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Figure 113 : Épaisseur de SiN modifiée, gravure plasma incluse, en fonction du temps de plasma H2 pour trois différentes conditions de puissance avec une même énergie des ions de 300 eV. Conditions : H2 200 sccm / 10 mT. Temps du bain de HF 1 % : 10 s.

Au chapitre précédent nous avons montré que l’augmentation du temps de plasma d’hélium permettait d’accroitre l’épaisseur de matériau modifié jusqu’à atteindre une épaisseur limite pour laquelle un régime stationnaire est établi. En plasma de H2, nos premières expériences réalisées pour une énergie des ions d’environ 100 eV par proton semblaient montrer que l’épaisseur de SiN modifié augmentait fortement avec le temps de plasma H2, apparemment sans saturation même pour des temps allant jusqu’à 4 minutes,

0 60 120 180 240 0 2 4 6 8 10 12 14 H2 0Ws 50Wb H2 200Ws 100Wb H2 600Ws 200Wb Ep a isse u r d e Si N mo d ifi é (n m) Temps du plasma H2 (s)

comme illustré par la figure 113. Cet effet, initialement attribué à une augmentation de la dose d’ions et de radicaux nous a posé un problème : comment comparer différentes conditions expérimentales si l’épaisseur gravée dépend à la fois du temps et des conditions plasmas ? Nous avons donc choisi de fixer le temps du plasma à 1 minute, qui est un temps typique des procédés de gravure plasma en microélectronique et les résultats discutés précédemment dans ce chapitre ont été ainsi obtenus.

Figure 114 : Épaisseur de SiN modifiée, gravure plasma exclue, en fonction du temps de plasma H2 pour trois différentes conditions de puissance avec une même énergie des ions de 300 eV. Conditions : H2 200 sccm / 10 mT. Temps du bain de HF 1 % : 10 s.

Cependant, nous nous sommes rendu compte ultérieurement en faisant des analyses fines par ellipsométrie que la vitesse de gravure du SiN en plasma de H2 que nous avions négligée en traçant ces courbes avait en fait un impact significatif sur la forme de ces dernières. En effet, si la vitesse de gravure par le plasma de H2 est vraiment négligeable à 0 Ws et 200 Ws, il existe en revanche une légère gravure en mode ICP à 600 Ws de 0,5 nm.min-1 durant la 1ère minute de plasma puis 0,9 nm.min-1 ensuite. Pour estimer correctement l’épaisseur de SiN éliminée en HF qui correspond à l’épaisseur modifiée, cette gravure due au plasma doit être retranchée.

Ainsi en supprimant cette gravure du plasma sur les courbes de la figure 113, il apparait que l’épaisseur de SiN modifié par le plasma de H2 sature en fonction du temps de plasma (cf. figure 114). Par exemple à 600 Ws, l’épaisseur modifiée maximale atteint une valeur stable de 8,3 nm au bout de 60 s, ce qui témoigne de l’établissement d’un régime stationnaire dans la couche de SiN modifié. Les épaisseurs de SiN modifié à 0 Ws et 200 Ws semblent aussi converger vers cette valeur, mais pour des temps qui seront d’autant plus longs que la dose d’ions est faible. En particulier le temps de plasma requis en mode CCP pour atteindre la même épaisseur de SiN modifié qu’en mode ICP semble très grand (la courbe ne sature toujours pas après 4 minutes de plasma). D’après les flux d’ions mesurés (cf. V.1.1), la dose d’ions du plasma de H2 à 0 Ws / 50 Wb équivalente à 1 minute de plasma H2 à 600 Ws / 200 Wb ne sera atteinte qu’au bout de 8 minutes, ce qui semble cohérent avec une extrapolation de la courbe CCP (noire) vers le régime stationnaire sur la figure 114.

Cette conclusion est très importante à la fois d’un point de vue scientifique et

0 60 120 180 240 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 H2 0Ws 50Wb H2 200Ws 100Wb H2 600Ws 200Wb Ep a isse u r d e Si N mo d ifi é (n m) Temps du plasma H2 (s)

technologique. En effet, elle montre d’abord que, lorsqu’au début de ce chapitre nous avons comparé les épaisseurs modifiées en fonction des conditions plasma en utilisant un temps de traitement fixe nous avons commis une erreur car l’état stationnaire n’était pas atteint pour les conditions à faible flux ionique. De plus et par malchance, il se trouve que le temps de traitement que nous avions arbitrairement fixé à 1 minute (pour être compatible avec les exigences de rendement de l’industrie microélectronique) est le pire possible. En effet il s’avère que ce temps d’1 minute de plasma est un point très particulier où les épaisseurs de SiN modifié coïncident pour une même puissance de polarisation indépendamment de la puissance source ! Cela est illustré sur la figure 115 extraite des dernières expériences réalisées dans le cadre de la thèse d’Odile Mourey. Cette figure montre les variations de l’épaisseur de SiN modifié en fonction du temps de plasma H2 en mode CCP et ICP à puissance de polarisation constante de 50 Wb. En mode ICP, l’épaisseur de SiN modifié maximale est atteinte en 1 minute, tandis qu’en mode CCP cette épaisseur continue d’augmenter avec le temps de plasma, et le régime stationnaire n’est toujours pas atteint au bout de 500 s (soit 8 min 20 s). De plus l’épaisseur modifiée en mode CCP devient nettement supérieure à celle obtenue en mode ICP pour des temps supérieurs à 1 minute, comme nous nous y attendions initialement (et par analogie avec les plasmas d’He) : une plus grande énergie des ions en CCP se traduit bel et bien par une profondeur modifiée plus importante mais il faut un temps de plasma très long pour que le matériau soit effectivement modifié sur cette épaisseur car le flux ionique est faible. En effet le temps de plasma CCP à 50 Wb nécessaire pour atteindre une dose d’ions équivalente au plasma ICP d’1 minute serait ici de l’ordre de 20 minutes (cf. V.1.1 « Mesures de flux d’ions »).

