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Les autorités administratives indépendantes cantonales

VIII. Les régimes de surveillance

A. Les autorités chargées du pouvoir de surveillance

Sans entrer ici dans le détail de la surveillance parlementaire, on men-tionnera tout d'abord que la haute surveillance sur l'administration qui appartient aux parlements n'est pas limitée, selon les constitutions cantonales, aux seules subdivisions de l'administration centrale'l4; elle porte donc aussi sur les AAI. Au sein des organes législatifs des cantons, la haute surveillance est exercée en premier lieu par les commissions de contrôle de gestion, des finances ou similaires'''. Par ailleurs, le champ d'action des commissions d'enquêtes parlementaires n'est pas non plus limité aux seules subdivisions administratives subordonnées hiérarchi-quement au Conseil d'Etat,j,.

L'autorité de surveillance la plus fréquemment nommée dans les lois cantonales instituant des AAr autonomes et dotées de la personnalité reste le Conseil d'Etat2l7Dans le domaine des assurances sociales, les compétences de surveillance des exécutifs à l'égard des établissements autonomes sont évidemment délimitées par la surveillance fédérale déjà évoquée2l8. Cela a parfois conduit à confier la surveillance à des conseils

214 Par exemple, art. 104 Cst./FR; art. 69 de la Constitution de la République et Canton de Neuchâtel du 24 septembte 2000 (Cst.lNE - RS/NE 101); art. 40 de la Constitution du canton du Valais du 8 mars 1907 (Cst.lVS - RSIVS 101.1);

art. 57 de la Constitution du canton de Zurich du 27 février 2005 {Cst./ZH - RSI ZH 101); art. 78 Cst.lBE. Pour GE, cf. l'art. 141, al. 6 Cst.lGE qui énonce explici-tement la haute surveillance du Grand Conseil sur la Cour des comptes.

215 BE: art. 22 de la loi sur le Grand Conseil du 8 novembre 1988 (LGC/BE - RS/BE 151.21); ZH: §34e Ka1ltonsratsgesetz du 5 avril 1981 (KRG/ZH - RS/ZH 171.1);

FR: art. 14 de la loi sur le Grand Conseil du 6 septembre 2006 (LGC/FR - RS/FR 121.1); VD: art. 46 ss de la loi sur le Grand Conseil du 8 mai 2007 (LGCIVD -RSIVD 171.01); GE: art. 201A ss de la loi portant règlement du Grand Conseil du '13 septembre 1985 (LRGC/GE - RS/GE B 1 01).

'" Par exemple, GE: art. 230 ss LRGC/GE; ZH: § 341, al. 1 KRG/ZH; FR: art. 182 ss LGe/FR; VD: art. 67 ss LGCIVD.

217 Par exemple, pour les ECAs: VD: art. 3d LAIEN/VD; BE, art. 2 de la Loi sur l'assurance immobilière/BE.

2:111 Cf. supra IV, A; cf. en outre, par exemple, à Zurich, § 7 AHVGIIVG/ZH; GE:

art. 5 LOCAS/GE.

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ad hoc219 ou à l'établissement autonome qui fédère les caisses et services concernés 120.

Pour les AAr rattachées administrativement, la surveillance est souvent confiée au département concerné ratione materiae221

B. Les instruments de la surveillance

La doctrine a rattaché au rapport de surveillance une série de compé-tences en main des autorités de tutelle qui, sous réserve évidemment des prescriptions spécifiques à chaque autorité, s'étendent du droit d'exiger des rapports de services à celui d'intervenir dans des dossiers particu-liers en s'opposant aux décisions illégales, le cas échéant par révoca-tiou, en passant par l'approbation des prescriptions autonomes voire de certaines catégories de décisions, l'émission de directives générales et l'examen des plaintesll2

La réalité législative dans les cantons ne reflète pas explicitement cette liste d'instruments de surveillance.

Les rapports périodiques d'activité à produire par les AAI se trouvent dans de très nombreux domaines d'action et indépendamment du statut d'autonomie personnalisée ou de rattachement administratif. Ces rap-ports sont destinés soit au Grand Conseil 223 , soit au Conseil d'Etat224 ,

219 BE, pour la surveillance cantonale des caisses de compensation et offices Al, avec un Conseil de surveillance ad hoc: art. 12 ss LiAVS/BE et art. 8 LiLAI/BE.

llO GE, les caisses d'allocations familiales sont soumises à la surveillance de l'OCAS: art. 20 de la loi sur les allocations familiales du 1" mars 1996 (LAF/GE - RS/GE J 5 10).

