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Premières études sur Si en plasma de H2

Le premier matériau dont nous avons étudié la modification en plasma de H2 est le silicium cristallin (c-Si). Plusieurs raisons justifient ce choix en vue de la compréhension du procédé : matériau cristallin parfaitement défini, aux propriétés connues et constitué d’un seul élément. Les échantillons ont été clivés (découpage selon un plan cristallin) à partir de substrats SOI (Silicon On Insulator) réalisés par l’entreprise Soitec située à Bernin (Est de Grenoble). La fabrication de ces substrats utilise la technologie Smart CutTM ; ils comprennent, de haut en bas, les couches suivantes : c-Si 70 nm / SiO2 145 nm / c-Si. Cette couche « enterrée » de SiO2 permet de mesurer précisément les variations d’épaisseur de la couche de c-Si supérieure lors du procédé de gravure. Ces mesures ont été réalisées par microscopie MEB et ellipsométrie.

Figure 38 : Observations en microscopie MEB d’un échantillon de c-Si soumis à un plasma

CCP de H2 de pression 20 mT et de puissance de polarisation : a) 100 Wb, b) 400 Wb. Note :

l’interface c-Si modifié / c-Si est moins marquée aux faibles puissances (100, 200, 300 Wb) qu’aux fortes puissances (400, 500 Wb).

Afin de retirer les espèces éventuellement déposées sur les parois du réacteur lors des procédés de gravure, un nettoyage par plasma de SF6-O2 est systématiquement réalisé après chaque procédé. Au niveau des parois, constituées d’Al2O3, une fine couche d’AlFx se forme à la suite de ces plasmas de nettoyage répétés [Cunge et al. 2005]. Malgré la stabilité de l’AlFx, le plasma de nettoyage de SF6-O2 laisse des quantités non négligeables d’atomes de O et F adsorbés sur les parois. Lors du plasma de H2, nous avons constaté qu’une partie de ces espèces est retirée des parois : il est possible de suivre en OES (Optical Emission Spectroscopy) les intensités de leurs raies d’émission, lesquelles donnent une idée du temps de plasma nécessaire pour désorber la majeure partie des espèces. Finalement, un plasma ICP (Inductively Coupled Plasma) de H2 d’une durée de 5 min a été effectué pour conditionner le réacteur avant le traitement des échantillons de c-Si.

La technologie de gravure que nous étudions dans cette thèse vise à modifier une certaine épaisseur de matériau en plasma de H2 sans la graver, puis à retirer par un bain

chimique ce matériau modifié. Contrairement à ce que suggérait une expérience préliminaire réalisée sur polysilicium, un bain de HF 1 % (solvant : eau dite EDI, pour électrodésionisée) d’une durée d’1 min n’a pas permis de graver la couche de c-Si modifiée. Cette dernière est cependant bien visible en microscopie MEB (cf. figure 38) dans le cas d’un plasma CCP (Capacitively Coupled Plasma). Un bain de BOE (Buffered Oxide Etch) plus agressif de concentration 7:1 et d’une durée de deux minutes n’a pas non plus permis d’obtenir de gravure, quelles que soient les conditions de plasma utilisées, avec ou sans puissance source. Pour rappel, un bain de BOE est un mélange de NH4F 40 %m (10,8 mol.L-1) et HF 49-50 %m (27 mol.L-1) dans un ratio n:1, où n est le nombre de volumes de NH4F pour 1 volume de HF et %m est le pourcentage massique (cf. chapitre II).

La technique a été étudiée dans un second temps sur silicium polycristallin (p-Si). Contrairement au silicium cristallin des substrats SOI reporté par collage, ce silicium est déposé par CVD (Chemical Vapor Deposition). Il présente des zones amorphes et des défauts au niveau des joints de grain qui en font un matériau plus facile à graver qu’un cristal. La taille des grains observés en microscopie TEM sur ces échantillons varie d’une à plusieurs dizaines de nanomètres.

Sur ce matériau, la couche modifiée en plasma de H2 a pu être retirée par bain chimique. Des épaisseurs significatives ont été gravées, allant jusqu’à 12 nm pour un bain de BOE de 2 min après le plasma : H2 200 sccm / 10 mT / 200 Ws / 100 Wb / 1 min. Cependant, aucune corrélation claire n’a pu être établie entre l’épaisseur retirée et les paramètres machine étudiés : puissance source, puissance de polarisation et temps d’exposition au plasma.

Mauvaise reproductibilité des plasmas de H2 en parois propres

L’analyse des échantillons de p-Si exposés au plasma de H2 a mis en évidence une forte non reproductibilité du plasma. Une gravure du p-Si peut avoir lieu [Veprek et al. 2008], provenant de la synergie entre les radicaux H et les ions hydrogène H+, H2+ et H3+ accélérés par la polarisation du substrat. Cependant les mesures ellipsométriques et les images MEB ont montré que ces gravures n’étaient pas reproductibles, variant de plusieurs nanomètres pour deux expériences identiques : mêmes substrats, mêmes échantillons, mêmes plasmas de conditionnement des parois, mêmes plasmas de traitement. Nos doutes se sont donc portés sur l’efficacité du plasma de conditionnement des parois : H2 200 sccm / 10 mT / 1000 Ws / 0 Wb / 5 min.