Figure 115 : Épaisseur de SiN modifié mesurée par ellipsométrie, gravure plasma exclue, en fonction du temps de plasma H2 en mode ICP à 1000 Ws et en mode CCP, pour une même puissance de polarisation de 50 Wb. Conditions : H2 200 sccm / 10 mT. Temps du bain de HF 0,1 % : 4 min. En mode ICP au-delà de 120 s de temps de plasma, des problèmes de mesure apparaissent

du fait d’un appauvrissement en N du matériau.

Si nous revenons maintenant sur le temps d’1 minute choisi dans notre protocole expérimental, la figure 115 montre que ce temps aboutit environ à la même épaisseur finale de SiN modifié pour un plasma CCP ou un plasma ICP de puissance 1000 Ws, simplement car l’épaisseur modifiée (i.e. suffisamment pour être gravée en HF) en mode CCP commence

0,00 1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00 7,00 8,00 9,00 10,00 0 60 120 180 240 300 360 420 480 540 Ep aisseu r d e SiN mo d if ié (n m) Temps du plasma de H2(s) CCP ICP

juste à augmenter et se retrouve fortuitement au même niveau que celle de l’ICP (qui est déjà à l’état stationnaire). Le temps de plasma de 60 s choisi initialement s’avère donc être un point particulier pour lequel le régime stationnaire est atteint en mode ICP (600 Ws et 1000 Ws), tandis qu’il ne l’est pas pour les faibles puissances source (0 Ws et 200 Ws). De plus, quelle que soit la puissance de polarisation, la forte énergie des ions aux faibles puissances source compense le faible flux d’ions pour un temps de plasma de 60 s et aboutit à une épaisseur de SiN modifié environ identique à celle obtenue en plasma ICP.

Cela explique le « mystère » que nous avons tenté de comprendre tout au long de ce chapitre. Les caractérisations par STEM, FTIR et SIMS de l’épaisseur de SiN modifié menées dans la partie précédente deviennent cohérentes : les deux plasmas de conditions H2 200 sccm / 10 mT / 300 Wb / 60 s et de puissance source 0 W et 1000 W aboutissent à une épaisseur de SiN modifié identique précisément du fait de ce temps de plasma particulier de 60 s. Un temps de plasma plus long aurait été nécessaire aux faibles puissances source pour mettre en évidence les spécificités de chaque condition de plasma et les conséquences sur la modification du SiN.

Par ailleurs, il s’agit d’une conclusion très importante pour le développement de cette nouvelle technologie de gravure. En effet le temps relativement long nécessaire pour modifier l’ensemble de la couche de SiN en plasma CCP de H2 pose plusieurs problèmes sérieux. Tout d’abord, travailler avec des temps court est impératif dans l’industrie pour des questions de rendement : en mode CCP cela signifie donc travailler en régime non stationnaire de modification de la couche, ce qui sous-entend des procédés peu robustes et peu prédictibles.

Figure 116 : Image SEM d’espaceurs SiN après modification par un plasma CCP H2 200 sccm / 50 Wb / 20 s, suivie du retrait chimique du SiN modifié et des mandrins de Si en plasma de NF3/NH3.

De plus, les plasmas à faible densité électronique utilisés dans ces procédés posent un autre problème : celui de l’homogénéité de la gravure des couches ultraminces. En effet, la faible dose d’ions reçue par la surface lors d’un traitement CCP court induit aussi des effets

stochastiques : la surface n’est pas bombardée de manière uniforme et certaines zones ne sont pas suffisamment modifiées par le plasma pour permettre leur retrait par voie chimique, ce qui se traduit par l’apparition d’une rugosité de surface.

Cet effet bien réel est illustré par la figure 116 qui présente le résultat d’un véritable procédé de gravure du SiN : la gravure des espaceurs dans la technologie de multiple patterning (qui permet d’augmenter la densité des motifs du masque lithographique initial). Dans une des étapes impliquée dans cette technologie très complexe, la structure initiale à graver consiste de mandrins rectangulaires de Si qui sont recouverts d’un film de SiN de 15 nm d’épaisseur. La gravure a pour but de graver sélectivement les parties horizontales du film de SiN pour l’éliminer au fond et au sommet des motifs de Si. Le mandrin en silicium est alors éliminé, laissant uniquement les deux motifs de SiN de largeur 15 nm (qui étaient sur ses flancs) : ils serviront de masque de gravure dans les étapes suivantes. Le procédé de gravure du SiN consiste en un traitement par un plasma CCP de H2, puis un plasma « downstream » de NH3/NF3 à une pression de l’ordre du Torr pour graver chimiquement le SiN modifié. Ces deux étapes sont répétées plusieurs fois jusqu’à atteindre l’épaisseur souhaitée (ici 5 fois). Finalement, le mandrin en silicium est gravé sélectivement par rapport au SiN grâce au même plasma « downstream ».

