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Les autorités fédérales indépendantes d'exécution de tâches publiques

de tâches publiques

III. Les autorités fédérales indépendantes d'exécution de tâches publiques

Selon une organisation hiérarchique, l'administration fédérale est en principe soumise aux instructions du Conseil fédéral (art. 2, al. 1 de la

62 ATF du 27 mars 2008 (2C_ 495/2007), c. 1.1.

63 Rapporr annuel 2008 (n. 21) p. 5, citant une décision non publiée de la CAF du 22 août 2000.

64 BARRELET/WILLl (n. 25) p. 255. Dans le même sens, BREM/SALVADÉ/WILD

(n. 25) ad art. 56 n" 2 p. 465.

65 Dans ce sens, WURZBERGER (no 59) ad art. 86 nO 21 p. 844.

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loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration du 21 mars 199766). L'administration peut toutefois comprendre des unités admi-nistratives décentralisées (art. 178, al. 3 Cst.; art. 2, al. 3 LOGA). De telles unités peuvent être ainsi indépendantes du pouvoir hiérarchique de l'administration centra le 67. De telles autorités indépendantes peuvent également être créées par le biais de structure juridique autonome de l'administration centrale (art. 2, al. 4 LOGA). L'indépendance de ces autorités peut ainsi être garantie soit par leur autonomie, soit par une base légale spécifique. Le législateur l'a d'ailleurs rappelé de manière générale à l'article 8, alinéa 2 de l'ordonnance sur l'organisation du gou-vernement et de l'administration du 25 novembre 1998 (OLOGA) 68: les unités rattachées administrativement sont en règle générale, en ce qui concerne la gestion des ressources, assimilées à l'administration fédérale centrale; elles exécutent leurs tâches sans être liées par des instructions.

L'indépendance des autorités d'exécution de tâches publiques n'est ainsi pas une indépendance au sens de l'article 30 Cst., mais une indépen-dance par rapport aux instructions de l'administration centrale.

A.

La forme juridique

Les autorités fédérales indépendantes d'exécution de tâches pnbliques peuvent donc soit être rattachées administrativement à l'administration, soit être intégrées dans une entité autonome.

L'instrument classique pour les autorités fédérales indépendantes est celui de l'établissement autonome de droit public, qui est une organisa-tion administrative disposant d'un ensemble de moyens (en personnel et en matériel) affectés durablement à l'exécution d'une tâche déterminée, consistant en général à fournir des prestations".

La Confédération dispose à cet égard d'un très large choix, qui a été rappelé par le Conseil fédéral dans son rapport sur l'externalisation et la gestion des tâches de la Confédération. La forme de l'autorité

indépen-66 LOGA - RS 172.010.

67 BELLANGER (n. 1) pp. 247-248.

68 RS 172.010.1

69 PIERRE MooR, Droit administratif, Vol. III, « L'organisation des activités admi-nistratives - Les biens de l'Etat », Berne, 1992, p. 67.

dante rattachée à l'administration doit être employée lorsque l'autorité nécessite une certaine indépendance mais que l'octroi d'une autonomie juridique n'est pas conseillée au niveau de l'entité - par exemple en rai-son d'une taille insuffisante - ni au niveau du regroupement de plusieurs entités - par exemple en raison d'interdépendances indésirables ou d'ab-sence de potentiel de synergies 70. Si le choix doit se porter sur une en-tité autonome, le Conseil fédéral préconise l'utilisation de la forme de l'établissement de droit public autonome car la Confédération peut éla-borer le droit organisationnel de l'entité en fonction des besoins. Les autres formes juridiques, en particulier celle de la société anonyme de droit privé devrait être réservée aux entités qui fournissent la majorité de leurs prestations sur le marché, qui remplissent les conditions néces-saires à leur autonomie économique et dont l'activité ne relève pas de la puissance publique 71.

En définitive, le choix entre une entité d'exécution de tâches publiques autonomes et une entité indépendante rattachée à l'administration ne s'effectue pas avec des critères impératifs; le législateur dispose, au contraire d'une très grande marge de manœuvre. En pratique, plusieurs formes juridiques ont ainsi été mises sur pied.

