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Cette période n’a bénéficié de l’intérêt des archéologues que récemment. La recherche des vingt dernières années a compensé ce retard et redéfini la transition qui s’amorce entre âge du bronze et période sudarabique. Mentionnons notamment les travaux des missions italiennes sur les Hautes-Terres51, américaines dans la région de Dhamâr52 et dans le Hadramawt53, françaises sur le pourtour du Ramlat as-Sab‘atayn54 et sur le Jawl55, allemandes sur le Jawl56, canadiennes en Tihâma57 et germano-russes dans la région de Lahj au nord de ‘Adan58.

Cet âge du bronze est daté des IIIe et IIe millénaires av. J.-C. Il se caractérise dans le Hadramawt, sur le plateau du Jawl et dans les talwegs qui entaillent ce plateau, par de nombreux sites funéraires et de rares sites d’habitat peu étendus, occupés par de petites communautés de pasteurs et d’agriculteurs. Sur les Hautes-Terres occidentales, l’âge du bronze est caractérisé par une sédentarisation croissante. La diffusion de cette culture, reconnaissable par un habitat et une production céramique spécifiques, s’opère sur

l’ensemble des Hautes-Terres59 et dans quelques vallées moyennes, notamment dans la

51 A. de Maigret, 1983 ; 1984 a ; 1986 ; A. de Maigret (éd.), 1990.

52 Ch. Edens, 1999 ; Ch. Edens & T. J. Wilkinson, 1998 ; McG. Gibson & T. J. Wilkinson, 1994 ; 1995 a & b ; 1996 ; T. J. Wilkinson, 1998 ; 1999 b ; 2000 ; 2003 a ; T. J. Wilkinson & Ch. Edens, 1999 ; T. J. Wilkinson, Ch. Edens & G. Barratt, 2001 ; T. J. Wilkinson, Ch. Edens & McG. Gibson, 1997 ; T. J. Wilkinson & McG. Gibson, 1997 ; 1998.

53 J. McCorriston, 2000.

54 S. Cleuziou, Inizan M.-L. & Robin Ch., 1988 ; S. Cleuziou, M.-L. Inizan & B. Marcolongo, 1992 ; S. Cleuziou & M.-L. Inizan, 1992 ; 1993 ; T. Steimer-Herbet, 1999 ; 2001.

55 F. Braemer, S. Cleuziou & T. Steimer, 2003.

56 B. Vogt, 1997 a.

57 E. J. Keall, 1998 ; 2004.

58 V. Buffa, 2002 a et b ; Vogt B., Buffa V. & Brunner U., 2002 ; B. Vogt & A. V. Sedov, 1997 ; 1998 ; B. Vogt, A. V. Sedov & V. Buffa, 2002.

région du Jawf60. Des parallèles culturels sont proposés avec la Syrie et la Palestine du

Bronze ancien IV et du Bronze moyen I61. Les structures d’habitat de cette époque se

présentent sous la forme de pièces rectangulaires, flanquées d’annexes circulaires, le tout disposé en cercle – plus rarement en rectangle – autour d’une cour centrale où se concentrent les activités domestiques (présence fréquente d’un foyer construit). Chacun de ces cercles regroupe trois ou quatre habitations (Fig. 19). Les sites les plus importants comporte plusieurs cercles, parfois éclatés au profit d’une extension de l’habitat (Fig. 20).

Dans la région de Dhamâr, certains sites sont fortifiés à la fin du IIIe et au début du

IIe millénaire av. J.-C. ; ce sont par exemple as-Sibâl et Hammat al-Qâ‘. Une hiérarchie

opposant des sites assez vastes et de plus petits centres habités s’établit62. Cette population sédentaire vit d’une économie agro-pastorale, s’appuyant sur la domestication et l’élevage d’ovi-caprinés, dans une moindre mesure de bovinés. Les principales céréales cultivées sont le blé, l’orge, l’avoine et le sorgho. Des ossements d’âne laissent supposer sa domestication et son usage comme animal de bât, ce qui permet d’avancer l’hypothèse d’échanges à moyenne et peut-être même à longue distance dès cette période.

