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A l’échelle animale : modèle murin induisant des OHN

IV. Recherche fondamentale et POAN

2.2 Atteinte musculaire

2.2.2 A l’échelle animale : modèle murin induisant des OHN

Des études récentes évoquent le fait que les cellules progénitrices à l’origine des POAN ne sont pas

spécifiques du tissu musculaire et peuvent être présentes dans d’autres tissus tels que le tissu adipeux

ou encore le tissu conjonctif des tendons. Nous développerons cette section plus bas dans la partie sur

les cellules progénitrices.

2.2.2 A l’échelle animale : modèle murin induisant des OHN

Au fil des années, nous avons pu voir apparaitre les limites liées aux études cliniques portant sur les

POAN. La méthodologie rétrospective amène à certains biais comme l’hétérogénéité des données et

l’émergence de facteurs confondants. Il est donc apparu indispensable de créer un modèle animal

développant des OH afin de se rapprocher au plus près de la pathologie humaine et ainsi d’étudier plus

finement les mécanismes conduisant à cette complication. Nous parlerons d’OH dans les modèles

animaux car, comme nous le verrons, la localisation des ossifications n’est pas péri-articulaire. Dans le

cas d’OH neurogènes, nous les appellerons OHN.

Il existe actuellement 3 modèles murins développant des OHN mais tous ont utilisé un procédé

différent.

- Kang et coll. ont élaboré en 2014, le tout premier modèle de souris développant des OHN [218].

Après laminectomie, une contusion médullaire était réalisée en T10 par le lâcher d’un poids de 35 g

d’une hauteur de 50 mm [219] occasionnant une lésion médullaire de 1,8 mm de profondeur. Cette

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lésion était responsable d’une paraplégie complète des souris. Du BMP-2 était injecté en

intramusculaire dans le quadriceps des souris aux doses de 0,25 et 0,50 μg. Le BMP-2 était préparé à

partir de BMP-2 humaine recombinante mélangée avec 10 μL d’un complexe d’héparine-chitosan

ionique. Ce procédé avait déjà permis d’induire des OHN chez des rats sans lésion neurologique [220].

L’injection intramusculaire se faisait directement après la contusion médullaire et avant que les souris

ne se réveillent de l’anesthésie.

L’ensemble des souris avec contusion médullaire ayant reçu 0,25 μg et 0,50 μg présentaient des OHN

dans la patte injectée de BMP-2.

Ce modèle comporte 2 limites. La première est le choix de la lésion médullaire par contusion qui peut

se révéler partielle et donner lieu à une récupération motrice des pattes arrières. Le modèle ne permet

pas de reproduire la lésion de façon consistante et risque d’aboutir à des résultats hétérogènes et

difficiles à interpréter. La seconde est l’injection intramusculaire de BMP-2. Nous avons vu plus haut

que les protéines de la famille des BMP sont de puissants inducteurs de l’ostéogénèse. Dans l’étude de

Engstran et coll., dont s’est inspiré l’auteur, l’injection de BMP-2 permettait à elle seule le

développement de POA. De même, Kang et coll. observaient des OH chez les souris SHAM pour la

contusion médullaire qui recevaient une concentration élevée de BMP-2 (0,50 μg) montrant ainsi un

effet seuil à partir duquel la lésion médullaire n’est plus indispensable à la formation de OH. L’injection

de BMP-2 ne permettait donc pas d’induire une lésion musculaire mais plutôt d’augmenter

artificiellement le taux intramusculaire du BMP-2 permettant ainsi de déclencher les processus

d’ossification, ce qui l’éloigne de la pathologie humaine.

- Un an plus tard, Genêt et coll. ont imaginé un autre modèle de souris développant des OHN [221]. Une

section complète médullaire au bistouri en T11-T12 a été préférée à la contusion par lâcher de poids

de façon à n’obtenir que des lésions totales de la moelle épinière. L’atteinte musculaire était

provoquée par l’injection transcutanée d’une myotoxine protéique appelée cardiotoxine (CDTX) dans

les muscles ischio-jambiers. Ce composé est purifiée à partir du venin du naja africain Naja Pallida et

entraîne une lyse cellulaire des myocytes, des cellules de soutien et dans une moindre mesure,

endommage les cellules de la paroi vasculaire et des nerfs périphériques cheminant au sein du muscle

injecté [222]. L’injection intramusculaire avait lieu en fin de procédure chirurgicale et avant que les

souris ne se réveillent de l’anesthésie.

