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PÉCIFICITÉS RÉGIONALES

La vallée du Jawf est une large plaine allongée qui se forme par subsidence. Deux failles sur sa bordure nord et sud délimitent ce vaste graben. Cette plaine sédimentaire draine les eaux d’un vaste bassin hydrographique (env. 18 000 km²). Le milieu offre un cadre favorable à la sédentarisation : une large plaine sédimentaire, à faible coefficient d’écoulement, bénéficiant de crues abondantes, bordée de reliefs où les matériaux de construction peuvent être extraits. On y trouve naturellement quelques-uns des sites les plus importants de la civilisation sudarabique, s’apparentant à des tells à quelques exceptions près. Certains sont déjà constitués en entités politiques indépendantes dès l’apparition des premières inscriptions monumentales, plongeant leurs racines dans le IIe millénaire av. J.-C. On observe dans cette région presque tous les processus qui affectent la structure sociale, urbaine, politique et culturelle de l’Arabie du Sud. Un soin tout particulier sera donc apporté au détail de l’évolution de ces sites et de leur structure sociale. On peut toutefois déplorer la rareté des fouilles archéologiques, exception faite d’as-Sawdâ’ et de Barâqish. Pour pallier cette lacune documentaire, il nous a fallu composer principalement avec les données épigraphiques, particulièrement abondantes sur ces sites.

Précisons enfin que nous distinguerons les adjectifs « madhâbien » et « minéen »256, le premier se rapportant au wâdî Madhâb, wâdî principal de la vallée, et qualifiant généralement la langue spécifique du Jawf, le second dérivant de Ma‘în, nom actuel de l’antique ville Qarnaw, désignant aussi dans l’Antiquité une tribu et un royaume. Nous délaisserons cet adjectif, autrefois employé pour qualifier la langue du Jawf, au profit de « madhâbien ».

L

ES SITES

Voir la Fig. 27.

K

HARIBAT

H

AMDÂN

(H

RM

, H

ARAM

)

Coordonnées : 16° 09’ 37” N - 44° 45’ 51” E Superficie : env. 10 ha

Bibliographie indicative

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Localisation géographique et topographique

Le site de Kharibat Hamdân ou Kharibat Âl ‘Alî, l’antique Haram, se situe dans la moyenne vallée du Jawf, à 101 km au nord-ouest de Ma’rib et à 6,4 km à l’ouest de Ma‘în. Il est implanté en rive gauche du wâdî Madhâb, au centre de la plaine et d’une vaste accumulation de sédiments alluviaux. Le site se présente sous la forme d’un tell d’une dizaine de mètres nommé al-Fir‘. Le site portait toujours le nom de Madînat Haram dans les années 1940, nous l’utiliserons pour en faciliter l’identification.

Historiographie de la recherche

Ce site n’a jamais fait l’objet de fouilles archéologiques et n’a été reconnu qu’en surface. La restitution de son évolution se fonde principalement sur les données épigraphiques.

La redécouverte du site date de l’expédition de J. Halévy dans le Jawf en 1870. Il y décrit un monticule dont tout ou presque a disparu ; sa description s’attarde sur les

sommets des piliers d’un temple extra-muros situé à cinq minutes du tell257. Il en rapporte la copie de 27 inscriptions. Un an plus tard, les premiers traits d’une histoire du site sont grossièrement esquissés258. Le site fut ensuite visité par A. Fakhry en 1947259 et par la Mission archéologique française en République arabe du Yémen (MAFRAY) en 1978 et 1980260.

La ville : données archéologiques L e s i t e d ’ h a b i t a t

L’extension du site intra-muros paraissait modeste à en croire les chiffres que donnait J. Halévy, 180 x 250 m. Des calculs de distance effectués sur imagerie satellite aboutissent à des chiffres plus imposants, le site formant un ovale d’environ 300 x 400 m avec une superficie de près de 10 ha. La surface du tell, réoccupée par un habitat moderne, ne permet plus d’entrevoir de structures affleurantes à l’exception du rempart. Seules deux inscriptions commémorent la construction de grandes demeures durant les deux derniers siècles du Ier millénaire av. J.-C. (Haram 29 et Haram 51). L’épaisseur du tell, d’une dizaine de mètres maximum, suggère une occupation relativement longue du site remontant au moins au VIIIe s. av. J.-C., date des premières inscriptions connues et s’achevant autour du Ier s., date du texte le plus récent, Haram 28261.

