IV. Recherche fondamentale et POAN
2.7 Cellules musculaires progénitrices
L’origine cellulaire des POAN est encore mal connue. Comme l’écrivent Lees-Shepard et coll. dans leur
article, il est raisonnable de penser que seul un faible nombre de types cellulaires adultes ait le pouvoir
de se différentier en cellules osseuses [279]. Les cellules progénitrices conduisant à la formation de
POA peuvent avoir deux origines. Elles peuvent être présentent localement dans le muscle et son tissu
conjonctif, ou bien, provenir de la circulation sanguine.
Genêt et coll. avaient montré le potentiel ostéogénique de plusieurs types cellulaires provenant du
muscle de souris naïves après 3 semaines de mise en culture dans un milieu ostéogénique : cellules
satellites (Sca1-CD34+), interstitielles (Sca1+CD34+) et souches progénitrices (Sca1-CD34-) ; et de la
moelle osseuse : cellules souches mésenchymateuses (CD31-Sca1+ et Sca1-CD34-) [221]. Des résultats
similaires étaient trouvés lors de la mise en culture de cellules musculaires prélevées autour de POAN
excisées au bloc opératoire [221]. Ces résultats suggéraient que les POAN pouvaient provenir de la
différenciation de cellules présentes dans le muscle.
Cependant, il peut exister une différence de résultats entre études réalisées in vivo et in vitro illustrant
la nécessité d’interpréter les résultats issus des systèmes de cultures cellulaires avec précautions car
ils sont réalisées dans des environnements encourageant l’ostéogénèse et peuvent conduire à des
résultats différents in vivo [279].
L’étude de la provenance des cellules pouvant être impliquées dans le développement de POA a été
facilitée ces dernières années par le marquage cellulaire (Cre/LoxP) et les techniques de
transplantation cellulaires permettant de suivre leur mouvement et de confirmer ou non leur potentiel
ostéogénique.
Nous avons vu précédemment (1.1.3. Régénération musculaire) que les cellules satellites du muscle
sont la principale source permettant la réparation du tissu musculaire en condition physiologique
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[178]. Elles s’activent en réponse à un traumatisme musculaire et prolifèrent rapidement générant un
grand nombre de myoblastes qui se différencient ensuite en myocytes, puis fusionnent pour former les
myotubes [178]. Bien que ces cellules soient essentiellement destinées à assurer la régénération
musculaire, elles ont rapidement été identifiées comme étant de bon candidats à la formation de POA
car elles sont uniquement trouvées dans le muscle et présentent un potentiel ostéogénique
lorsqu’elles sont mises en cultures avec du BMP [280]. Toutefois, les études utilisant le marquage
cellulaire et la technique de transplantation montrent clairement que les cellules satellites ne
contribuent pas à la survenue de POA in vivo que ce soit dans les formes génétiques d’ossifications
hétérotopiques ou les POA acquises [281–283].
En plus des cellules satellites, dans le muscle squelettique adulte, résident d’autres types cellulaires
pouvant jouer un rôle dans le processus de régénération musculaire et possédant un potentiel de
différenciation ostéogénique.
Les cellules souches mésenchymateuses (CSM) présentes dans la moelle osseuse ont plusieurs fois
montré leur capacité à l’élaboration d’une ossification endochondrale in vitro, lorsqu’elles sont mises
en culture dans des conditions favorisantes (hypoxie et/ou présence de TDF-β) [284,285]. Dans
certains cas, l’implantation in vivo de CSM suivant une période de différentiation cellulaire in vitro,
conduisait à la formation d’os endochondral contenant une moelle osseuse dans une cavité centrale
[286]. Parce qu’elles proviennent de le moelle osseuse, les CSM sont toujours considérées comme la
source principale de toutes les cellules ostéoprogénitrices que l’on peut trouver dans le corps humain
et les études de traçabilité de cette lignée cellulaire indiquent la migration et l’installation
intramusculaire des CSM par voie intraveineuse [287]. Cependant, la migration de ces cellules vers le
muscle après lésion tissulaire est controversée, remettant ainsi en question leur contribution dans le
développement de POAN [288]. Dans une revue de la littérature, Lees-Shepard et coll. suggéraient que
l’os ectopique était initié localement par des progéniteurs résidents musculaires, comme les cellules
progénitrices mésenchymateuses (CPM), et que les CSM participaient plus tardivement à la croissance
et au remodelage osseux [279].
