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II. Les différentes cibles antigéniques des CAR-T cells dans le MM

2. CAR-T cells dirigés contre l’antigène anti BCMA

A. Une cible intéressante

Le récepteur BCMA est l’antigène responsable de la maturation des lymphocytes B et appartient à la famille des TNF (Tumor Necrosis Factor). Cet antigène est exprimé à la surface de l’ensemble des plasmocytes, cellules provenant de la lignée B. Également appelé « facteur de nécrose tumorale », l’antigène BCMA est présent en quantité plus importante à la surface des plasmocytes tumoraux (En pratique, une cellule myélomateuse possède plus de 200 récepteurs BCMA à sa surface). De ce fait, il joue un rôle important dans la physiopathologie du myélome multiple. Il s’agit donc d’une cible très intéressante pour des thérapies cellulaires à visée thérapeutique contre le myélome multiple. On considère donc les CAR-T cell anti BCMA comme des thérapies ciblées, puisque le récepteur BCMA n’est quasiment pas exprimé dans d’autres cellules de l’organisme.

Cependant, en ciblant également les plasmocytes normaux (responsable de la production de nos anticorps afin de défendre notre système immunitaire), cela provoquera une réduction de production d’AC normaux et amènent donc à un déficit immunitaire ou une immunodépression prolongée chez les patients traités par des CAR-T cells dirigés contre l’Ag BCMA.

Les programmes de développement des CAR-T cells anti BCMA ont longtemps été des programmes de recherche académique : Université de Pennsylvanie, Institut National des Cancer (NCI) et des petites start-ups comme Bluebird et Legend. Finalement, Ces programmes académiques ont été rachetés par des firmes pharmaceutiques. Voici les 4 CAR- T cells anti BCMA en cours d’évaluation et de développement clinique, présentant des données de phases précoces d’efficacité et de tolérance dans le myélome multiple en rechute et réfractaires :

• CAR-T cell anti BCMA développé par le NCI en 2013 (91) : Ces données préliminaires ont constitué la preuve du concept de l’efficacité de cette nouvelle thérapie.

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• CAR-T cell anti BCMA du l’université de Pennsylvanie, aujourd’hui racheté par Novartis. Le développement ayant été trop long, Novartis l’a donc arrêté aujourd’hui.

• CAR-T cell anti BCMA bb2121 de la start-up Bluebird, développé par Celgène. Avec l’acquisition de JUNO, Celgène a également acquis un autre CAR-T cell de 3ème génération.

• CAR-T cell anti BCMA LCAR-B38M de Legend Biotech, développé par Janssen. Tableau 7 : Les 4 CAR-T cells anti BCMA en cours d’évaluation clinique (92)

Gilead, avec le rachat de la start-up KITE, a donc acquis tout un programme de CAR T dans le myélome et les lymphomes : Yescarta®, ayant obtenu une AMM dans le lymphome diffus à grandes cellules B et également le KITE 585, un CAR-T cell anti BCMA en cours de développement dans le myélome.

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Nous nous focaliserons sur les 2 CAR-T cells anti BCMA qui sont à l’heure d’aujourd’hui à des stades cliniques plus avancés sur les autres :

- Le CAR-T cell bb2121 développé par Bluebird et Celgène.

- Le CAR-T cell LCAR-B38M, développé par Legend Biotech et Janssen.

B. Bb2121 : Le CAR-T cells anti-BCMA du laboratoire Celgène

1. Structure

Ce CAR-T cell fait partie des CAR-T cells de 2ème génération et se structure de manière suivante :

- Un domaine extracellulaire comprenant :

o Une région variable (scFv) d’immunoglobuline reconnaissant un épitope de l’antigène BCMA sur le plasmocyte tumoral.

o Un peptide permettant l’accroche aux autres composants.