U n s i t e f o r t i f i é

Les vestiges d’un mur de fortification sont évoqués par J.-F. Breton en ces termes :

« La porte orientale, partiellement dégagée, montre plusieurs murs d’appareil régulier, en calcaire gréseux (plutôt rare dans les remparts du Gawf), faits de longs carreaux. Le reste de la muraille disparaît sous les déblais et les bâtisses de terre. »262.

L’inscription Haram 49/3, datée vers le IIe s. av. J.-C., mentionne la présence d’une tour sans que l’on puisse préciser s’il s’agit d’un élément du rempart. Par ailleurs, Haram en tant que toponyme n’est jamais qualifié de hagar avant le IIe s. av. J.-C. (Haram 8, Haram 49 et Haram 51). Si l’on associe à la signification de ce terme, au moins dans le Jawf, une fonction défensive (cf. supra), son emploi nous fournit un terminus ante quem à la fondation du rempart. Seuls son dégagement ou la découverte de dédicaces de construction permettront de préciser la date de son érection.

257 J. Halévy, 1872, p. 29-31, 72-74.

258 J. Halévy, 1873, p. 585.

259 A. Fakhry, 1952, p. 143-146.

260 Elle y réalise un relevé des portes du temple extra-muros et y relève deux nouvelles inscriptions (Ch. Robin, 1981 a, p. 151).

261 Toutes les datations des textes de Haram sont celles que propose Ch. Robin (1992).

U n s i t e c u l t u e l d ’ a t t r a c t i o n l o c a l e

Outre la découverte en surface des vestiges d’un sanctuaire extra-muros, l’existence de plusieurs autres sanctuaires est attestée par les textes : les temples Bayyîn et Mawqatân

consacrés à dhû-Samâwî ainsi qu’un temple consacré à ‘Athtar dhû-Dhibân263. Ces trois

sanctuaires sont construits tardivement. Le temple de Bayyîn n’est attesté qu’au tournant de l’ère chrétienne (Haram 31 à 37). Un pèlerinage semblait s’y dérouler si l’on en croit Haram 34. La construction ou la réfection du temple Mawqatân est évoquée dans l’inscription Haram 53, datée de la même période. Le temple dédié à ‘Athtar dhû-Dhibân est construit vers la fin du Ier millénaire av. J.-C., par l’un des clans dominants, celui de ‘Athtar, assisté du roi de Kaminahû (Haram 38). Par ailleurs, il est probable que les divinités ‘Athtar Ba’sân et Matabnatiyân Thabarân, uniquement attestées à Haram, ont également leur temple à Haram264 durant la période qui précède le IIe s. av. J.-C.265.

Le temple extra-muros, sur lequel se sont concentrées les descriptions de J. Halévy et A. Fakhry266, appartient au groupe des temples des « Banât ‘Âd » (ou « Filles de ‘Âd »)267. À travers les quelques descriptions existantes, J.-F. Breton y restitue une structure relativement

similaire au temple extra-muros d’as-Sawdâ’268. Ce temple, nommé Hadanân, était consacré à

Matabnatiyân. L’inscription Haram 4 qui commémore sa construction permet de la dater du VIIIe s. av. J.-C. À partir du IIe s. av. J.-C., des réparations sont entreprises dans le temple (Haram 18), désormais voué au culte de la divinité Halfân et nommé temple Arathat. Ce sanctuaire est alors une destination de pèlerinage (Haram 13) attirant probablement les membres des clans installés à Haram (les clans Amîr, ‘Athtar et Hanakî). Il est fréquenté aux deux derniers siècles du Ier millénaire av. J.-C., peut-être jusqu’à la fin du Ier s. ap. J.-C. (Haram 10)269.

263 Ch. Robin, 1992, p. 47-48.

264 La construction du temple de Matabnatiyân Thabarân est dirigée par un membre du clan Thabrân (Haram 2/2). L’épithète de la divinité est le même que celui de ce clan ; on peut émettre l’hypothèse d’un temple clanique.