Les CPM sont multipotentes et capables de se différencier en cellules osseuses mais aussi en
chondrocytes ou encore, en adipocytes [289].
Une étude clinique a consisté à isoler des CPM de patients polytraumatisés de guerre avec POA versus
sans POA [290]. Les auteurs mettaient en évidence un taux plus important de CPM engagées dans la
voie d’ostéogénèse dans le muscle des patients polytraumatisés avec POA que dans le groupe de
patients sans POA [290]. Par la suite, Jackson et coll. montraient que les CPM présentaient un profil
ostéogénique comparable aux CSM issues de la moelle osseuse qui avaient été exposées à un milieu
favorisant l’ostéogénèse in vitro [291]. Il semblerait qu’un seuil soit à atteindre pour que les CPM aient
le pouvoir de se différencier en cellules osseuses. Ce niveau seuil serait dépendant de plusieurs
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facteurs associés à la lésion tissulaire comme le niveau de la réponse immunitaire générée, le degré de
lésion vasculaire associée et/ou l’hypoxie tissulaire induite [289].
Les cellules interstitielles, aussi appelée progéniteurs fibro-adipogeniques (FAP) ont récemment été
décrites comme une population PDGFRα+SCA1+ de cellules multipotentes résidant dans l’interstitium
du muscle strié squelettique mais ne sont pas exclusives de ce tissu [179,282,292]. Ces cellules sont
toujours trouvées proches des vaisseaux mais sont différentes des péricytes. Bien que les FAP
résidents musculaires supportent la régénération musculaire en condition physiologique, il n’ont pas
la capacité de contribuer directement à la formation de myofibrilles [292]. L’apparent manque de
capacité myogénique associé avec leurs marqueurs de membranes spécifiques, différencient les FAP
des autres types de cellules progénitrices résidentes musculaires [179,279]. C’est une population
dense au sein du muscle qui joue un rôle clé dans l’homéostasie du tissu, tant dans son fonctionnement
normal qu’à l’issue d’une lésion [293,294]. Dans les suites d’un traumatisme, les FAP prolifèrent
rapidement. Dans les cas où les FAP ne parviennent pas à revenir à leur niveau pré-traumatique,
s’accumule de façon pathologique un tissu graisseux et fibrotique, qui altère l’architecture et la
fonction musculaire [179,292,295]. Alors qu’ils ont été nommés initialement d’après leur potentiel
fibrogénique et adipogénique, les FAP possèdent aussi un pouvoir ostéogénique après stimulation par
un milieu permissif en culture [179,282,292]. Wosczyna et coll. ont montré que les FAP contribuent de
façon majeure à la formation d’OH induit par l’administration de BMP-2 in vivo [282].
Le rôle des FAP n’a pas été étudié directement dans les POAN, cependant ces cellules pourraient être
incriminées dans leur développement. En effet, cette population cellulaire est directement affectée par
la BM (prolifération, fibrose et activation de STAT3-IL-6, voie inflammatoire) [296]. De plus, les FAP
sont impliqués dans l’ossification des FOP, à l’inverse il existe des arguments contre l’implication
d’autres cellules et notamment, les cellules satellites [279,295]. L’implication de ce type cellulaire dans
l’initiation des OHN fait actuellement l’objet de recherche au sein de notre équipe (Pr Banzet, D. Girard,
M.C. Le Bousse Kerdiles, Pr Levesque, K.A Alexender, H.W. Tseng, résultats non publiés).
D’autres types cellulaires comme les cellules endothéliales, les péricytes ainsi que les progéniteurs
tendineux et ligamentaires ont été évoqués comme étant des précurseurs à l’apparition d’ossifications
hétérotopiques [279]. L’implication des cellules endothéliales et des progéniteurs tendineux et
ligamentaires dans l’initiation des POA est très controversée. Les études ne permettent pas,
aujourd’hui, de conclure à leur participation dans le développement de POA [279].
Les péricytes apparaissent comme de bons candidats à la différenciation ostéoblastique conduisant
aux POA car ils ont le pouvoir de se différentier en plusieurs types de cellules mésenchymateuses
pendant les processus de réparation tissulaires ainsi que dans certaines pathologies [297]. En
revanche, leurs marqueurs cellulaires spécifiques sont encore mal identifiés ce qui ne permet pas à
l’heure actuelle de les incriminer formellement dans la formation de POA, notamment par la technique
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de marquage cellulaire dans les modèles murins développant des OH [279].
Dans le document
Inflammation et paraostéoarthropathies neurogènes
(Page 86-89)