Dans la Tihâma, les installations sédentaires sont souvent accompagnées de

structures mégalithiques (al-Mahandad63 et al-Midamman64 par exemple). Par ailleurs, une

culture homogène a été identifiée sur la plaine côtière, de la frontière saoudienne à la région dattier, au nord-est de ‘Adan. Cette culture, dite de Sabir, se caractérise par un assemblage céramique spécifique. Elle se met en place au cours de la première moitié du IIe millénaire av. J.-C. pour atteindre sa pleine expansion au cours de sa phase finale, durant la période que nous qualifions de « proto-sudarabique ».

b - La période proto-sudarabique (1200-800 av. J.-C.)

Durant cette période, de nombreuses transformations sont amorcées simultanément dans différentes régions d’Arabie du Sud. Définie comme une transition entre un âge du bronze aux limites floues et un âge du fer qualifié de période sudarabique, marquée par des continuités et des changements radicaux, cette période doit finalement être considérée comme autonome, plus que transitoire. Sa longue durée accrédite cette affirmation.

60 Des sites présentant des structures d’habitat identiques à celles du Khawlân at-Tiyâl et de nombreux parallèles céramiques ont été repérés au cours d’une prospection dans le wâdî Hirâb, au nord de la vallée du Jawf (S. Cleuziou, M.-L. Inizan & B. Marcolongo, 1992).

61 A. de Maigret, 1984 a, p. 104.

62 T. J. Wilkinson & McG. Gibson, 1997.

63 H. Peters, 1974, qui semble correspondre au site de Mohamdid al-Hamli publié par G. Benardelli & A. E. Parrinello (1970, p. 118-119).

Les tournants de l’histoire de l’Arabie du Sud sont provoqués par plusieurs phénomènes. De nombreuses conséquences en découlent sur le plan social, économique et culturel. Ce sont, conjointement, l’apparition de l’écriture et sa fixation progressive, la complexification de la hiérarchie sociale, la structuration du pouvoir et la domestication du dromadaire. Tous ces phénomènes ont eu une influence sur le développement du phénomène urbain, influence sur laquelle nous reviendrons largement au cours de cette étude. La domestication du dromadaire a eu un impact considérable sur les moyens

logistiques d’alors65. Outre l’aspect caravanier et commercial, les distances s’en trouvent

raccourcies, l’accès aux ressources facilité, le terroir agrandi et les interactions accrues. On mesure alors aisément la place du dromadaire dans le développement urbain et, de manière plus générale, la place des transports comme faiseurs et fossoyeurs de villes, pour reprendre l’expression de C. Clark66.

Corollaire de ces processus, l’urbanisation gagne les différentes régions de l’Arabie du Sud et notamment celles des marges fertiles, de la plaine côtière (Sabir) et dans une certaine mesure les Hautes-Terres. Il conviendra également de s’interroger sur les raisons de la disparition de nombreux sites au cours de cette période censée apporter l’impulsion nécessaire à leur décollage économique et social. Pensons notamment aux sites qui se sont développés au cours du IIe millénaire (Sha‘b Munaydir dans le wâdî ‘Idîm67 ; al-Kharâ’ib68 et as-Sibâl69 près de Dhamâr) ainsi que ceux de la culture de Sabir.

Au cours de cette période proto-sudarabique, les disparités régionales restent fortes et les différences culturelles importantes. La culture de Sabir, bien qu’avancée dans le

domaine des techniques agricoles70, est largement tournée vers la mer et la Corne de

l’Afrique, au point de voir parfois ces deux entités géographiques unies par un fonds

commun ethnique et peut-être linguistique71. La région du Hadramawt se démarque

également par un assemblage céramique peint spécifique et les premières manifestations

65 P. Bairoch (1985 p. 484) citant R. W. Bulliet : « Comme l’a démontré R.W. Bulliet (1977), le chameau constitue un progrès technologique et non un recul. Par opposition à la charrette traditionnelle tirée par des bœufs, le chameau présente maints avantages, il peut porter au moins autant qu’une charrette attelée à deux boeufs. Par jour, il peut parcourir en moyenne 25-30 km, contre 10-15 pour la charrette. Un homme suffit comme conducteur pour 3 à 6 chameaux alors qu’il ne peut s’occuper que d’une charrette. En outre, ce n’est pas marginal, la charrette a besoin de routes, le chameau pas. Enfin, dans les régions semi-désertiques, le chameau est capable de se nourrir d’une végétation impropre aux bovins, alors que toute alimentation propre à ceux-ci est assimilable par le chameau. »

66 C. Clark, 1958 : « Whether by the crudest of speculative mechanisms or the guiding hand of social purpose, transport

did prove to be the maker of cities - and also, if it failed, its breaker ».