265 Pour la périodisation des cultes, voir Ch. Robin, 1992, p. 41-48.

266 J. Halévy, 1872, p. 29-31, 72-74 ; 1873, p. 585 ; A. Fakhry, 1952, p. 143-146.

267 Ces temples se caractérisent par un parti pris architectural et par un programme décoratif communs : ils sont généralement de petites dimensions, à cour centrale bordée de portiques et précédée d’un portail monumental prostyle ; les piliers sont décorés de reliefs représentant des personnages féminins auxquels s’ajoutent des frises géométriques et zoomorphes. Ces temples ne se retrouvent que dans la région du Jawf, notamment sur les sites d’as-Sawdâ’ (l’un extra-muros consacré à ‘Athtar dhû-Risâf, l’autre intra-muros consacré à Aranyada‘), de Ma‘în, de Kamna et de Haram. Voir notamment J. Schmidt, 1982 c ; J.-F. Breton, 1992 ; 1998 a ; M. Arbach & R. Audouin, 2004 ; S. Antonini, 2004.

268 J.-F. Breton, 1998 a.

269 La datation de Haram 10 de la fin du Ier s. se base sur l’association entre le conflit mentionné avec le Hadramawt et celui évoqué par ailleurs dans Ja 643 daté de cette période (voir Ch. Robin, 1992, p. 60).

U n c e n t r e g o u v e r n e m e n t a l

Le site est le siège politique et administratif d’une entité autonome du nom de Haram. Son dirigeant apparaît d’abord sans titre particulier au VIIIe s. av. J.-C. (Haram 4,

Haram 12, etc.) puis avec le titre de malik à partir du VIIe s. av. J.-C. (Haram 21,

RÉS 3945/17) ; la mention la plus récente de ces dirigeants date du IIe s. av. J.-C. (Haram 47)270. À partir du IIe s. av. J.-C., le site reste un centre administratif majeur avec la présence notamment d’un « conseil des Huit » qui se substitue au souverain (Haram 8).

Le territoire

Aucune reconnaissance systématique des environs du site n’a jusqu’ici été publiée. Les accumulations de sédiments alluviaux et les données épigraphiques laissent envisager la mise en place d’un périmètre irrigué autour du site dès les périodes les plus anciennes de son occupation.

D’après Haram 12, ce périmètre est géré au début du VIIe s. par un kabîr271 de

l’irrigation, il y est également question de 63 parcelles mises en culture. Trois siècles plus tard, ce sont trois cents parcelles qui sont concédées par le souverain à un notable du clan Thabrân et qui sont mises en culture (Haram 2). Les inscriptions évoquent à plusieurs reprises le creusement de puits (Haram 2), l’aménagement ou la présence de canaux (Haram 2, Haram 27, Haram 49), de digues (Haram 49). Les différentes parcelles sont réparties entre les différents clans si l’on en croît Haram 42A, qui fait état de la séparation, par une borne, des terrains inondables de dhû-Raymân d’avec ceux de dhû-Tatânat. Un

phénomène climatique enfin est évoqué dans une inscription tardive, Haram 10272, qui

mentionne la divinité dhû-Samâwî refusant aux deux clans principaux de Haram, Amîr et ‘Athtar, la « mise en eau (9) de leur réseau d’irrigation au printemps et à l’(10)automne, à cause d’une eau en faible quantité à l’(11)extrême, (…) ».

Depuis Haram, le souverain dirige un territoire exigu, d’abord enclavé entre les territoires des tribus voisines : Inabba’, et peut-être Ma‘în, à l’est, Kaminahû et as-Sawdâ’ à l’ouest, Saba’ au sud, il n’excède pas 150 km². Celui-ci s’étend jusqu’aux limites septentrionales de la plaine du Jawf, incluant le sanctuaire d’al-Kâfir, où sont vénérées les

divinités tutélaires de Haram : Matabnatiyân puis Halfân à partir du IIe s. av. J.-C. –

270 Concernant la restitution de la chronologie des souverains de Haram : Ch. Robin, 1992, p. 58.

271 Ce titre apparaît à différentes reprises dans des sens variés. On le trouve appliqué pour qualifier un représentant du pouvoir royal chargé de la gestion d’une ville ou d’une bourgade : le kabîr de Yathill (Barâqish) dans le royaume de Saba’ ou celui de Tahtay (al-Harâshif) dans le royaume de Kamna. Il apparaît également comme chef d’une communauté étrangère dans plusieurs villes (le kabîr des Minéens à Tamna‘ par exemple) ; comme chef d’un groupe associatif (kabîr des officiants ou kabîr des tailleurs de pierre à Haram) ou encore comme responsable administratif (kabîr de l’irrigation dans le cas présent). Pour éviter une interprétation erronée du terme, nous conserverons sa forme sudarabique en parlant de « kabîr ».