- Un domaine transmembranaire comprenant le ligand CD8 (permettant d’accrocher le récepteur chimérique à la membrane)

- Un domaine intracellulaire de signalisation de la molécule CD3ζ (nécessaire pour l’activation du Lc T) renforcé par une molécule de co stimulation 4-1BB (persistance du CAR-T plus importante qu’avec la molécule de costimulation CD28).

Le vecteur viral utilisé pour la transduction du matériel génétique afin de fabriquer le CAR-T cell est de type lentivirus.

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2. Essai clinique CRB-401 (94)

Il s’agit de l’étude CRB-401 (NCT02658929), étude ouverte de phase 1 à deux groupes de patients comprenant au total 43 patients atteints d’un myélome multiple en rechute et réfractaire. Cet essai clinique est réalisé dans plusieurs centres cliniques. En effet, il s’agit de la start-up Bluebird qui a mis au point ce CAR-T et qui s’est associé à Celgène afin de pouvoir développer cette innovation thérapeutique pour le traitement du myélome multiple en rechute et réfractaires. Les résultats de cette étude ont été actualisés à l’ASCO 2018 et font l’objet de l’abstract n°8007.

a. Design de l’étude

Les objectifs de l’étude sont les suivants :

- Primaire : Sécurité (tolérance) de l’utilisation de ce CAR-T : Incidence des EI et résultats d’analyses.

- Secondaires : Critères de rémission du myélome multiple basés sur les critères de réponses de l’IMWG : Réponse complète (RC), très bonne réponse partielle (TBRP) et réponse partielle (RP).

Les patients procèdent à une leucaphérèse : prélèvement par aphérèse des leucocytes (globules blancs) dans le sang du patient pour isoler uniquement les Lc T et remettre les autres cellules dans le corps du patient. La fabrication de ces CAR-T cells nécessite un mois de procédure : Il faut donc que le myélome multiple ne progresse pas chez les patients pendant cette période de fabrication. Certains protocoles autorisent 2 semaines maximum de traitements pendant cette période de latence pour éviter que le patient ne progresse. Il ne faut pas dépasser ce délai afin qu’il n’y pas d’interactions avec les CAR-T cells qui seront injectés par la suite. Une lymphodéplétion sera indispensable avant l’injection des CAR-T cells afin d’éviter le potentiel rejet et complications et de permettre au CAR-T cells de s’implanter et se répandre sans complications. Pour cela, le patient recevra de la fludarabine à 30 mg/m2 et de la cyclophosphamide (un puissant immunosuppresseur) à 300 mg/m2 à J-5, J-4 et J-3 avant l’injection des CAR-T cells.

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- 21 malades ont reçu un protocole avec escalade de dose : Injection de doses très faibles de CAR-T cells à J1 : 50x106 cellules, puis 150, 450 et enfin 800 millions dans un délai de 4 semaines. Ces patients exprimaient plus de 50% d’expression d’Ag BCMA sur leurs plasmocytes tumoraux.

- 22 ont reçus une dose d’expansion qui se situe entre 150 et 450 x106 (dose moyenne : 300x106 cellules).

Une surveillance importante des patients s’est déroulée suite à l’injection des CAR-T cells afin de veiller à leur efficacité ainsi que de prendre en charge les éventuelles toxicités.

Figure 30 : Protocoles et schéma de l’étude CRB-401 (94)

b. Caractéristiques des patients ayant intégré l’étude

Il s’agit de 43 patients atteints d’un myélome en rechute et réfractaires, ayant reçus au moins 3 lignes de traitement ou double réfractaires :

- Les 21 malades ayant suivi le protocole d’escalade de dose avaient reçu en médiane 7 lignes de traitements (minimum 3 lignes de traitement et maximum 14 lignes de traitement).

- Les 22 malades ayant suivi le protocole de dose d’expansion avaient reçu en médiane 8 lignes de traitement (minimum 3 lignes de traitement et maximum 23 lignes de traitement).

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La proportion de malades à haut risques cytogénétiques étaient également assez importants et les malades avaient environ 4 à 6 ans d’évolution de leur myélome.