1. Les entités dotées de la personnalité juridique

L'Institut suisse des produits thérapeutiques (Swissmedic) et l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IFPI) sont des autorités d'exécution de tâches publiques qui ont été instituées sous la forme d'établissements de droit public, doté de la personnalité juridique (art. 68 de la loi fé-dérale sur les médicaments et les dispositifs médicaux du 15 décembre 200072 et art. 1 de la loi fédérale sur le statut et les tâches de l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle du 24 mars 199573).

Ces deux établissements ont des compétences étendues (art. 2 UPI et art. 2 LPTh) et peuvent prendre des décisions au sens de l'article 4 PA (art. 16 et 66 LPTh, art. 30 de la loi fédérale sur la protection des

70 Rapport du Conseil fédéral sur l'externalisation et la gestion de tâches de la Confé-dération (Rapport sur le gouvernement d'entreprise), FF 2006 7799, p. 7834.

71 Rapport sur le gouvernement d'entreprise (n. 70) pp. 7834-7835.

72 LPTh - RS 812.21.

73 LIPI - RS 172.010.31.

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marques et des indications de provenance du 28 août 199274, art. 50 ss de la loi fédérale sur les brevets d'invention du 25 juin 195475 et art. 24 ss de la loi fédérale sur la protection des designs du 5 octobre 200176).

Leur autonomie dans ce contexte est garantie par la loi (art. 1, al. 2 UPI et art. 68, al. 3 LPTh), si bien qu'ils peuvent notifier des décisions sans recevoir d'instruction de la Confédération. Ces deux entités, bien qu'exécutant des tâches publiques, doivent s'autofinancer (art. 1, al. 3 UPI et art. 68, al. 3 LPTh).

Il existe également un exemple où la Confédération a employé la forme de la société anonyme pour une autorité chargée d'exécuter des tâches publiques. L'article 40 de la loi fédérale sur l'aviation du 21 décembre 1948 (LA) 77 autorise ainsi le Conseil fédéral à confier le service civil et le service militaire de la navigation aérienne, en tout ou en partie, à une société anonyme d'économie mixte sans but lucratif dont la majorité du capital appartient à la Confédération et dont les statuts sont approu-vés par le Conseil fédéral. C'est ainsi que la société Skyguide, Société Anonyme Suisse pour les Services de la Navigation Aérienne civils et militaires, a été crée avec pour but: «fournir des prestations dans le domaine de la navigation aérienne civile et militaire, dans les secteurs qui lui sont attribués par la Confédération".

2. Les entités indépendantes rattachées à l'administration

La majorité des autorités indépendantes d'exécution des tâches publiques sont toutefois rattachées à l'administration. Il en va ainsi du Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence, qui est rattaché administrativement à la Chancellerie fédérale, mais dont l'autonomie est garantie (art. 26, al. 2 de la loi fédérale sur la protection des données du 19 juin 1992 78). Le même système existe pour le Contrôle fédéral des finances qui est rattaché administrativement au Département fédéral des finances, mais dont l'autonomie et l'indépendance sont explicite-ment garanties par la loi (art. 1, al. 2 de la loi fédérale sur le Contrôle

74 LPM - RS 232.11.

7\ LB! - RS 232.14.

76 LDes - RS 232.12.

77 RS 748.0.

78 LPD - RS 235.1.

fédéral des finances du 28 juin 1967"). Il en va enfin de même pour le Bureau d'enquête sur les accidents d'aviation (art. 25 LA) et le Service d'enquête sur les accidents de transports publics (art. 15 LCdF80), dont l'indépendance est également garantie par le législateur (art. 8, al. 1 de l'ordonnance relative aux enquêtes sur les accidents d'aviation et sur les incidents graves du 23 novembre 1994'1; art. 15 LCdF et art. 3, al. 4 de l'ordonnance sur les déclarations et les enquêtes en cas d'accident ou d'incident grave survenant lors de l'exploitation des transports publics du 28 juin 200082).

Toutes ces autorités sont ainsi rattachées administrativement à l'admi-nistration, mais exécutent leurs tâches, principalement des enquêtes, de manière indépendante. Elles n'ont ainsi pas à recevoir d'instructions de l'administration centrale (art. 8, al. 2 LOGA).

