2. Régionalisation du tube neural
2.2. Régionalisation dorsoventrale
La polarité dorsoventrale est établie un peu plus tardivement que la polarité antéro postérieure et est également régie par la plaque préchordale et la notochorde. Au niveau de la notochorde comme de la plaque préchordale, il est bien établi que l’action morphogène de Shh est nécessaire à la spécification ventrale dans ces régions (Briscoe and Ericson, 1999; Chiang et al., 1996; Gunhaga et al., 2000).
Il est maintenant clairement défini que c’est un équilibre dosedépendant entre Shh et Gli3 qui établit la polarité dorsoventrale du cerveau antérieur en formation (Figure 6). En
26 Figure 6. Interactions entre Shh et Gli3 au sein du tube neural.
Les domaines d’expression de Gli3 (en rouge) et Shh (en jaune) sont présentés lors des stades précoces de développement dorsoventral du cerveau antérieur. Ces deux gènes maintiennent des patrons d’expression complémentaires au cours du développement. C’est l’expression de Shh au niveau de la partie ventrale qui permet l’activation de Gli2, qui va agir ensuite comme un répresseur sur Gli3. Le gradient d’expression de Shh au niveau de la ligne médiane ventrale laisse place ensuite à un gradient d’expression de Gli3 qui va avoir une action beaucoup plus dorsalisante. EGL : éminence ganglionnaire latérale ; EGM : éminence ganglionnaire médiane (D’après (Rallu et al., 2002a)).
Figure 7. Représentation simplifiée des différentes interactions entre voies de signalisation et facteurs de transcription au cours de la régionalisation dorsoventrale du prosencéphale.
La voie Nodal va agir de façon précoce sur l’activation de la signalisation Shh. Cette activation peut être contrebalancée par la protéine GLI3 activée par SIX3. Ce dernier conjointement à GLI3 exerce une activité répressive sur Fgf8 au niveau ventral. FGF8 quant à lui va favoriser la ventralisation par activation de Zic2. Au niveau dorsal, des interactions entre la voie des BMP, Wnt et de l’acide rétinoïque vont permettre l’activation de gènes dorsalisants, implémentée par l’action de GLI3. (D’après (Fernandes and Hebert, 2008)).
effet, la voie Shh permet l’activation de gènes cibles comme Gli2, qui va par la suite inhiber le gène Gli3. GLI3 est quant à lui, un facteur de transcription activateur de gènes dorsalisants tel que Pax7 (Meyer and Roelink, 2003). De plus il a été montré qu’en absence de l’activité fonctionnelle de GLI3, le cerveau antérieur est anormalement ventralisé et présente un retard de croissance (Tole et al., 2000; Yu et al., 2009). La signalisation Shh va également activer des gènes cibles tels que Nkx2.1, Olig2 et Nkx6.1 pour permettre la caractérisation de cellules progénitrices neurales ventrales (p3, pMN, p2). Dans le cas d’une perte de fonction
Gli3, l’expression de ces cibles va s’étendre à la région dorsale du tube neural (Persson et al., 2002).
Chez le poissonzèbre, deux orthologues de Shh sont identifiés ShhA et ShhB. L’analyse des mutants pour ces deux gènes se révèle plus complexe dans ce modèle compte tenu de la compensation qui peut s’exercer entre les deux gènes. En raison de cette redondance, la perte de fonction Shh a été étudiée chez le mutant du récepteur Smo (Varga et al., 2001) qui contrairement à Shh, ne semble pas dupliqué au sein du génome du poissonzèbre. Les animaux vont présenter des phénotypes sévères correspondant à une dorsalisation du cerveau antérieur et une absence totale de tissu hypothalamique. Ce même phénotype a été observé chez le poissonzèbre lors de l’utilisation de la cyclopamine. Ce composant se lie et inhibe directement le récepteur SMO, inactivant ainsi la signalisation Shh (Chen et al., 2002a).