divinités également vénérées dans le sanctuaire extra-muros de Haram273. À l’exception du

début du VIIe s. av. J.-C., pendant lequel Haram gouverne deux années durant la tribu de

Nashshân (Haram 15) et récupère une partie de son périmètre irrigué (RÉS 3945/17), le territoire de Haram reste tout au long de son occupation limité par les royaumes voisins de Kaminahû et de Ma‘în lui interdisant toute expansion. Lorsqu’ils disparaissent, c’est le royaume de Saba’ qui contrôle la région depuis al-Baydâ’ et as-Sawdâ’. À l’exception des deux années de gouvernorat sur Nashshân, Haram ne semble pas contrôler de vaste territoire.

L’organisation sociale

Les institutions et la société haramites ont été largement traitées dans la

monographie du site publiée par Ch. Robin274. Il distingue deux périodes durant lesquelles

l’organisation sociale diffère fondamentalement : une période madhâbienne (du nom de la langue pratiquée, VIIIe - déb. IIe s. av. J.-C.) et une période amîrite (du nom de la principale tribu qui occupe alors le site, IIe s. av. - Ier s. ap. J.-C.).

Au cours de la première période, un roi dirige la cité de Haram, dont le territoire, nous l’avons dit, reste exigu. Il est assisté de notables dont l’office est défini par le terme qyn (usuellement traduit par « ministre » ou « fonctionnaire »). Ces derniers appartiennent tous à un même clan, Raymân, et ne sont attestés dans les textes qu’avant la période minéenne,

au début du VIIe s. av. J.-C. (Haram 5, Haram 11, Haram 12). Ch. Robin voit dans ce qyn

un personnage ayant la charge des affaires temporelles (gestion, administration), formant peut-être avec ses pairs un conseil tel qu’on l’observe plus tard à Ma‘în275.

Les activités et catégories professionnelles sont gérées par un kabîr dont on a mention à la tête de l’irrigation (Haram 12), des tailleurs de pierre (Haram 16, Haram 17 et Haram 19) ou des prêtres (Haram 50). Ces personnages ne sont attestés qu’au cours de la période précédant le développement du royaume minéen.

Les fonctions de prêtre ou officiant (rs2w et s2w‘), mentionnées dans Haram 5,

Haram 27 et Haram 50, ne semblent pas se limiter au seul cadre du culte. L’un de ces personnages apparaît comme un propriétaire terrien (Haram 27), un autre est également administrateur (qyn – Haram 5). Ils semblent donc appartenir à un « petit cercle dirigeant, dont les talents s’emploient aussi bien dans la sphère du profane que dans celle du sacré »276.

L’organisation sociale s’appuie avant tout sur une aristocratie clanique concentrant plusieurs offices ; ainsi, le clan Raymân s’accapare les charges de qyn mais aussi de kabîr

273 Un culte en activité y est attesté entre la fin du VIIe s. et le IIe s. av. J.-C. au moins. Concernant ce sanctuaire, se reporter à P. Bodu & al., 1988 ; Ch. Robin, 1992, p. 127-146.

274 Ch. Robin, 1992.

275 Ibid., p. 46, 52-53.

(Haram 12 : kabîr de l’irrigation et kabîr du Hadramawt ; Haram 11 : kabîr de la ville de ‘Ararât) et de prêtres (Haram 5). La société de Haram est alors structurée autour des clans et fractions, fait déjà mentionné277 et présenté en détail par Ch. Robin278 qui distingue trois catégories socioprofessionnelles : une élite politique et religieuse279 ; des clans qui forment la composante majeure de la société (principalement agriculteurs) ; des artisans280.

À partir du VIe s., l’évolution de la structure sociale ne se laisse appréhender qu’à travers deux textes, Haram 2 qui mentionne le kabîr des troupes montées (?) et, Haram 42, datée des environs du IVe s. av. J.-C., qui mentionne l’intercession des « juges des litiges » de

Ma‘în281. Cette ingérence soulève la question d’une éventuelle tutelle minéenne sur Haram

durant cette période.

