies restent encore à définir et à valider avec l’aide des autorités et des agences réglementaires.

B. Une reconnaissance en termes d’innovation qui ne semble pourtant pas comblée les problématiques d’accès au marché en France

Les autorités de santé, qu’elles soient au niveau européen ou français, reconnaissent la valeur de ces nouvelles thérapies.

En effet, la HAS attribué une ASMR de niveau III pour Kymriah® dans l’indication de la leucémie aigüe lymphoblastique à cellules B de l’enfant et du jeune adulte et une ASMR de niveau III pour Yescarta® et Kymriah® dans l’indication du lymphome diffus à grande cellule B. Ces deux traitements sont mis à disposition depuis juillet 2018 dans le cadre d’ATU de cohorte et sont aujourd’hui accessible via le dispositif de prise en charge post ATU à des prix fixes : 320 000 euros pour Kymriah® et 350 000 euros pour Yescarta®. C’est donc en décembre 2018 que la HAS a émis un avis favorable pour l’inscription au remboursement de ces thérapies dans un délai inférieur à 80 jours. (85,86)

De plus, l’EMA a accordé un statut « PRIME » (PRIority MEdicines : médicament prioritaires) au CAR-T cells anti BCMA de Janssen. Ce statut a été évalué sur la base des résultats des études cliniques évaluant l’efficacité et la sécurité de cette nouvelle thérapie par les CAR-T cells dans le traitement des patients atteints de myélome multiple en rechute ou réfractaire. Ce statut permet une interaction rapprochée avec les autorités et un dialogue précoce pour optimiser le développement de cette thérapie et d’accélérer le process concernant l’évaluation et l’accès au marché de cette molécule, répondant nettement à un besoin médical élevé non satisfait. (87)

Cependant, malgré ces reconnaissances en termes de révolution clinique, la HAS a récemment annoncé, fin mai 2019, la nécessité de réévaluation des CAR-T cells en exigeant de fournir des données complémentaires en vie réelle tous les ans.

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Ces données permettront de vérifier l’efficacité, la sécurité, la tolérance et la qualité de vie à moyen et long terme de ces thérapies. Elles permettront également d’évaluer le rendement et l’impact de l’organisation dans des conditions en vraie vie, représentant un enjeu primordial concernant la fixation et réévaluation du prix. 2 nécessités ont donc été identifiées :

• Encadrer l’utilisation de ces nouvelles thérapies dans les hôpitaux : En effet, ils doivent être habilités à manipuler et stocker des cellules génétiquement modifiées, mais également à prendre en charge les potentiels effets indésirables graves engendrés par l’utilisation de ces thérapies.

• Informer les patients, leur famille et leurs proches concernant la complexité de cette procédure ainsi que les potentiels EI et risques encourus. (85)

A l’heure actuelle en France, ces deux thérapies ne sont pas encore prises en charge puisque les discussions concernant leur remboursement sont encore en cours. Ces modèles de remboursement concernant des médicaments onéreux restent encore à construire. En effet, Le CEPS relève de nombreuses réserves concernant ces spécialités dues à un prix très élevé : Par exemple, le ratio différentiel cout-résultat de Yescarta est estimé à 114 000 euros par année de vie ajustée sur la qualité de vie. De plus, ces traitements par CAR-T cell engendrerait des couts qui dépassent ceux des médicaments :

• La prise en charge du patient comprenant déplacement, prise en charge à l’hôpital pendant plusieurs semaines, complications

• La prise en charge des coûts associés à l’activité des unités d’aphérèse, de thérapies cellulaires, des PUI : De toutes les structures très impliquées en amont et en aval de la production de ces CAR-T cells. On y retrouvera également la rémunération du service chargé du prélèvement cellulaire. (85)

Aux Etats-Unis, deux nouvelles modalités, novatrices à la fois pour les laboratoires pharmaceutiques et les autorités de santé, ont été imaginées :

➢ Le paiement à la performation adoptée par Novartis : Le laboratoire rembourse intégralement le traitement en cas d’échec à un mois.

➢ Echelonnage du paiement sur plusieurs années et arrêt du paiement du traitement si échec : Par exemple, pour un traitement à 300 00 euros, le système de santé payerait

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100 000 euros la première année au laboratoire, puis 50 000 les années suivantes si le patient est toujours répondeur. En cas de rechute, le paiement serait arrêté. (88)