221 FR est un des seuls cantons à s'être doté d'une règle générale à ce sujet: arr. 61, al. l,let. b LOCEA/FRj sinon, de cas en cas, par exemple, pour VD: Commission foncière rurale: art. 8 LVLDFR/VD.

222 KNAPP (o. 9) p. 5 nO 13 j MooR (n. 11) p. 60 ss, est moins affirmatif sur le droit d'évocation en l'absence de base légale et n'envisage le droit de révocation que de manière exceptionnelle. Les auteurs alémaniques - comme HAFELIN/MüLLER/ UHLMANN (n. 14): cf. p. 301 n" 1310 - ne paraissent pas s'être intéressés à cette question.

223 Par exemple, VD: art. 22 LCComptes/VDj GE: art. 9 LCSM/GE.

22< Par exemple, VD, pour l'ECA: art. 3d, al. l LAIENIVD; GE: art. 7, al. 3 LComPSI

GE.

soit encore à ces deux autorités225La fonction des rapports périodiques des AAl chargées de surveiller la gestion de l'Etat en matière financière ou en termes de protection des données notamment dépasse cependant le seul exercice de la haute surveillance sur ces autorités. En effet, ces rapports constituent également un compte-rendu des lacunes de gestion de l'Etat constatées par l'AAl, voire un moyen de pression à disposition de cette autorité lorsqu'ils peuvent être rendus publics'''.

L'approbation des prescriptions adoptées par les entités autonomes, s'agissant de leur organisation et du statut du personnel, n'est pas systématique"'.

L'émission de directives générales est encore moins fréquemment men-tionnée, que ce soit dans les lois spéciales ou générales. Lorsque la ques-tion est évoquée, c'est au sujet des services administratifs dépendant hiérarchiquement du Conseil d'Etat"'.

Le contrôle de l'action des AAl par la voie du recours de l'autorité can-tonale de surveillance auprès de la juridiction compétente, contre les décisions de l'AAl, se trouve nécessairement codifié dans les lois spé-ciales, dès lors que les codes de procédure et de juridiction administra-tive n'attribuent pas eux-mêmes la qualité pour recourir à l'autorité de surveillance"'. Ce droit de recours se rencontre en particulier dans le domaine du droit rural"".

Il en va de même s'agissant des recours de tiers. Les autorités de sur-veillance des AAl ne peuvent être saisies de recours que dans la me-sure où la législation Spéciale le prévoit, puisque le recours administratif classique - aujourd'hui largement en voie de disparition - s'inscrit par essence dans la relation hiérarchique231

225 Par exemple, GE: art. 57 LIPAD/GE pour le Préposé cantonal à la protection des données et à la transparence.

226 Par exemple, pour BE: art. 37 LCPD/BE, et art. 28, al. 2, let. cl LCCF/BE.

227 Par exemple, pour l'ECA VD: art. 3 LAIEN/VD.

no Cf. FR, art. 60, al. 1 LOCEA/FR; ZH: § 40 OG RR/ZH

229 Cf. par exemple, VD: art. 7S de la loi sur la procédure administrative du 28 oc-tobre 2008 (LPAIVD -RSIVD 173.36).

230 Par exemple, VD: art. 8 LVLDFRIVD; art. 15, al. 2 LVLBFAIVD.

2.11 On le retrouve encore, par exemple, à BE: art. 62-64 de la loi sur la procédure et

la juridiction administrative du 23 mai 1989 (LPjA/BE - RS/BE 155.21).

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Quant à la voie de la plainte à l'autorité de surveillance, dont la doc-trine admet qu'elle est ouverte en tout état sans base légale expresse, à raison même de la relation de surveillance"', elle trouve tout de même quelques ancrages légaux exprès233 inspirés de l'article 71 de la loi fédé-rale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA)23'.

Cela étant, il convient de rappeler que la surveillance sur les AAI s'exerce également, quoi que dans une mesure moins structurée et formalisée, par la "voie personnelle" lorsque des représentants de l'autorité de tu-telle siègent au sein des organes de l'AAI'35.

