3. Segmentation du cerveau antérieur
3.1. Le télencéphale
Simultanément aux processus de régionalisation, le tube neural va se segmenter le long de l’axe antéropostérieur (Figure 8A). L’encéphale présomptif dérivant de la plaque neurale rostrale va donner le prosencéphale (cerveau antérieur), le mésencéphale (cerveau moyen) et le rhombencéphale (cerveau postérieur). La partie caudale du tube neural donnera la moelle épinière. Ensuite, le prosencéphale se divise en deux vésicules secondaires, le télencéphale et le diencéphale. Le télencéphale se divisera le long de la ligne médiane pour donner les deux hémisphères cérébraux. Au niveau du diencéphale se développeront l’hypothalamus, le thalamus, l’épithalamus, la rétine neurale et la glande pinéale. De son côté, le mésencéphale voit sa taille augmenter alors que le rhombencéphale se divise également en deux vésicules secondaires : le métencéphale et le myélencéphale (Figure 8B).
3.1. Le télencéphale
3.1.1. Morphologie du télencéphale
Le télencéphale est composé de deux vésicules latérales qui correspondent aux futurs hémisphères cérébraux. Elles sont séparées par la ligne médiane. La face ventrale des vésicules télencéphaliques fusionne avec les faces latérales du diencéphale (Figure 9A). La voute de chaque hémisphère formera le cortex cérébral alors que leur plancher formera les éminences ganglionnaires médiane et latérale (EGM et EGL). Les deux hémisphères sont joints sauf au niveau la scissure interhémisphérique en dorsal. La zone de raccordement avec le toit du diencéphale est appelée plexus choroïde au niveau du 3ème ventricule et des ventricules latéraux (Figure 9B). Le télencéphale contient également les ébauches du système olfactif qui donneront les bulbes et tractus olfactifs ainsi que des structures qui y sont associées comme l’hippocampe. D’autre part, le télencéphale correspond à une région complexe du système nerveux et une spécification progressive de cette structure est nécessaire pour définir des populations cellulaires comme les oligodendrocytes ou les
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3.1.2. Formation du télencéphale
La régionalisation télencéphalique est dépendante de plusieurs centres de signalisation, dont le bord neural antérieur, et intègre les mêmes voies de signalisation que lors de la régionalisation de la plaque neurale. En effet, afin d’obtenir le télencéphale, un gradient d’activité Wnt persiste pour la segmentation selon l’axe antéropostérieur du futur tube neural (Rallu et al., 2002a). Ceci a été illustré chez le poissonzèbre où une absence d’activité de Wnt8b provoque une augmentation de la taille du télencéphale (Houart et al., 2002).
La régionalisation dorsoventrale du télencéphale va quant à elle continuer de dépendre de l’antagonisme entre SHH et GLI3 (Rallu et al., 2002b). Ceci explique la diversité des phénotypes au niveau du télencéphale chez les souris partiellement déficientes pour des effecteurs de la voie Shh : réduction de la taille des vésicules, perte de tissus ventraux ou des éminences ganglionnaires (Ferri et al., 2013; Fotaki et al., 2011; Manuel et al., 2011).
La signalisation Nodal va également influencer l’expression de Shh pour le développement ventral du télencéphale. Des expériences d’inactivation de la signalisation Nodal chez le poissonzèbre ont montré un défaut de formation du télencéphale ainsi qu’une absence d’expression de Shh (Rohr et al., 2001).
Par ailleurs, plusieurs facteurs de transcription sont impliqués dans la régionalisation des vésicules télencéphaliques puis dans l’identité de certaines régions. C’est le cas du gène
Pax6 puisque lors d’une mutation perte de fonction, l’organisation dorsoventrale du télencéphale est perturbée (Stoykova et al., 2000; Yun et al., 2001). De même le gène Emx2 est important dans la mise en place de structures du cortex comme l’hippocampe, puis plus tardivement dans la neurogenèse du télencéphale dorsal (Yoshida et al., 1997). De façon intéressante, les patrons d’expression de Pax6 et Emx2 forment des gradients opposés dans le télencéphale dorsal et vont participer à l’acquisition de l’identité corticale de sous domaines du télencéphale (Bishop et al., 2000). Dans le cas d’une déficience simultanée de ces deux gènes, on observe un excès de marqueurs de ventralisation des vésicules télencéphaliques.
D’autre part, Pax6, de la même façon que Gli3, est exprimé dorsalement et joue un rôle d’antagoniste à l’activité Shh. Il s’avère que chez les doubles mutants Shh/ ;Pax6/, on observe une restauration des structures ventrales de la même façon que chez les doubles
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Figure 10. Représentation des voies de signalisation dans le télencéphale en formation. A. Cartographie de la ligne médiane du télencéphale (LMT) ainsi que la ligne médiane de
l’hypothalamus (LMH). B. Expression des différentes voies de signalisation au niveau de la
ligne médiane du télencéphale. Nodal et Shh sont exprimés ventralement et rostralement, Fgf est exprimé au niveau ventral et antérieur de la ligne médiane alors que les voies Wnt et BMP sont exprimées dorsalement. (D’après (Monuki, 2007)).
mutants Shh/ ;Gli3/ (Fuccillo et al., 2006). Ces résultats suggèrent que le gène Pax6 posséderait un rôle complémentaire à Gli3 dans la régionalisation du télencéphale.
La voie de l’acide rétinoïque est également cruciale pour le développement antérieur du télencéphale. Chez des embryons de cailles déficients en vitamine A, les signalisations Fgf et BMP sont perturbées. Ces embryons présentent des défauts de segmentation de la vésicule télencéphalique et de l’axe dorsoventral du diencéphale (Halilagic et al., 2003; Wilson et al., 2003).
La division du télencéphale en deux champs correspondant aux hémisphères dépend de la sécrétion de ligands par les structures médianes, NODAL, SHH et BMP. Cette étape sera déficiente en cas d’HPE (Currle et al., 2005; Hebert et al., 2002; Ohkubo et al., 2002). La signalisation Fgf est quant à elle principalement active dans la partie rostrale de la ligne médiane. Plus précisément, une boucle de régulation positive entre les voies Shh, Wnt et BMP ainsi que les protéines FGF8, ZIC2 et SIX3 se met en place au niveau de la ligne médiane pour séparer les vésicules télencéphaliques (Crossley et al., 2001; Kobayashi et al., 2010) (Figure 10).
L’utilisation des modèles vertébrés ces 15 dernières années a montré de façon générale, que l’inhibition fonctionnelle d’acteurs des voies de signalisation, tel que l’acide rétinoïque, Shh, Fgf, Nodal ou BMP, conduit à des défauts de régionalisation dorsoventrale du télencéphale et provoquent des défauts majeurs de cette structure (Arauz et al., 2010; LanaElola et al., 2011; Yang et al., 2010).