IV. Recherche fondamentale et POAN
1.1 Régénération du muscle strié squelettique
1.1.1 Muscle strié squelettique sain
Le muscle strié squelettique est majoritairement composé de fibres musculaires, de longues cellules
cylindriques contenant des myofibrilles, qui elles-mêmes, renferment des myofilaments. Ce tissu est
responsable de la contraction musculaire qui génère le mouvement (Figure 10).
Figure 10. Structure d’un muscle squelettique.
Le plasmalemme, entouré par la lamina basale, est la membrane plasmique qui délimite chaque fibre
musculaire. Une myofibre contient une multitude de noyaux localisés à la périphérie des myofibres. Le
tubule T ou tubule transversal est une invagination de la membrane plasmique permettant de
conduire le potentiel d’action musculaire jusqu’au cœur de la myofibre. Les filaments des sarcomères
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sont composés de protéines : myosine, actine, troponine et tropomyosine. Figure extraite de l’article
de Relaix and Zammit [177].
Entre la fibre musculaire et la matrice extracellulaire (nommée membrane basale) se retrouvent les
cellules satellites qui sont quiescentes dans un muscle sain et qui sont responsables de la majorité de
la régénération musculaire à la suite d’une blessure [178]. Un autre précurseur cellulaire des fibres
musculaires est la cellule interstitielle et plus particulièrement les progéniteurs fibro-adipogéniques
(FAP). Contrairement aux cellules satellites situées sous la lamina basale des myofibres, les FAP sont
localisés dans l’espace interstitiel entre les fibres musculaires [179]. D’autres types cellulaires se
retrouvent dans l’espace interstitiel du muscle comme les mastocytes, généralement à proximité des
vaisseaux sanguins, certains monocytes sanguins dits patrouilleurs, et les macrophages résidents, au
sein de l’épimysium et du périmysium (Figure 11)[180].
Figure 11. Leucocytes dans le muscle squelettique sain.
Extrait de l’article de Dufresne et coll. [181]
La fonction et la régulation des macrophages résidents dans le tissu musculaire sont mal caractérisées.
Dans le muscle sain, le maintien de la population de macrophages résidents ne dépend pas du
recrutement des monocytes circulants, mais plutôt de leur capacité d’auto-renouvellement [182]. Dans
différents tissus, les macrophages résidents participent à la préservation de l’homéostasie ainsi qu’au
débridement et au remodelage tissulaire [183]. Dans le tissu musculaire, ces cellules agissent comme
des sentinelles. Elles perçoivent les perturbations de l’homéostasie tissulaire et favorisent le
recrutement des leucocytes sanguins [184].
Plusieurs types de lésions peuvent affecter l’intégrité et la fonction musculaires tels que les claquages,
les contusions, les coupures, l’atrophie, les chocs septiques et les pathologies. Suite à une atteinte
musculaire, il existe une première phase de dégénérescence musculaire nécrotique et inflammatoire
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puis une phase de régénération tissulaire.
1.1.2 Dégénérescence musculaire
La dégénérescence musculaire débute dès les premières minutes qui suivent la blessure par la nécrose
des fibres musculaires lésées. Il existe également une réaction inflammatoire qui participe au
nettoyage du tissu endommagé et favorise le retour à l’homéostasie. L’initiation, le développement et
la résolution de l’inflammation nécessitent l’interaction complexe et coordonnée de différentes cellules
inflammatoires [185]. Elles affectent non seulement le comportement des autres types de cellules
immunitaires, mais également le comportement des cellules myogéniques (Figure 12).
Figure 12. Schématisation des mécanismes physiologiques de réparation musculaire après un
traumatisme local.
a) Les cytokines
Le tissu endommagé libère de nombreuses molécules : des débris de matrice extracellulaire mais aussi
des éléments intracellulaires comme l’ADN, des heat shock proteins(HSP, protéines de choc thermique)
et la protéine associée à la chromatine HMGB1 (high-mobility group box 1). Ces molécules, lorsqu’elles
sont libérées et présentes dans le milieu extracellulaire, sont nommées damage-associated molecular
patterns (DAMP, également appelées alarmines). Cette phase nécrotique active la cascade du
complément et induit les réponses inflammatoires [186]. En effet, ces DAMP sont détectées par les
macrophages sentinelles qui réagissent rapidement en stimulant les autres cellules immunitaires et en
démarrant le nettoyage de la zone endommagée.
b) Les cellules
Les neutrophiles sont les premières cellules inflammatoires à infiltrer le muscle lésé et leur nombre ne
cesse d’augmenter jusqu’à 6 heures post-lésion [187]. Ils sont à l’origine de la libération de cytokines
qui vont influencer le déroulement de l’inflammation. La sécrétion de cytokines comme MIP-1α
(macrophage-inflammatory protein 1 α) et MCP-1 (monocyte chemo-attractant protein-1) par les
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neutrophiles favorise ainsi le recrutement des monocytes sanguins [188].