Tableau 8 : Caractéristiques des patients inclus (94)

Ces patients avaient tous été exposés au 4 traitements suivants, standard dans le traitement du myélome : bortézomib, au lénalidomide, pomalidomide et au carfilzomib. Beaucoup également ont été exposés au Daratumumab et 1 patients sur 2 en étaient réfractaires. Il s’agit donc d’une cohorte de patients très lourdement prétraités. De plus, 30% d’entre eux étaient pentaréfactaires (c’est-à-dire réfractaires au 5 traitements suivants : bortézomib, lénalidomide, pomalidomide, carfilzomib et daratumumab.).

c. Résultats de l’étude

i. Critère principale de l’étude : Tolérance

Dans cette étude, la tolérance est jugée bonne puisque seulement 2 syndromes de relargage cytokinique de grade 3 récupérant en 24 heures se sont produits et une neurotoxicité de grade 4 réversible. Les EI les plus fréquents ont été les suivants :

- Le syndrome de relargage cytokinique (SRC)

Cet EI est apparu chez 63% des patients. Ce syndrome était de grade 3 (sévère) chez uniquement 2 malades et se sont résolues en 24 heures. Ce syndrome est redouté car il peut conduire au décès et peut apparaitre très précocement. Lors de cet essai, il survient en médiane 2 jours après l’administration des CAR-T. Sa durée est également variable d’un patient à un autre et est dépendant de la dose. Dans cette étude, elle a été de 6 jours.

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- La neurotoxicité : apparue chez environ 1/3 des patients.

- Des cytopénies importantes : Quasiment tous les patients ont présenté une neutropénie, des thrombocytopénies ont également été relevées.

- Une anémie.

- Un développement plus important d’infections, essentiellement dû à la lymphodéplétion.

ii. Critères secondaires : résultats concernant l’efficacité

Les résultats les plus récents ont été présentés lors de grands congrès internationaux de l’ASCO et l’EHA 2018. Ces résultats sont très prometteurs.

1. Taux de réponses – ORR

Concernant les résultats par escalade de dose, les taux de réponses globales sont les suivants :

- 33% de réponses globales chez les patients ayant reçu la dose de 50x106 de CAR-T (n=3). Il ne s’agissait uniquement que de réponses partielles.

- 57% de réponses globales chez les patients ayant reçu la dose de 150x106 de CAR-T (n=14). 43% ont été au mieux des réponses complètes (RC + RCs), 7% des TBRP et 7% de RP.

- Les résultats de 22 patients ayant reçu au moins 150x106 cellules, avec un suivi médian de 194 jours (extrêmes : 46-556), montrent un taux de réponse de 95% dont

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47% de RC ou mieux et 36% de TBRP. La durée médiane de réponse est de l’ordre de 11 mois.

Et enfin les taux de réponses globales obtenus en fonction du taux d’expression d’Ag BCMA tumoraux et traités à la dose de 450x106 sont :

- De 100% concernant les patients présentant un faible taux d’Ag BCMA exprimés sur les plasmocytes (n=8)

- De 91% chez les patients avec un taux d’expression d’Ag BCMA élevée (n=11), dont 55% de RC ou mieux et 27% de TBRP.

On s’est aperçu que beaucoup de réponses complètes sont stringentes : certains patients restent même en RC alors que les CAR-T ne sont plus circulants dans leur organisme (donc présent). Les patients se mettent en MRD négative très rapidement (de 1 à 3 mois) alors même qu’ils ne sont pas encore en réponse : cela veut dire que dans la moelle il n’y a plus de cellules tumorales et petit à petit, le pic d’IgG va baisser et le taux de plasmocytes tumorales dans le sang également. En effet, sur les 16 patients qui ont été évalués pour la MRD, tous sont MRD négative.

Il s’agit de résultats sans précédent et qui n’ont jamais été atteints avec les médicaments enregistrés aujourd’hui dans le traitement du myélome multiple à des stades avancées. De plus, ces réponses sont profondes et durables.