67 J. McCorriston, 2000.

68 T. J. Wilkinson & McG. Gibson, 1998 ; T. J. Wilkinson, 1999 a.

69 Ch. Edens & T. J. Wilkinson, 1998, p. 77 ; T. J. Wilkinson, 1999 b.

70 B. Vogt, V. Buffa & U. Brunner, 2002.

71 B. Vogt & A. V. Sedov, 1997, p. 44. Cette hypothèse reste discutable car elle repose uniquement sur quelques parallèles céramiques et sur des similitudes du couvert végétal interprétées comme un élément d’identification probable du « Pays de Punt ».

d’un usage de l’écriture dans ce que A. V. Sedov nomme « the ancient wâdî Hadramawt culture »72. Les productions céramiques de cette population sédentaire et agricole présentent

des analogies avec celles du Nord-Ouest de la péninsule Arabique73. Dans la région du Jawf

enfin, les premières cultures urbaines s’établissent progressivement, tirant profit d’un environnement favorable aux pratiques agricoles. Même si aucune fouille n’a jusqu’ici révélé la nature des populations qui y évoluent à cette époque, l’épaisseur des niveaux archéologiques qui composent ces sites urbains suggère la présence de villes importantes dès cette période. Les récentes découvertes iconographiques effectuées sur le site d’as-Sawdâ’ laissent entrevoir des contacts et échanges culturels avec le Levant et la Mésopotamie dès cette haute époque74.

Ainsi, cette période proto-sudarabique est marquée par l’apogée puis la disparition de la culture de Sabir dans la Tihâma, par la disparition des grands sites d’habitat de l’âge du bronze sur les Hautes-Terres et enfin, par l’apparition sur les piémonts et en bordure du Ramlat as-Sab‘atayn d’une civilisation de l’écrit qui s’étend progressivement au reste de la région durant la période suivante. Tous ces événements ne sont pas sans conséquence sur la répartition des sites et sur l’évolution des réseaux de villes qui commencent alors à se constituer75.

c - La période sudarabique ancienne (800-110 av. J.-C.)

Cette période, qui couvre la majeure partie du Ier millénaire avant J.-C., est

inégalement documentée. Nos connaissances restent lacunaires compte tenu des problèmes de chronologie absolue déjà évoqués.

Le système social, fondé sur la structure tribale, qui se met en place au cours des périodes antérieures, aboutit à la constitution de systèmes hiérarchisés complexes qu’il nous

faudra définir76, à l’apparition de fédérations tribales centrées autour d’une tribu

dominante. À leur tête, on trouve un personnage, d’abord sans titre clairement défini dans les inscriptions, puis tantôt nommé malik, tantôt mukarrib77. Si les instances politiques ne peuvent, dans une société profondément tribale, prétendre au monopole du pouvoir

72 A. V. Sedov, 1996 a, p. 86.

73 Ces parallèles ne forment pas à eux seuls une base suffisante pour proposer l’idée d’une migration de population venue du Nord-Ouest de la péninsule Arabique telle que l’avance A. V. Sedov (1996 a, p. 86), même si l’hypothèse est séduisante. Ces thèses seraient à discuter dans le cadre d’une étude céramologique approfondie, confrontée à une étude des contacts avec les régions voisines, question qui déborde le cadre actuel de notre recherche.

74 M. Arbach & R. Audouin, 2004.

75 Cf. chap. « Analyse spatiale d’une dynamique urbaine ».

76 Cf. chap. « L’Arabie du Sud, une société segmentaire sédentaire ».

77 À cette période, il est employé successivement par la confédération d’Awsân (centrée autour du wâdî Markha) et celle de Saba’ (centrée autour du wâdî Dhana). La mention d’un mukarrib d’Awsân apparaît dans l’inscription as-Saqqâf 1. D’une graphie archaïque, elle permet d’envisager l’antériorité des mukarrib-s d’Awsân sur ceux de Saba’.

coercitif, et qu’à ce titre, il ne peut encore être question de la présence d’un véritable État78, les changements sociaux qui marquent la société sudarabique sont suffisamment profonds pour affecter l’urbanisation de la région.