L’infiltration musculaire des neutrophiles est suivie par l’invasion séquentielle de deux
sous-populations distinctes de macrophages qui deviennent à leur tour les cellules prédominantes du
muscle endommagé [189]. Les premiers macrophages qui infiltrent le muscle dans les 24 à 48 heures
suivant la lésion, expriment à leur surface le marqueur CD68 (cluster of différentiation 68) mais pas la
protéine CD163 (CD163-). Ces macrophages CD68+/CD163- sont considérés comme
pro-inflammatoires et sécrètent des cytokines telles que TNFα, le macrophage-inflammatory protein 2
(MIP-2), le cytokine-induced neutrophil chemoattractant (CINC) et l’IL-1 (interleukine 1)
[180,185,190]. Ils nettoient également la zone nécrotique en phagocytant les débris cellulaires. Ces
macrophages favorisent aussi le recrutement leucocytaire. Enfin, ils affectent les cellules myogéniques
en favorisant la prolifération des myoblastes et en réprimant leur différenciation, de par
l’environnement pro-inflammatoire qu’ils induisent [191]. La seconde population de macrophages
exprime CD163 mais pas CD68 (CD68-/CD163+). Ils envahissent le muscle avec un pic de
concentration à 2 et 4 jours post-blessure et restent dans le muscle endommagé jusqu’à la fin de
l’inflammation. Ces macrophages CD68-/CD163+ ont un rôle anti-inflammatoire en sécrétant des
facteurs comme l’IL-10 et le TGF-β (tumor growth factor-beta) [188]. Leur rôle est de faciliter la
prolifération et la différenciation des cellules satellites nécessaire au processus de régénération
tissulaire [192,193]. Les deux phases pro- et anti-inflammatoires peuvent se chevaucher et les deux
sous-populations de macrophages se retrouvent alors, au sein de la même lésion musculaire, au même
moment [194].
Récemment, un effet favorable sur la régénération musculaire d’un autre type de granulocytes, les
éosinophiles, a été montré via leur capacité à produire de l’IL-4 [195]. La sécrétion importante de cette
cytokine anti-inflammatoire influence le destin cellulaire des FAP. L’IL-4 libérée par les éosinophiles
favorise donc la prolifération des FAP, inhibe leur différenciation en adipocytes et augmente leur
capacité de phagocytose des débris tissulaires permettant une meilleure régénération musculaire
[195].
Les mastocytes sont particulièrement importants dans les premiers instants de la réaction
inflammatoire. Ils sont capables de sécréter des facteurs préformés et accumulés dans leurs granules
comme le TNF-α, l’histamine et la tryptase. Les mastocytes peuvent également synthétiser de novo une
panoplie d’autres cytokines comme l’interleukine-6 (IL-6), l’IL-1β, etc. [196]. En plus de leur rôle
important dans le recrutement des leucocytes sanguins, ces différentes cytokines peuvent favoriser
l’activation et la prolifération des myoblastes [180,197].
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bien coordonner l’activité des cellules myogéniques et permettre une régénération musculaire
optimale.
1.1.3 Régénération musculaire (Figure 13)
Suite à la dégénérescence musculaire, le processus de régénération prend place dès la première
semaine après la lésion avec un pic d’activité au bout de la deuxième semaine. Une caractéristique de
cette phase est la prolifération cellulaire.
À la suite d’un dommage du tissu musculaire, s’enclenche un processus myogénique permettant la
régénération du tissu lésé qui dépend majoritairement de l’activité des cellules satellites [178]. Ces
cellules s’activent en réponse au traumatisme et prolifèrent rapidement générant un grand nombre de
cellules myogéniques, les myoblastes, qui se différencient en myocytes qui fusionnent pour former les
myotubes (fibres musculaires immatures) [178]. En plus des cellules satellites, dans le muscle
squelettique adulte, résident de nombreuses populations cellulaires jouant un rôle dans le processus
de régénération. Notamment, des cellules interstitielles associées ou non aux vaisseaux présentent peu
ou pas d’activité mitotique au repos, mais sont capables de proliférer et de se disperser dans le tissu
musculaire en réponse à une blessure mais aussi en conditions pathologiques (Duschenne et très
probablement POAN) [180,198,199].
Figure 13. Coupes histologiques de la régénération musculaire de muscle strié squelettique de
souris endommagé par de la cardiotoxine.
(A) Changement histologique de la régénération musculaire au cours du temps. Coloration à
l'hématoxyline et à l'éosine d’un muscle strié squelettique endommagé et régénération tissulaire à 5,
10 et 30 jours après injection intramusculaire de cardiotoxine. Au 5
èmejour, la régénération du muscle
est essentiellement réduite à la présence de cellules mononucléaires, alors qu’à 10 jours, on assiste à
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un rétablissement des myofibres multinuclées. On peut noter que les noyaux cellulaires des cellules
endommagées sont localisés à la périphérie alors qu’ils se trouvent au centre des cellules dans le
muscle régénéré. Echelle, 50 μm. (B) Vue longitudinale de l’ensemble du tissu musculaire endommagé
(gauche) et en cours de régénération (droite). Immunomarquage de la matrice extracellulaire via la
protéine Laminin (vert) qui marque la membrane basale entourant les myofibres et les capillaires.
Dans les conditions de régénération tissulaire, la prolifération des cellules satellites peut être observée
par l’augmentation du nombre de cellules exprimant Pax7 (rouge). DAPI marque le noyau cellulaire
(bleu) et révèle accessoirement des cellules satellites dans leur niche. Echelle, 50 μm. Figure extraite
de l’article de Bentzinger et coll. [180]
1.1.4 Phase de remodelage
La phase de remodelage des fibres musculaires commence pendant la deuxième semaine qui suit la
blessure. Une fois la fusion des cellules myogéniques complète, la taille des myofibres nouvellement
formées augmente et les noyaux centraux migrent à la périphérie des fibres. Au final, le tissu
musculaire régénéré est identique à celui du muscle non blessé d’un point de vue morphologique mais
aussi fonctionnel.
Dans le document
Inflammation et paraostéoarthropathies neurogènes
(Page 52-57)