Il arrive aussi que des entités disposent d'une grande autonomie sans toutefois être une véritable autorité indépendante. C'est le cas du Sur-veillant des prix, qui est nommé par le Conseil fédéral et qui relève du Département fédéral de l'économie publique (art. 3, al. 1 et 2 de la loi fédérale concernant la surveillance des prix du 20 décembre 198583).

Le législateur a toutefois explicitement refusé de lui accorder une indé-pendance au motif qu'il" est une partie de la politique économique de l'Etat ,,84, tout en relevant qu'une grande autonomie lui est accordé car il n'est soumis qu'à la haute surveillance du département85

B. Une synthèse

Il ressort des différentes autontes exammees que la creatIOn d'une entité avec une personnalité juridique n'est pas employée, au premier chef, pour garantir l'indépendance d'une autorité. Plusieurs autorités importantes, avec des compétences d'enquêtes, comme par exemple le

79 LCF-RS 614.0.

80 RS 742.101.

81 OEAA - RS 748.126.3.

82 OEATP - RS 742.161.

83 LSPr - RS 942.20.

84 Message du Conseil fédéral du 30 mai 1984, FF 198411 781, pp. 797-798.

85 Message du Conseil fédéral (n. 84) pp. 797-798.

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Contrôle fédéral des finances ou le Bureau d'enquête sur les accidents d'aviation, sont ainsi rattachées administrativement à l'administration alors que la loi leur garantit une indépendance d'action.

En revanche, les autorités qui ont été créées sous la forme d'établisse-ment public l'ont avant tout été pour des motifs économiques; le légis-lateur souhaitant amener l'IFPI et Swissmedic à s'autofinancer". Dans son rapport sur l'externalisation, le Conseil fédéral a d'ailleurs confirmé que l'autonomie juridique n'était pas indispensable pour garantir l'indé-pendance et que le choix de l'entité autonome devait, avant tout, se faire sur des critères rationnels comme la synergie ou la taille critique". La doctrine relève en outre que le choix d'une entité autonome ne garantit pas, à elle seule, une indépendance effective de l'autorité, qui doit être examinée de cas en cas Bi.

En définitive, la forme juridique n'offre que peu d'indication sur l'in-dépendance. C'est bien la loi qui va garantir cette indépendance et la pratique qui doit la confirmer. Une autorité soumise à forte pression risque en effet bien, en cas de doute, d'interpeller, formellement ou in-formellement, l'autorité politique avant de prendre des décisions aux conséquences importantes. A titre d'exemple, l'Autorité fédérale de sur-veillance des marchés financiers (FINMA), qui est un établissement de droit public autonome (art. 4, al. 1 de la loi sur l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers du 22 juin 2007"), dont l'indépen-dance est garantie (art. 21, al. 1 LFINMA), a obtenu «l'autorisation» du Conseil fédéral avant de prendre une décision relative à la transmission de documents aux Etats-Unis en dehors de toute procédure d'entraide administrative:

«Die Vorinstanz [la FINMA] habe aile zustiindigcn Bundesbehiirden seit dem Frühling 2008 regelmiissig über die Bedrohungslage gegenüber

86 La mise en place de telles autorités ne s'est toutefois pas toujours faice sans pro-blème: voir le rapport de la Commission de gestion du Conseil d'Etat du 25 août 2004, «Problème lors de la mise en fonction de SWiSSlrl.edic et évaluation de la situation actuelle II, FF 2005 259.

87 Rapport sur le gouvernement d'entreprise (n. 72) p. 7834.

88 Voir VALÉRIE JUNOD, ( Les conflits d'intérêts dans l'administration, en particulier à l'OFSP et chez Swissmedic If, in: GUILLOD (éd.), Conflits dJintérêts dans le sys-tème de santé, Neuchâtel, 2009, p. 89 ss.

89 LFINMA - RS 956.1.

der Beschwerdegegnerin und indirekt den Rechtssraat Schweiz Înfor-miert. Der Gesetzgeber habe sie im Rahmen von Art. 25 und 26 BankG verpflichtet, zurn GHiubigerschutz bei begründeter Besorgnis ernsthafter Liquiditatsprobleme Schutzmassnahmen anzuordnen, weshalb sie sich für den Edass der angefochtenen Verfügung entschieden habe. lhr Ent-scheid sei yom Bundesrat gutgeheissen worden, denn dieser habe sie mit Beschluss vom 19. Dezember 2008 darum ersucht, die zur Abwendung der drohenden Gefahren notwendigen Schritre zu unternehmen »90.