L’acception du terme mukarrib est définie dans le cadre d’un système tribal ; ce personnage y apparaît comme « fédérateur ». Celle de malik en revanche est définie indépendamment du contexte social par le terme « roi ». Il s’agit là d’une appellation générique dont le sens doit être réinterprété dans le cadre de l’Arabie du Sud et dont les

implications doivent être relativisées79. Si pour des facilités de langage nous gardons

l’emploi du terme « royaume » et de « roi », l’acception que l’on peut donner au terme évolue dans le temps, les souverains ne s’apparentant généralement qu’à ce que l’on pourrait entendre par shaykh80.

Aux VIIIe et VIIe s. av. J.-C., de nombreuses tribus se structurent en royaumes. Ce sont les royaumes de Nashshân, Kaminahû, Haram, Inabba’ et Ma‘în dans le Jawf ; ceux de

Saba’, de Qatabân, d’Awsân, du Hadramawt sur les Basses-Terres centrales ; ceux de Sam‘y81

et de Dahas (Yafa‘), évoqué dans l’inscription RÉS 3945/7, sur les Hautes-Terres ; celui de Muha’mir enfin dans le wâdî Najrân (Fig. 21). L’expansion sabéenne sous le règne de Karib’îl Watâr fils de Dhamar‘alî modifie les configurations politiques et redéfinit l’armature urbaine qui se met en place. L’Arabie du Sud est alors unifiée pour une courte durée. Les dirigeants sabéens conservent le titre de mukarrib jusqu’au VIe s. av. J.-C. Il est

ensuite repris par deux souverains du Hadramawt, par les souverains de Qatabân du VIe au

Ier s. avant J.-C. puis de nouveau par ceux du Hadramawt.

Jusqu’au VIe s. av. J.-C., les données épigraphiques nous renseignent avant tout sur les régions du Jawf et de Saba’. À partir des VIe-Ve s. av. J.-C., les informations se multiplient lorsque les royaumes voisins (Qatabân, Hadramawt, Sam‘y) se structurent sur leur territoire, que les hiérarchies urbaines se définissent et que les polarités se dégagent progressivement (Fig. 22).

78 Que ce soit l’État au sens wébérien du terme (M. Abélès, 1990, p. 73 ; G. Balandier, 1999, p. 151) ou dans un sens plus large, en entendant par État un système politique au territoire fixé et ayant le monopole de la violence légitime.

79 Cf. chap. « La dynamique sociale, clé de lecture de la dynamique urbaine.

80 Ch. Robin, 1977, col. 599 à propos du souverain qatabânite : « Le roi, à l’origine simple cheikh de la tribu de Qatabân, n’a pas un pouvoir absolu, même s’il est moukarrib. Il enregistre et applique les décisions prises par la divinité (symbole de la volonté collective), ou conjointement par lui-même, l’assemblée de Qatabân, celle des enfants de ‘Amm, et diverses classes de dignitaires. Ce pouvoir est d’ailleurs d’autant plus faible qu’il est souvent exercé en même temps par plusieurs personnes ; ce sont en général des co-régences entre père et fils, mais aussi parfois entre souverains sans lien apparent de parenté (par exemple Hawfiam Yuhan‘im fils de Sumuhwatâr et Yada‘’ab Yagûl fils de Dhamar‘alî, dans Ja 2361). »

81 Une inscription de graphie ancienne (VIIe-VIe s. av. J.-C.) que nous avons récemment relevée au sommet du jabal Riyâm, issue du pillage du temple, mentionne roi de Sam‘y. Ceci permet de faire remonter cette entité politique de quelques siècles.

Dans le Jawf, une nouvelle entité politique, le royaume de Ma‘în (ou royaume

minéen), émerge vers les VIIIe-VIIe s. av. J.-C. en se fédérant avec les tribus voisines

installées sur les sites de Barâqish (l’antique Yathill) et d’as-Sawdâ’ (l’antique Nashshân). Cette tribu de Ma‘în prend part au commerce caravanier, ses marchands essaiment dans les grands centres commerciaux au Levant, en Égypte, et dans les principales villes sudarabiques.

Le IIe s. av. J.-C. inaugure une série de changements profonds en Arabie du Sud.

