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I. Biologie, concept et principes des CAR-T cells

3. Le processus de fabrication des CAR-T

La procédure de fabrication et la mise à disposition des CAR-T cells pour le patient combine plusieurs étapes et est personnalisé.

A. Leucaphérèse

Pour la fabrication d’un CAR-T cell autologue, cette première étape consiste à prélever le sang du patient et de le filtrer simultanément pour ne conserver uniquement que les leucocytes (ou les globules blanc), les autres cellules étant immédiatement réinjectées dans la circulation sanguine du donneur. (63)

Concernant la fabrication d’un CAR-T cell allogénique, le sang prélevé ne proviendra pas du patient lui-même mais d’un ou d’un pool de donneurs sains.

Pour la plupart des patients, la leucaphérèse reste une méthode efficace de centrifugation car elle permet de collecter un grand nombre de cellules mononucléées du sang périphériques (PBMC), et notamment les cellules T. Ce prélèvement se fait à l’hôpital au sein

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d’une unité de cytaphérèse ou peut également se faire dans un site de l’EFS. Celui-ci doit disposer d’une autorisation valide délivrée par l’ARS (5 ans) pour les activités de prélèvement. (33) Ce centre de production doit également être agréé aux bonnes pratiques de fabrication.

Il faut savoir que le rendement en leucocytes dépend du patient : l’état d’avancement de sa pathologie et ses antécédents thérapeutiques conditionnent ses taux de leucocytes. (64)

Plusieurs paramètres sont à prendre en compte :

- La collecte des PBMC nécessite un flux sanguin constant au sein de l’appareil permettant la leucaphérèse : environ 50 à 100 mL/min.

- La durée dépend de plusieurs facteurs : • Efficacité de l’appareil d’aphérèse

• Le type et le nombre de cellules ciblées désirées, • Le nombre de cellules dans le sang du donneur • Le poids du patient.

Une fois le nombre de cellules leucocytaires suffisant, un lavage sera effectué sur ce prélèvement afin de sélectionner uniquement les lymphocytes T. Ce procédé se fait via un appareil de purification cellulaire comme « Haemonetics ». (Brainstree, MA, USA) (65)

Cependant, certaines cellules comme les monocytes peuvent également être sélectionnés par erreur et peuvent être responsables de l’inhibition du développement des CAR-T en culture.

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Figure 21 : La leucaphérèse et sélection des Lc T (65)

Afin d’être sûr de ne garder que les lymphocytes T, différentes techniques de séparations peuvent être utilisées :

- L’élutriation par centrifugation permet une séparation des cellules en fonction de leur taille et leur densité : Elle permettra donc de conserver la viabilité cellulaire des CAR-T. Cette méthode de séparation s’impose comme étant l’une des meilleures options en termes de pureté, de rendement et de cout. (66)

- La séparation cellulaire magnétique, c’est-à-dire l’utilisation de billes magnétiques couplées à des anticorps spécifiques. Cette technique permettra également l’enrichissement des Lc T en amplifiant leur activité. (67)

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Figure 22 : Deux techniques de séparations cellulaires utilisées pour isoler les Lc T (64)

B. Création des CAR-T cells

1. Culture cellulaire

Une fois ces lymphocytes T sélectionnés, il est nécessaire de les mettre en culture pour qu’elles puissent être actives afin de se multiplier et se diviser.

Cette étape est essentielle pour la transfection virale qui aura lieu par la suite. Cette activation des lymphocytes se fait via des microbilles magnétiques couplées à des anticorps qui permettront d’amplifier l’activité des Lc T initiaux. (64)

2. Modification génétique des Lc T : Transduction ex-vivo

Une fois l’enrichissement des lymphocytes T, il faudra modifier leurs ADN afin de leur faire exprimer à leur surface par la suite un récepteur antigénique chimérique (CAR). Pour venir

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intégrer un gène dans le génome du LcT, il y a plusieurs méthodes de transfert de gènes possibles :

1) Stratégies virales : Transduction ex vivo via des vecteurs viraux.

