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Le régime juridique du service public

Dans le document Droit administratif I L action administrative (Page 102-105)

Le service public

C. Le régime juridique du service public

C’est normalement le droit administratif qui s’applique ; ses règles ont été en effet conçues en fonction des nécessités propres à la gestion des activités d’intérêt général.

C’est ici le moment de citer le fameux arrêt Blanco (TC 8 février 1873, GAJA. 1) ; statuant sur une affaire tendant à la mise en cause de la responsabilité de l’État, le Tribunal des conflits s’ex-primait ainsi : « Considérant que la responsabilité qui peut incomber à l’État pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu’il emploie dans le service public, ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le code civil pour les rapports de particulier à particulier.

Que cette responsabilité n’est ni générale, ni absolue, qu’elle a ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l’État avec les droits privés. » Ainsi se trouve affirmé, de façon particulièrement péremptoire, le lien étroit qui existe entre la nature de l’activité et le régime juridique qui lui est applicable, et, par voie de conséquence, la compétence du juge administratif, seul quali-fié pour connaître des litiges qui se rattachent au service public.

Le régime juridique de droit administratif donne à l’autorité publique des prérogatives, et lui impose des sujétions, qui sont justifiées par le souci d’assurer en tout temps la satisfaction de l’intérêt général. La collectivité publique peut utiliser le procédé de la décision exécutoire ; elle fait appel au régime des contrats administratifs, aux règles de la domanialité publique et à celles de la comptabilité publique, etc.

Ce régime juridique est le mode normal de gestion du service public. Ainsi, à la fin de cette période, la notion de service public joue un rôle central dans le système administratif.

En effet, c’est elle qui donne un fondement rationnel au droit administratif, un fondement à l’autonomie du droit adminis-tratif ; et c’est elle qui fournit un critère logique à la compétence du juge administratif. C’est l’époque où le commissaire du gouvernement Romieu pouvait écrire dans ses conclusions pour l’arrêt Terrier (CE 6 février 1903, GAJA. 72) : « Tout ce qui concerne l’organisation et le fonctionnement des services publics proprement dits, généraux ou locaux (…) constitue une opération administrative qui est, par sa nature, du

domaine de la juridiction administrative (…). Toutes les actions entre les personnes publiques et les tiers, ou entre ces personnes publiques elles-mêmes, et fondées sur l’exécution, l’inexécution ou la mauvaise exécution d’un service public sont de la compétence administrative. »

Le Commissaire du gouvernement admettait cependant une exception pour le cas où l’autorité administrative estimerait inutile le recours aux règles du droit administratif ; dans ce cas, elle peut se placer sous l’empire du droit commun et utili-ser ce que l’on appelle un procédé de gestion privée, par opposition à l’usage normal de la gestion publique ; le juge judiciaire sera alors compétent.

Elle peut ainsi faire appel à des personnes privées, collabora-teurs du service public, comme dans l’arrêt Terrier ; elle peut aussi passer certains contrats dans les conditions du droit commun (CE 31 juillet 1912, Société des granits porphyroïdes des Vosges, GAJA. 156) ; elle peut enfin exploiter des activités commerciales en cas de défaillance de l’initiative privée (Société commerciale de l’Ouest africain dit du Bac d’Eloka, précité).

Mais, dans tous ces cas, la gestion privée n’est considérée que comme une exception par rapport au régime juridique normal, le droit administratif, c’est-à-dire la gestion publique.

Ainsi Duguit pouvait affirmer que le service public est « une activité dont l’accomplissement doit être assuré, réglé et contrôlé par les gouvernants parce que l’accomplissement de cette activité est indispensable à la réalisation et au dévelop-pement de l’interdépendance sociale et qu’elle est de telle nature qu’elle ne peut être réalisée complètement que par l’in-tervention de la force gouvernante » (Les transformations du droit public, 1913). Il ajoutait : « La notion de service public devient la notion fondamentale du droit public moderne. »

§ 2 – LES TRANSFORMATIONS DE LA NOTION DE SERVICE PUBLIC ET SA CRISE

C’est dans la mutation profonde que connaît la conception de l’intérêt général, à partir de la période de l’entre-deux-guerres, que se trouve sans doute la cause principale des transforma-tions qui vont affecter la notion de service public ; débordant les frontières de ce qui est indispensable à la collectivité, l’in-térêt général tend à s’identifier à tout ce qui peut lui être utile ; il n’y a plus dans ces conditions d’activité publique par nature ; sous l’influence des événements, crises économiques, ou crises politiques, nationales ou internationales, sous l’influence aussi des idéologies, s’impose désormais le fait que toute activité qui revêt une importance pour la vie de la collectivité, concerne l’intérêt général et peut être érigée en service public si les gouvernants le décident ; c’est d’ailleurs ce qu’écrivait un auteur : « Sont uniquement services publics les besoins d’in-térêt général que les gouvernants d’un pays donné, à une époque donnée, ont décidé de satisfaire par le procédé du service public » (G. Jèze). S’il n’y a plus d’activités publiques par nature, il n’existe plus non plus d’activités réservées par nature à l’initiative privée.

C’est cette conception qui va progressivement s’imposer sous l’influence des circonstances et des idéologies et qui va susci-ter un prodigieux développement de l’insusci-terventionnisme des collectivités publiques. Cette extension de la sphère de l’inté-rêt général va entraîner la désagrégation de la notion de service public qui se manifeste sur trois plans : en effet, les éléments constitutifs de la notion vont se désolidariser du fait d’une triple rupture.

A. La rupture activité d’intérêt général-activité

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