IV. Conclusion

Il existe de plus en plus d'autorités d'arbitrage - chargées de trancher des conflits entre particuliers en application du droit public - ou d'autorités indépendantes en charge de l'exécution de tâches publiques.

L'indépendance, souvent garantie par le législateur, ne l'est pas toujours en pratique. La majorité des autorités dites d'arbitrage n'est ainsi pas suffisamment indépendante pour se voir reconnaître la qualité d'autorité judiciaire. Il n'en demeure pas moins que leur importance est réeUe et va croissante. Est-ce une véritable volonté d'attribuer des compétences à des autorités indépendantes ou est-ce une manière pour les autorités po-litiques de transférer leur responsabilité à d'autres organes. La réponse à cette question est délicate et doit sans doute être faite tout en nuance.

Nous nous permettons à cet égard de renvoyer le lecteur à la contribu-tion de FRÉDÉRIC VARONE dans cet ouvrage.

90 ATAF du 5 janvier 2010 (B-l092/2009), p. 15.

législateurs cantonaux. Les réflexions menées par certains cantons dans la mouvance du new public management n'ont par ailleurs pas abordé le statut des AAr en tant que tel'.

Ce dernier constat conduit également à reconnaître d'emblée que le phé-nomène des AAr se décline dans les cantons sous des formes très va-riées, créées au fil des décennies sans souci manifeste de cohérence et de systématisation. Le foisonnement de structures chargées de tâches administratives mais soustraites peu ou prou à la subordination hié-rarchique classique de l'administration centrale rend donc plus ardue l'analyse du phénomène des AAr dans les cantons.

Dans ce contexte, le statut des AAr dans les cantons ne constitue pas qu'une matière de réflexion académique. Certains cantons comme Fribourg ont en effet entrepris de rationaliser ces structures en leur at-tribuant un cadre légal commun dans la législation organique'. Genève, dans la perspective de réduire le nombre de ses commissions et délé-gations officielles - environ 350, qni ne constituent certes pas toutes des AAr -, vient de réviser sa loi-cadre ad hoc pour définir des règles communes sur les droits et obligations des membres de ces autorités 6.

Ces efforts sont cependant loin de permettre une approche synthétique et rapide du phénomène des AAr dans les cantons. Il est, par exemple, vain d'espérer trouver dans les cantons des organigrammes qui per-mettent d'identifier les structures administratives susceptibles d'être qualifiées d'AAF. Les développements qui suivent sont dès lors basés

Cf. par exemple, pour Berne, KURT NUSPLIGER/DANIEL KETTIGER, ... Gewalten~

teilung und wirkungsorientierte Verwaltungsführung, Ein Diskussionsbeirrag aus det Petspektive des Kantons Bern », ZBJ 1999 p. 465 ss.

Cf. les art. 40 à 60 de la loi fribourgeoise sur l'organisation du Conseil d'Etat et de

l'administration du 16 ocrobre 2001 (LOCEA/FR - RS/FR 122.0.1). 1i

Loi genevoise sur les commissions officielles du 18 septembre 2009 (LCOflGE-RS/GE A 2 20) et règlement genevois sur les commissions officielles du 10 mars 2010 (RCOI/GE - RS/GE A 2 20.01).

Etant précisé que les lois et règlements d'organisation ne décrivent pas complète~

ment l'organisation effective des administrations cantonales pUÎsqu'ils se limitent soit à décrire les grandes subdivisions et les relations entre unités administratives, soit à dresser un catalogue des unités proches du pouvoir exécutif central. Cf. pour Genève, le règlement genevois sur organisation de l'administration camonale du 7 décembre 2009 (ROAC/GE - RS/GE B 4 05.10), qui mentionne bien quelques organismes {( rattachés administrativement» aux départements, «placés sous la surveillance)) des départements ou encore « gérés administrativement» par des

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