Il s’agit de la méthode la plus répandue et la plus utilisée pour la fabrication des CAR-T cells et notamment des anti BCMA en cours d’études dans le myélome multiple. Cette transduction des Lc T se fait à l’aide d’un vecteur viral, rétrovirus ou lentivirus, permettant d’introduire dans le génome du Lc T le matériel génétique sous forme d’ARN. Cet ARN introduit sera ensuite transduit en ADN via une transcription inverse pour être intégrer au génome du Lc T. Par la suite, le CAR est transcrit et traduit par les cellules du patients et le récepteur sera donc exprimé à la surface des Lc T. (65)

Figure 23 : Transduction via des vecteurs viraux (64)

Deux types de vecteurs peuvent actuellement être utilisés : - Vecteurs rétroviraux (Utilisation dans 20% des cas).

Permettant un haut niveau d’expression génique et disposant d’un profil de sécurité connu, ces vecteurs minimisent le risque d’insertion aléatoire dans le génome de l’hôte. (68)

76 - Vecteurs lentiviraux

Ce sont les vecteurs les plus utilisées actuellement dans les études cliniques et les phases pré-cliniques. En effet, ils ont l’avantage de transduire des cellules ne se divisant pas et présentent donc un profil d’intégration génique plus sûr que celui des vecteurs rétroviraux (donc un risque d’insertion aléatoire dans le génome moins important). (69)

Dans les essais cliniques des CAR-T cells dans le myélome multiple, la plupart des CAR-T sont produits à l’aide de la transduction via des vecteurs lentiviraux (Notamment les CAR-T cells dirigés contre le BCMA).

L’inconvénient principal de ce type de transduction est qu’elle peut être à l’origine de mutations (pouvant entrainer une toxicité) provenant d’insertions du matériel génétique des CAR sur des sites du génome non désirés. En effet, ces vecteurs restent des réactifs biologiques complexes qui nécessitent encore de nombreux tests de sécurité biologique afin de pouvoir les utiliser, engendrant notamment des coûts importants non négligeables.

Les modifications génétiques effectuées sur ces lymphocytes vont permettre, en plus de l’expression d’un récepteur antigénique chimérique, d’éviter une allo-immunisation du patient contre ces cellules une fois injectées ainsi qu’un contrôle de leur activité. (58)

2) Stratégies non virales de transduction

Les interrogations concernant la sécurité de l’utilisation de vecteurs viraux ont conduit au développement de techniques alternatives d’introduction de séquences géniques dans la cellule et dans son génome. (55)

Ces différentes stratégies non virales d’introduction de gène dans la cellule incluent des systèmes physiques (l’électroporation) ou chimiques (à l’aide de nanoparticules). (70)

L’électroporation, technique plus récente, est la stratégie non virale la plus utilisée pour incorporer le matériel génétique du CAR dans le Lc T. Cela consiste à stimuler la membrane cellulaire par un courant électrique afin d’augmenter la perméabilité de la membrane, et donc de la cellule.

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Figure 24 : Méthode de transfection par électroporation.(64)

Cette méthode expose plusieurs avantages :

- La fabrication ainsi que les tests de libération sont simples

- Le coût est moins onéreux comparé à d’autres techniques de transfection

- Le délai moyen de production d’un CAR se voit réduit, passant donc de 21 à 7 jours. Cependant, elle ne permet pas non plus d’éviter les risques de mutagénèse puisque l’intégration du matériel génique du CAR se fait également de manière aléatoire et peut conduire à une viabilité cellulaire altérée.

Des vecteurs non viraux permettant l’intégration de l’ADN du gène codant pour le CAR par électroporation dans le génome du Lc T sont en cours d’étude tels que le système de transposon/transposase ou technique du « Sleeping beauty ». Un transposon est un segment d’ADN capable de réplication et de se déplacer d’un endroit à un autre, sur le même ou un autre brin d’ADN, de manière complétement autonome. Pour réaliser cette transposition, ce transposon a besoin d’enzymes : les transposases. (71) Il est possible d’effectuer une transfection d’ARNm codant pour le CAR via électroporation ou endocytose.

