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Le régime de la responsabilité de l’abordage fortuit ou douteu

CHAPITRE I : REGARDS NOUVEAUX SUR LES PROBLEMES POSES EN MATIERE D’ABORDAGE

B- La responsabilité civile en matière d’abordage

2- Le régime de la responsabilité de l’abordage fortuit ou douteu

127. Le code des transports dispose : « si l’abordage est fortuit, s’il est dû à un cas de force majeure ou s’il y a doute sur les causes de l’accident, les dommages sont supportés par ceux qui les ont éprouvés, sans qu’il y ait à distinguer le cas où ; soit les navires, soit l’un d’eux, auraient été au mouillage au moment de l’abordage ».374 Ces abordages pour lesquels il ne sera pas possible de trouver la faute d’un navire peuvent être classés dans l’abordage non fautif. Le Doyen Chauveau fait donc bien de définir l’abordage fortuit: « comme un abordage dont la

cause est connue sans que pour autant cette cause ait pour origine une faute imputable à aucun des deux navires »375.Ensuite, il y a un second type d’abordage qui est l’abordage douteux. En effet, ce type d’abordage a été diversement défini de sorte qu’il est difficile de s’en tenir à une définition. Toutefois, un auteur a essayé de définir « l’abordage douteux » mais semble t-il en le rapprochant de l’abordage fortuit ou du cas de force majeure.376

Or, il ne faudrait pas, semble t-il entendre un rapport d’égalité entre ces notions mais plutôt une énumération telle que mentionnée par la Convention de 1910377. Ce n’est pas parce que ces trois types d’abordages peuvent être des causes d’exonération qu’on pourrait prétendre à leur identité, encore moins leur similitude. Il serait sans doute bon de rappeler que la position de M. MONTAS a été influencée par la doctrine378, une succession de textes379 mais aussi la jurisprudence380.

128. Rappelons que si la distinction entre ces différents types d’abordages avait un sens sous le régime adopté par le code de commerce, elle est aujourd’hui inutile mais peut être source de difficulté. La voie est ouverte pour des confusions conduisant à des erreurs dans

374 Art 5131-3 al 2 du code des transports 375CHAUVEAU, «

Rétrospectives d’actualité », DMF 1963. 10

376A. MONTAS, op.cit,. Note de bas de page 519 «... Si l’abordage est fortuit, s’il est du à un cas de force majeure

ou s’il y a doute sur les causes de l’accident (on parlera alors d’un abordage « douteux »)

377

Art 2 de la Conv. de 1910 pour l’unification de certaines règles en matière d’abordage « Si l'abordage est fortuit,

s'il est dû à un cas de force majeure, ou s'il y a des doutes sur les causes de l'abordage, les dommages sont supportés par ceux qui les sont éprouvés. ». A notre avis, le législateur de 1910 n’entendait pas établir des rapports d’égalité mais avait plutôt une vision énumérative même si la conjonction de coordination « ou » peut soulever certaines confusions. Il serait souhaitable semble t-il, pour être un peu plus clair d’évoquer ce qui suit : « dans ce dernier cas, on parlera alors d’un abordage douteux »

378 DAHON, Traité de Droit maritime : Abordage, assistance, assurances Recueil Sirey 1929, p.29

379 La loi du 15 juin 1915 a supprimé l’abordage douteux en l’assimilant à l’abordage fortuit : « l’abordage douteux

est celui dont la lumière n’est pas faite sur les causes et les circonstances ». / L’art 2 de la loi de 1967 (L.5131-3 al 2 CDT) tel qu’interprété par Mme JAQUARD semble rencontrer la volonté du législateur de 1967. Lorsqu’elle définit « l’abordage douteux » comme étant celui duquel il y a « une absence de faute ».La faute pouvant être perçue comme l’origine ou encore la cause du dommage. (Thèse précitée, p. 143. note 221).