Au cours de la dernière phase d’occupation du site, la période amîrite, du IIe s.

av. J.-C. au Ier s. ap. J.-C., la structure sociale autant que la population se transforment profondément. La disparition des anciens clans et fractions au profit de nouveaux clans attestés précédemment dans des régions situées plus au nord (wâdî Najrân notamment) ainsi que des changements linguistiques et onomastiques traduisent un changement de

population282 même si la structure sociale reste fondée sur le clan et la fraction. Les

institutions changent : disparition de toute mention du roi de Haram, remplacé dans ses fonctions par un conseil composé de huit membres (Haram 8). Si des prêtres sont toujours mentionnés (Haram 13), leur implication dans les affaires séculières ne peut être précisée.

Synthèse historique

L’ensemble des données présentées donne l’image d’une ville au cœur d’un territoire peu étendu mais resté indépendant durant la quasi-totalité de son occupation. Haram apparaît comme un centre urbain d’attraction locale, siège des institutions politiques et bénéficiant de la présence d’un sanctuaire extra-muros d’abord qualifiable de fédérateur puis sanctuaire de pèlerinage à partir du IIe s. av. J.-C. La fonction défensive du site, non datée, ne peut être prise en considération. Les données épigraphiques imposent par ailleurs l’introduction de quelques nuances.

277 Cf. chap. « L’Arabie du Sud, une société segmentaire sédentaire ».

278 Ch. Robin, 1992, p. 53.

279 Il la définit comme « ceux qui détiennent l’autorité politique et religieuse. Leur nom comporte d’ordinaire une épithète. Se situant en dehors du système tribal, ils peuvent en être les arbitres » (1992, p. 53). La mention fréquente du clan Raymân dans les inscriptions mentionnant ces personnages nous amène à rejeter l’hypothèse d’une élite se situant hors du système clanique. Elle apparaît au contraire comme une aristocratie clanique ou tribale.

280 Nous ne connaissons que la catégorie des tailleurs de pierre par le biais de trois dédicaces effectuées par un même personnage (Haram 16, Haram 17 et Haram 19). Celui-ci ne mentionne jamais de clan ou de fraction d’appartenance ce qui amène Ch. Robin à envisager que ces artisans se trouvaient peut-être exclus du système tribal, tout comme on l’observe dans la société yéménite traditionnelle (1992, p. 53).

281 Sur la catégorie des « juges des litiges », se reporter au chapitre « Ma‘în (Qarnaw) » ci-dessous.

Haram était au VIIIe s. av. J.-C., et peut-être même plus tôt, le centre d’une communauté politiquement indépendante, avec son propre panthéon, au même titre que les cités voisines de Kaminahû, Inabba’, as-Sawdâ’ et plus tard Ma‘în, dirigée par une aristocratie tribale à la tête de laquelle l’autorité d’un personnage est reconnue. Ce chef, d’abord sans titre, est rapidement qualifié de malik. Cette communauté est alliée au royaume voisin de Saba’ dans les expéditions dirigées par son mukarrib, Karib’îl Watâr fils de Dhamar‘alî, d’abord contre le royaume d’Awsân puis contre le royaume voisin de

Nashshân (Haram 15). La cité récupère des terres cultivables dans ce royaume

(RÉS 3945/16-17). Par ailleurs, Haram a pu former à cette période une étape sur la voie caravanière et jouer un rôle commercial. En effet, les textes Haram 11/7 et Haram 12/11 mentionnent respectivement l’existence d’un kabîr de ‘Ararât (actuelle al-Asâhil, ce site est implanté à mi-chemin entre le Jawf et Ma’rib) et d’un kabîr du Hadramawt. Ceci laisse supposer la présence de communautés haramites, formant de petits comptoirs, implantées

en amont de la piste caravanière sous la direction d’un kabîr283, phénomène que l’on

retrouve dans le royaume de Ma‘în avec la présence de telles communautés placées sous le contrôle d’un kabîr à Hajar Kuhlân (ancienne Tamna‘) ou à al-‘Ulâ (ancienne Dédan).

Le développement du royaume voisin de Ma‘în au cours des VIIe-VIe s. semble

progressivement phagocyter Haram : les dédicaces des souverains sont exceptionnelles,

l’ingérence minéenne est manifeste dans le texte Haram 42A daté du IVe s. av. J.-C. La cité

perd probablement tout rôle commercial, supplantée par Ma‘în. Elle demeure toutefois