Cependant, le plasma CCP de H2 de 50 Wb et 20 s utilisé pour traiter le SiN est trop court. Ainsi, il reste des ponts de SiN non gravés entre les structures verticales à la fin du procédé (cf. figure 116). Ces régions correspondent à des zones qui n’ont pas – ou pas assez – été bombardées. En effet, un calcul approximatif indique qu’avec un flux ionique d’environ 0,07 mA.cm-2 (soit 4,4x1014 ions.cm-2.s-1) et une densité de sites atomiques de la surface de 2,1x1015 cm-2 (pour une densité de SiN de 3,1 g.cm-3), chaque atome de la surface subit un impact ionique environ toutes les 5 secondes… Ces impacts n’étant en réalité pas distribués de manière homogène, la gravure devient nécessairement rugueuse pour des temps courts. Notons qu’il est possible que ce phénomène de création de rugosité pour les faibles doses d’ions en mode CCP n’ait pas été vu lors des mesures ellipsométriques du fait que ces dernières sont moyennées sur une section du faisceau laser de quelques mm2.

Cet effet est clairement une limitation de cette technologie. C’est cependant le mode CCP qui est privilégié pour les applications industrielles car lui seul permet d’avoir des ions suffisamment énergétiques pour modifier profondément les matériaux et ainsi de les graver rapidement en une ou deux étapes successives maximum. De ce point de vue, une évolution intéressante de cette nouvelle technologie émergente consisterait à remplacer la source CCP par des sources MERIE (Magnetically Enhanced Reactive Ion Etching) ou CCP à double fréquences qui bénéficient d’un flux d’ion nettement supérieur aux CCP, tout en donnant accès aux hautes énergies.

6 - Conclusion

Tout d’abord, nous avons caractérisé le plasma d’hydrogène employé en mesurant les flux d’ions et leur distribution en énergie pour l’ensemble de nos conditions de plasma. En comparant ces mesures à un modèle analytique des gaines nous avons identifié les ions H3+ comme majoritaires. L’effet des différents paramètres de contrôle du plasma sur la gravure du SiN en bain de HF a été étudié en parallèle. Contrairement au plasma d’hélium où le bombardement ionique seul permet de décrire la modification du matériau, le plasma d’hydrogène induit une modification chimique importante sous l’effet des radicaux H. C’est la synergie entre les ions et les radicaux H qui aboutit à la modification du matériau : le bombardement ionique génère des liaisons pendantes indispensables à la création de liaisons Si-H et N-H par les radicaux, et la vitesse de gravure en bain de HF dépend directement de la concentration en hydrogène du SiN.

Cependant, nous avons observé un phénomène inattendu : pour des traitements plasma de 60 s à puissance de polarisation fixe, la profondeur de SiN modifié est indépendante de la puissance ICP (donc de l’énergie des ions). Pour confirmer cet effet surprenant, les modifications de surface effectuées en mode ICP et CCP ont été analysées finement par différentes techniques incluant FTIR et SIMS. Cela n’a fait que confirmer le fait que pour un plasma de H2 de 60 secondes les modifications de surface sont identiques dans des plasmas CCP et ICP !

En réalité, nous nous sommes rendu compte ultérieurement qu’il s’agit d’un phénomène fortuit, lié au fait que le temps d’établissement d’un régime stationnaire de la couche de SiN modifié dépend de la dose d’ion et peut être bien plus long que nous ne l’avions imaginé. En effet, en mode ICP l’épaisseur retirée en HF sature en 60 secondes alors qu’il faut parfois plus de 20 minutes en mode CCP ! Malheureusement, pour les procédés d’1 minute que nous avons étudiés, il s’avère que l’épaisseur modifiée (saturée) en ICP est toujours quasiment identique à celle obtenue en CCP car cette dernière est très loin d’avoir atteint son épaisseur maximale en 1 minute.

La modification du SiN par le plasma de H2 dépend donc fortement de la dose d’ion et donc du temps de plasma. Du point de vue du procédé il est souhaitable de travailler avec une couche modifiée proche de l’état stationnaire pour deux raisons. D’abord pour la robustesse du procédé. Ensuite car nous avons observé que de trop faibles doses d’ions mènent à la formation d’une rugosité de surface qui témoigne du caractère stochastique du bombardement ionique dans les sources CCP. Une conclusion importante de cette étude est ainsi qu’il serait souhaitable d’utiliser des sources à plasma à forte énergie mais plus fort flux que les CCP pour cette technologie, typiquement des réacteurs à couplage capacitif double fréquence.