L’équilibre fragile qui préside aux rapports entre populations nomades et sédentaires, notamment avec les tribus arabes, se rompt. Ce déséquilibre entraîne une transformation des structures sociales dans plusieurs régions d’Arabie du Sud, parmi elles les structures sociales urbaines. La fragilité des rapports entre nomades et sédentaires et la pénétration de tribus arabes ont pour conséquence une déstabilisation des systèmes institutionnels en place. Les royaumes fragilisés se scindent, de vieilles entités recouvrent leur autonomie voire leur indépendance alors que d’autres royaumes disparaissent. À cette époque, le royaume minéen amorce son déclin tandis que d’anciens royaumes reviennent sur le devant de la scène (Nashshân, Kaminahû et Haram dans le Jawf, Awsân dans le wâdî Markha), avec leurs anciens cultes, dans une sorte de mouvement de renaissance et de résistance face aux transformations brutales qui s’opèrent. Les sécessions des tribus d’Awsân et de dhû-Raydân, qui se constituent en royaumes indépendants (ceux d’Awsân et de Himyar), désagrègent un royaume qatabânite désormais limité aux wâdîs Harîb et Bayhân (Fig. 23). Le royaume du Hadramawt est confronté à une instabilité dont témoigne la destruction par le feu de plusieurs sites. Les causes de ces bouleversements sont profondes, les conséquences sur les établissements urbains et l’armature urbaine importantes et accentuées par une série d’événements qui surviennent un siècle plus tard.

d - La période sudarabique moyenne (110 av. J.-C. – 300 ap. J.-C.)

La date de 110 av. J.-C. retenue pour initier cette phase correspond au début de l’ère himyarite. Certes symbolique, elle coïncide néanmoins avec une période de transformations en profondeur de la société sudarabique évoquées précédemment. Aux changements provoqués par la pénétration de tribus arabes et par la décomposition des anciens grands royaumes, se superpose la volonté d’un Empire romain qui atteint son extension maximale et qui tente de contrôler le commerce d’aromates prisées et convoitées.

En 25/24 av. J.-C., le préfet d’Égypte, Ælius Gallus est chargé par Auguste de sonder l’Arabie et l’Éthiopie, ainsi que de négocier l’alliance des populations arabes ou de les conquérir par la force82. La troupe, qui comportait à l’origine dix milles hommes et les troupes auxiliaires d’Égypte, parvient par Najrân et le Jawf jusque Ma’rib. L’expédition s’en

retourne, vaincue par la faim et la maladie. Son passage a probablement affaibli des cités déjà diminuées par les événements susmentionnés. Si Rome ne parvient pas à contrôler l’Arabie du Sud, son autorité est toutefois établie sur l’Égypte devenue province en 30 av. J.-C. Rome a désormais une façade maritime sur la mer Rouge et peut, dans le contexte favorable de la pax romana, poursuivre l’entreprise, commencée par les Ptolémées, d’ouverture de routes maritimes permettant de commercer avec les régions productrices d’aromates (Inde, Arabie) sans intermédiaire. Ces deux événements périphériques, s’ajoutent à l’affaiblissement des royaumes de l’intérieur du pays. Les petits royaumes du Jawf ne survivent pas à l’expédition romaine, ils sont englobés dans le royaume de Saba’. Deux siècles plus tard, ce sont les royaumes d’Awsân et de Qatabân qui disparaissent, annexés par le Hadramawt, qui forme avec les royaumes de Saba’ et Himyar les trois grands ensembles politiques de cette période sudarabique moyenne. S’adaptant à un passage progressif du commerce caravanier au commerce maritime, ils s’allient ou s’affrontent les uns aux autres, intégrant ou s’opposant aux Abyssins qui tentent à plusieurs reprises des incursions depuis la Tihâma en direction des Hautes-Terres sabéennes et himyarites.

Jusqu’au IIe s., le royaume de Saba’ est affaibli par les rivalités avec Himyar. À partir du IIe s., ce royaume entre dans une phase de renaissance sous le règne de Ilîsharah Yahdub, renaissance marquée notamment par de nouvelles frappes monétaires, la reprise d’une activité importante dans le temple Awwâm à Ma’rib, la restructuration de l’oasis de Ma’rib, la fondation d’une nouvelle capitale politique, San‘â’.

Le royaume du Hadramawt, région productrice d’encens, perdure grâce à cette ressource, grâce à son éloignement des zones de pénétrations arabe et romaine, ainsi que par son ouverture sur la mer et les débouchés qu’elle procure, notamment avec la fondation de villes neuves portuaires (Fig. 24).

La rivalité grandissante entre les royaumes aboutit à la fin du IIIe s. et au début du

IVe s. à l’annexion successive du royaume sabéen puis hadrami par Himyar qui unifie alors

l’ensemble de l’Arabie du Sud sous son autorité.