Les personnes sont également un sujet de la surveillance lorsque les membres des AAI sont soumis à un régime disciplinaire exercé par l'antorité de tutelle, allant le cas échéant jusqu'à la révocation 236. Ce mode de surveillance demeure toutefois disparate dans les législations cantonales.

Enfin, la surveillance financière implique l'intervention de réviseurs ex-ternes à l'égard des AAI structurées en entités autonomes237 tout comme pour les services de contrôle financier de l'Etat238

IX. Conclusion

Au terme de ce survol des législations cantonales, on peut avoir l'im-pression que le phénomène des AAr est excessivement flou pour mériter d'être analysé comme tel. Cela tient sans doute, pour une bonne part, à la souplesse de la définition retenue et à l'interprétation large qui en a été donnée au surplus au fil des exemples. Mais on pent aussi y voir

232 Cf. par exemple, HAFELlN/MüLLER/UHLMANN (n. 14) p. 422 n° 1838.

233 Par exemple, FR, art. 112 du code de procédure et de juridiction administratives du 23 mai 1991 (CPJAlFR - RS/FR 150.1).

2 "

RS 172.02l.

2.H Cf. les exemples cités plus haut au sujet de la composition et du mode de désigna-tion des membres des AAI: supra VI, A.

lJ~ Cf. les exemples mentionnés ci-dessus au sujee du statut des membres des AAI:

supra VI, B.

211 Par exemple, pour les caisses de compensation: par exemple, VD, art. 7 LCCPI VD; oU les ECAs, par exemple, FR: art. 16 de la loi sur l'assurance des bâtiments contre l'incendie et les autres dommages/FR.

238 NE, art. 7 LCCF/NE; BE, art. 7 LCCF/NE; ZH, § 11 FKG/ZH. Egalement pour la Cour des comptes vaudoise: art. 23 LCCompces/VD.

le reflet de ce que le concept même d'AAI est en définitive une impor-tation académique plutôt qu'un modèle d'organisation administrative traditionnel dans les cantons.

Cela étant, les développements qui précèdent démontrent que les condi-tions classiques présidant à la création d'entités administratives décen-tralisées se retrouvent à la base des AAr cantonales: base légale - for-melle, pour déroger au pouvoir hiérarchique -, spécialité et surveillance.

On constate aussi que c'est cette condition de la surveillance qui est la moins systématisée dans les législations cantonales, alors qu'elle sert à la fois à définir l'indépendance, comme l'autonomie, et à garantir l'ad-missibilité même des AAI en maintenant ces autorités sous un contrôle intrinsèquement nécessaire à l'Etat de droit et à la démocratie. Si la principale caractéristique des AAI est ainsi mal circonscrite dans la plu-part des cas, l'institution d'autorités indépendantes peut être un fac-teur de conflits de pouvoir significatif. Certes, les enjeux afférents aux activités de ces autorités ne sont généralement pas aussi politisés que les tâches dévolues aux entreprises publiques par exemple. Mais ils ne sont pas strictement techniques et n'intéressent pas nécessairement que les seuls experts. Simultanément, le flou qui règne sur les rapports de surveillance peut favoriser des pratiques des AAI qui reporteront l'es-sentiel du contrôle de légalité à l'initiative et à la charge des administrés concernés. On pensera à cet égard au risque corporatiste inhérent à la composition de nombreuses AAI.

Dans ces circonstances, il est légitime de se demander si le foisonnement d'AAr dans les cantons - romands surtout - peut se maintenir, voire prospérer, sans que ces derniers ne se dotent d'un cadre législatif clair et cohérent pour régir tout ce qui a trait à la surveillance de ces autorités y compris de leurs magistrats, membres ou agents.

Il n'est du reste pas exclu que la reprise d'une réflexion d'ensemble sur ce thème aboutisse à poser de cas en cas une question plus fondamentale:

esr-il bien nécessaire, utile et/ou efficient - i. e. opportun -, en définitive, de confier telle ou telle tâche à une autorité administrative indépen-dante, alors qu'elle pourrait être attribuée à une unité de l'administra-tion centrale comme dans d'autres cantons? Les quelques éléments de comparaison intercantonale pris en illustration ci-dessus seront peut-être utile un jour à ce débat.

La responsabilité des autorités administratives