Un résultat surprenant a notablement confirmé ce mauvais conditionnement des parois. A la suite du plasma de conditionnement (H2 sans polarisation) et du plasma de modification du matériau (H2 avec polarisation), un plasma d’O2 a été réalisé. Les conditions des deux plasmas appliqués successivement au substrat de c-Si sont :

- H2 200 sccm / 10 mT / 200 Ws / 300 Wb / 5 min - O2 100 sccm / 20 mT / 800 Ws / 0 Wb / 30 s

Le long plasma de H2 induit une couche modifiée d’une trentaine de nanomètres (cf. figure 39) et une gravure de 8 nm (épaisseur initiale 70 nm). L’effet attendu du plasma d’O2 était l’oxydation de la couche de silicium hydrogénée : la gravure rapide du SiO2 (6 nm.min-1 en HF 1 %) aurait ainsi permis de retirer sélectivement la couche modifiée

(gravure du Si nulle en HF). Or les observations en microscopie MEB présentées sur la figure 39 montrent qu’en réalité le plasma d’O2 induit une gravure de 11 nm de c-Si!

Afin de valider ce résultat, l’expérience a été reproduite à l’identique : la même gravure de 11 nm a été ré-observée à quelques nanomètres près (incertitude de mesure MEB de 6 nm). De plus, lorsque le temps du plasma d’O2 est doublé (1 min), ce dernier grave la totalité du silicium restant, soit 62 nm. Enfin sur p-Si, ce dernier enchainement de plasmas conduit à une gravure de 20 nm.

Figure 39 : Observation en microscopie MEB d’un échantillon de c-Si avant et après un

plasma d’O2 de 30 s, modifié au préalable en plasma de H2.

Un plasma d’O2 pur réalisé sur un échantillon de silicium hydrogéné ne peut à priori conduire qu’à la formation de SiO2. L’oxygène, plus électronégatif que l’hydrogène, remplace facilement ce dernier dans les liaisons Si-H pour former Si-O. Plus généralement, un plasma ICP d’O2 ne grave en aucun cas le silicium dans des conditions standards comme les nôtres. Il y a donc des espèces parasites gravantes amenées par ces deux plasmas successifs.

Hormis les radicaux H, la seule espèce gravant potentiellement le Si et pouvant être présente dans le réacteur est le F résiduel dû aux plasmas de nettoyage SF6-O2. Bien qu’un plasma ICP de H2 de 5 min ait été effectué pour conditionner les parois, il est raisonnable de penser que le plasma d’O2 amène dans la phase gazeuse des espèces F ou HF provenant des parois.

Si le plasma d’O2, réalisé à la suite du plasma de H2, permet de retirer des parois davantage d’espèces F ou HF adsorbées, alors il parait judicieux d’utiliser en série ces deux plasmas pour conditionner les parois du réacteur. Un protocole de nettoyage alternant des plasmas ICP de H2 et O2 a donc été mis en place. Il consiste à répéter plusieurs fois les deux plasmas successifs :

- H2 200 sccm / 10 mT / 1000 Ws / 1 min - O2 100 sccm / 20 mT / 800 Ws / 1 min

Ce nettoyage H2-O2 a permis d’obtenir des résultats plus reproductibles mais demeure loin d’être une solution satisfaisante. En particulier, le nombre de cycles de nettoyage H2-O2 nécessaires à la désorption du fluor dépend fortement de la durée du plasma de SF6-O2

réalisé précédemment pour nettoyer le réacteur.

Premières conclusions

Lorsque le c-Si a été modifié en plasma de H2, les attaques chimiques en HF et BOE n’ont pas permis son retrait. En revanche sur p-Si, il a été possible de retirer le matériau modifié sur des épaisseurs supérieures à la dizaine de nanomètres dans certaines conditions. Cependant, aucune corrélation n’a pu être établie entre les paramètres machine et les épaisseurs de matériau retirées. Trois facteurs rendent difficile la compréhension du procédé, par ordre d’importance :

- La mesure de l’épaisseur de Si gravé est délicate. D’un côté, l’incertitude des mesures MEB (6 nm) est grande relativement à la précision de gravure requise (< 1 nm) ; de l’autre, les mesures ellipsométriques souffrent de l’absence de modèle de matériau fiable du fait de la modification du silicium par le plasma d’hydrogène.

- La reproductibilité du plasma de H2 est mauvaise en raison du fluor libéré par les parois AlFx.

- Les radicaux H gravent le Si dans certaines conditions mais le fluor parasite empêche d’identifier leur contribution.

Face à ces problématiques, deux orientations différentes ont été prises :

- Un protocole de conditionnement basé sur la formation d’un dépôt SiO2 sur les parois avant le plasma de H2 a été mis en place (cf. III.3 et III.4 ci-après) pour améliorer la reproductibilité du procédé et s’affranchir de la contamination en fluor.

- Le matériau SiN a été préféré au Si pour deux raisons : premièrement, sa gravure en plasma de H2 est négligeable par rapport aux épaisseurs de matériau modifié. Deuxièmement, des études préliminaires de cette technologie de gravure auparavant menées sur SiN au laboratoire ont apporté des résultats très encourageants [Posseme et al. 2014, Blanc 2014].