Dans ce modèle, les souris développaient des OHN seulement si l’on associait une section chirurgicale

complète de la moelle épinière entre T11-T12 et une injection intramusculaire (IM) dans les muscles

ischio-jambiers (CDTX) (Figure 1) [221]. Les OHN se développaient à partir du 3

ème

jour

post-opératoire chez la souris et leur volume était quantifié par mesure scannographique entre 3 et 21

jours après la chirurgie (Figure 21 et 22).

La méthodologie pour ce modèle est plus largement détaillée dans le Chapitre 1.

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Figure 21. Modèle murin développant des OHN.

Acquisition scannographique montrant des OHN dès 3 jours après section médullaire chirurgicale en

T11-T12 et injection de CDTX dans les muscles ischio-jambiers de la patte arrière droite et PBS dans

les muscles ischio-jambiers de la patte arrière gauche (contrôle).

Figure 22. Cinétique d’évolution des OHN au cours du temps.

(A)Illustration de OHN de la patte arrière droite sur acquisition scannographique, à différents temps

de la lésion médullaire et injection intramusculaire de CDTX. (B) Quantification du volume des OHN en

fonction du temps après lésion médullaire et injection de CDTX. Chaque symbole représente une

souris. Les barres représentent la moyenne ± écart type pour chaque groupe.

Le fait que cette injection soit réalisée au travers de la peau et non pas à ciel ouvert, ne permet pas

d’affirmer avec certitude que le produit est bien administré en intramusculaire. Ce geste est réalisé par

une équipe entrainée mais la précision de l’injection peut expliquer, en partie, la variation de volumes

des OHN observées. L’utilisation de la CDTX dans ce modèle est novatrice en permettant de créer une

véritable nécrose cellulaire au sein du muscle et permet de s’affranchir de l’utilisation des BMP. Même

si ce modèle semble se rapprocher de la pathologie humaine, les NHO ne sont pas localisés autour de

l’articulation de la hanche mais sont présents au sein des muscles ischio-jambiers (Figure 22).

- En 2017, Shi et coll. ont préféré développer un modèle utilisant le rat [223]. Les auteurs réalisaient

un traumatisme crânien par l’impaction d’un poids de 20 grammes, lâcher d’une hauteur de 35

centimètres sur le lobe pariétal droit après avoir préalablement retiré une partie de la boite crânienne.

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La lésion musculaire était remplacée par une section du tendon d’Achille de la patte arrière droite,

réalisée à ciel ouvert par 8 clampages successifs aux forceps, permettant une section complète du

tendon. Les rats combinant lésion cérébrale et section du tendon d’Achille présentaient 100% de OHN

aux contrôles radiologiques à 5 et 10 jours de la chirurgie ; alors que le groupe contrôle, n’ayant reçu

que la lésion cérébrale et une simple incision en regard du tendon d’Achille (sans section tendineuse) a

développé des OHN pour 40% des rats à J+5 et 60% des cas à J+10 après la chirurgie.

On peut penser que la lésion cérébrale induite, bien que reproductible anatomiquement, peut être à

l’origine de symptômes plus ou moins sévères et variables d’un animal à l’autre. En effet, comme chez

l’humain, les hémisphères cérébraux ont une activité asymétrique et complémentaire et ne sont pas

toujours identiques selon les animaux. De plus, la contusion cérébrale induite par le lâché de poids

peut entrainer des lésions plus larges et invasives par une brèche vasculaire, par exemple, qui peut

entrainer un saignement intracrânien et aggraver les lésions initiales. L’œdème cérébral créé par

l’impaction du poids sur le cerveau peut, également, être différent selon les rats. La lésion cérébrale

par contusion parait plus difficilement reproductible d’un animal à l’autre par comparaison avec la

lésion médullaire complète par section chirurgicale. Comme pour les modèles précédents, la section du

tendon d’Achille induite par clampages successif est peu probable en pathologie humaine.

Nous retiendrons de ces modèles qu’une lésion neurologique seule, sans dommage musculaire, ne

suffit pas à induire de OHN. Bien qu’une lésion tissulaire (muscle et/ou tendon) soit indispensable à la

constitution de OH et plus largement de OHN, les processus inducteurs de telles lésions restent

artificiels chez l’animal et ne permettent pas de reproduire la localisation péri-articulaire, si

caractéristique des OHN.

Plusieurs hypothèses restent encore à tester pour tenter d’expliquer l’origine et le type de lésion

nécessaire à l’apparition de OHN.

2.2.3 A l’échelle cellulaire, quels sont les mécanismes en cause dans la/les lésion(s) musculaire(s) ?