380

Cass.30 juin 1975, S.1875.1. 457, Rapport MASSE ; Civ, Cass.5 avril 1882, S. 1882. 1. 377. La haute juridiction en adoptant une position exclusive du cas de force majeure semble s’aligner sur la thèse de l’énumération fixée à l’art 2 de la loi de 1910 sur l’unification de certaines règles en matière d’abordage. « L’abordage était considéré

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l’appréciation de la collision notamment en droit de l’abordage. Cette distinction conserve tout de même son intérêt, celui du même mode opératoire à la réparation, peu importe le type d’abordage381. Toutefois, des auteurs tenteraient de faire une distinction quant à l’abordage qui

exonère le transporteur de marchandises et celui qui ne saurait être exonératoire pour ce dernier382. La qualité de la réflexion de nos Maîtres ne fait pas de doute, toutefois, qu’il nous soit permis de dire quelques mots. Il semblerait que la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 n’ait pas visé cette distinction. Il est strictement fait mention des « périls, danger, ou accidents de la mer… »383. De surcroît, l’accident de mer (abordage) tel qu’évoqué pourra même être étendu aux

accidents survenus même dans les fleuves et parfois au cours d’une compétition.

La preuve de l’abordage exigé par la convention de 1910 et reprise par divers textes, visait semble t-il l’établissement de la responsabilité afin d’une réparation du dommage. Or, l’abordage douteux n’admet pas de responsabilité, ce qui revient à dire que le transporteur devra supporter ses dommages sans que la règle de l’exonération ne joue ici. L’abordage douteux recèle l’idée d’un dommage que le propriétaire du navire ou le transporteur a causé respectivement à son navire où à la marchandise qu’il transporte. Partant, la position des professeurs Bonassies et Scapel ne souffre d’aucune ambigüité. Il reste que la Convention soit davantage plus précise à ce niveau. C’est justement ces situations qui imposent que le transporteur souscrive une assurance responsabilité pour faire face à des éventualités de ce genre.

129. Il convient enfin de dire que l’admission de l’abordage douteux et le mode de réparation qui lui est assigné manque d’objectivité de notre point de vue. Si l’abordage est qualifié de douteux, c’est donc en raison de cela que la cause n’a pu être établie. Dans ces conditions, le fait que le législateur admette que les parties ayant éprouvé des dommages les supportent ne nous semble pas raisonnable. La technique de la réparation précédemment admise par le code de commerce de 1807 semble équitable384. C’est d’ailleurs ce qui démontre la nécessité d’un retour à cette technique. En plus, le navire ayant subi des dommages très importants, pour n’avoir pas connu les causes de son dommage, le propriétaire peut se convaincre d’une injustice qu’il subit, sinon une sanction pour un dommage dont il serait ou pourrait être la victime.

381 « Les dommages sont supportés par ceux qui les ont éprouvés » 382MM. P.BONASSIES et Ch. SCAPEL, op.ci

t, p. 332, n°392 “ Cette série de distinctions… garde un sens en

matière de transport de marchandises, où l’abordage fautif est une cause d’exonération du transporteur, non l’abordage douteux”

383 Art 4 2.c) de la Conv de Bruxelles du 25 août 1924 384 La masse des dommages subis par les deux

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Il peut arriver que la cause de l’abordage soit un cas de force majeure ou une cause inconnue. Naturellement, le second doit nous inviter à des réflexions aiguillées par le mécanisme de la réparation qui est en cours. De notre point de vue, il manquerait d’objectivité, c’est d’ailleurs ce qui nous amène à envisager le retour au système classique de réparation qui repose sur le partage de la responsabilité par tête et égale portion entre les deux navires accidentés dont la cause ne peut être établie. Une telle appréhension de la responsabilité civile devrait faire l’unanimité. Si la responsabilité en matière d’abordage peut être établie sur la base d’une faute, d’un cas fortuit, ou encore d’une cause inconnue, indiquons que la responsabilité pénale pour les accidents des navires peut être retenue en cas d’inobservation des règles de prévention des abordages, mais aussi pour une certaine catégorie de dommages.