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L’expression du transgène sera donc transitoire (environ une semaine), et cette méthode pourrait limiter la toxicité on target/off tumor de certains CAR-T cells.(55)

3) Autres méthodes reposant sur l’édition du génome

D’autres méthodes sont encore au stade de recherche et certains procédés de fabrication sont rencontrés dans certaines phases pré-clinique.

Ces méthodes reposent sur l’emploi de nucléases modifiées, enzymes de restriction se comportant comme des « ciseaux moléculaires » et permettant de sectionner l’ADN a des emplacements spécifiques : Un ou plusieurs fragments d’ADN sont donc insérés, remplacés ou retirés. L’avantage de l’utilisation de ces nucléases permet donc l’introduction de modifications hautement spécifiques dans le génome puisque ces modifications sont ciblées. (72)

C. Fabrication des récepteurs CAR

Les Lc T génétiquement manipulés expriment à leur surface des récepteurs CAR.

Ils renferment un fragment d’un AC qui se lie spécifiquement à la protéine cible (antigène tumorale) présente à la surface des cellules cancéreuses. Les récepteurs comprennent également une région intercalaire, un domaine transmembranaire et selon la génération du CAR, un ou plusieurs domaines de costimulation.

Ainsi modifiés artificiellement, les Lc T sont appelés « cellules T à récepteur antigénique chimérique (CAR-T) ». (73)

D. Multiplication & expansion des CAR-T cells ex-vivo

Les cellules CAR-T sont placées dans des bioréacteurs en présence de cytokines (IL-2, IL- 7, IL-15) où elles se multiplient jusqu’à atteindre un seuil suffisant pour être efficace lors de la réinjection au patient. Cette dose varie en fonction des essais cliniques mais la majorité de celles-ci montrent que pour être efficace, la quantité de CAR-T cells doit être d’environ 1011 cellules. Ce temps de production ex-vivo varie entre 10 à 28 jours. (69)

Les techniques de culture en bioréacteur sont élaborées pour fournir toutes les conditions et composants des milieux de culture nécessaire à la prolifération et la croissance suffisante des cellules. L’un des bioréacteurs le plus répandu est celui de la biotech Miltenyi le « CliniMACS Prodigy ». Il permet une production automatisée de toutes les étapes de

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fabrication des CAR-T cell : la préparation cellulaire, l’enrichissement, l’activation, la transduction, l’expansion, la formulation finale et l’échantillonnage. Le délai et la durée du process de fabrication des CAR-T cells sont largement raccourcis à 1 semaine de production intégralement. (74)

Une fois cette phase d’expansion terminée, les cellules sont lavées, concentrées, congelées et soumises à des contrôles de qualités particuliers et très importants à chaque étape. Elles seront ensuite transportées au centre hospitalier où le patient est traité.

Toutes ces étapes (de la culture à la fabrication, cryopréservation, stockage, transport, décongélation et administration) recouvrant l’ensemble du processus de fabrication doivent être soumises à de nombreux tests vérifiant la qualité, l’intégrité et la sécurité des cellules.

E. Réinjection au patient et suivi

Avant de réinjecter les Lc T modifiés au patient, une lymphodéplétion est nécessaire : Le patient va recevoir une chimiothérapie (par cyclophosphamide et/ou fludarabine) pour diminuer le système immunitaire afin d’améliorer l’efficacité et la persistance des CAR-T cells qui seront injectées par la suite. Une fois l’injection réalisée par IV, ces Lc T modifiées vont se multiplier dans l’organisme et vont exercer contre les cellules tumorales ciblées leurs fonctions cytotoxiques.

En pratique, la fabrication et la mise à disposition des CAR-T cells pour le patient est un process complexe pouvant durer de 2 à 4 semaines avec de nombreux contrôles à effectuer.

II. Enjeu de cette immunothérapie innovante : Une efficacité clinique démontrée