Par ailleurs, FGF8 exerce également une action ventralisante du tube neural et permet l’activation d’autres protéines telles que ZIC2 qui exerce également un rôle ventralisant au niveau de la ligne médiane (Figure 7) (Fernandes and Hebert, 2008). En effet, chez la souris, la perte de fonction de Zic2 entraîne un défaut de régionalisation ventrale et de sévères malformations du cerveau antérieur (Warr et al., 2008). Au niveau dorsal, les voies WNT, BMP et de l’acide rétinoïque vont permettre l’activation de gènes dorsalisants comme Bmp4 (pour revue (Bertrand and Dahmane, 2006) ; (Hu et al., 2004; Rallu et al., 2002a) (Figure 7).
Il apparaît donc que la régionalisation dorsoventrale du cerveau antérieur implique de multiples interactions entre les voies de signalisation impliquées dans ce processus. C’est un défaut de la régulation de ces voies au niveau de la ligne médiane qui va entrainer une
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Figure 8. Schéma de la segmentation du cerveau embryonnaire chez l’Homme.
A. Les trois vésicules primaires (prosencéphale, mésencéphale et rhombencéphale) et la moelle épinière se différencient au niveau de la partie la plus antérieure du tube neural. B. La division du prosencéphale se fait ultérieurement pour donner le télencéphale et le diencéphale (D’après Sunderland, 2001).
Figure 9. Représentation schématique du télencéphale
A. Schéma du recouvrement du diencéphale par les vésicules télencéphaliques en vues latérale et ventrale. La ligne médiane (LM) traversant le télencéphale dorsalement et le diencéphale ventralement est représentée en pointillés gris B. Section transversale du cerveau antérieur. On distingue les deux vésicules télencéphaliques correspondant aux futurs hémisphères cérébraux. CC : cortex ; Vl : ventricule latéral ; PC3V : plexus choroïde du 3ème ventricule ; PCVl : plexus choroïde du ventricule latéral ; EGL : éminence ganglionnaire latérale ; EGM : éminence ganglionnaire médiane ; Et : épithalamus ; Th : thalamus ; Ht : hypothalamus ; 3V : 3ème ventricule (D’après www.embryology.ch)
3. Segmentation du cerveau antérieur
Simultanément aux processus de régionalisation, le tube neural va se segmenter le long de l’axe antéropostérieur (Figure 8A). L’encéphale présomptif dérivant de la plaque neurale rostrale va donner le prosencéphale (cerveau antérieur), le mésencéphale (cerveau moyen) et le rhombencéphale (cerveau postérieur). La partie caudale du tube neural donnera la moelle épinière. Ensuite, le prosencéphale se divise en deux vésicules secondaires, le télencéphale et le diencéphale. Le télencéphale se divisera le long de la ligne médiane pour donner les deux hémisphères cérébraux. Au niveau du diencéphale se développeront l’hypothalamus, le thalamus, l’épithalamus, la rétine neurale et la glande pinéale. De son côté, le mésencéphale voit sa taille augmenter alors que le rhombencéphale se divise également en deux vésicules secondaires : le métencéphale et le myélencéphale (Figure 8B).
3.1. Le télencéphale
3.1.1. Morphologie du télencéphale
Le télencéphale est composé de deux vésicules latérales qui correspondent aux futurs hémisphères cérébraux. Elles sont séparées par la ligne médiane. La face ventrale des vésicules télencéphaliques fusionne avec les faces latérales du diencéphale (Figure 9A). La voute de chaque hémisphère formera le cortex cérébral alors que leur plancher formera les éminences ganglionnaires médiane et latérale (EGM et EGL). Les deux hémisphères sont joints sauf au niveau la scissure interhémisphérique en dorsal. La zone de raccordement avec le toit du diencéphale est appelée plexus choroïde au niveau du 3ème ventricule et des ventricules latéraux (Figure 9B). Le télencéphale contient également les ébauches du système olfactif qui donneront les bulbes et tractus olfactifs ainsi que des structures qui y sont associées comme l’hippocampe. D’autre part, le télencéphale correspond à une région complexe du système nerveux et une spécification progressive de cette structure est nécessaire pour définir des populations cellulaires comme les oligodendrocytes ou les