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A l’échelle cellulaire, quels sont les mécanismes en cause dans la/les lésion(s)

IV. Recherche fondamentale et POAN

2.2 Atteinte musculaire

2.2.3 A l’échelle cellulaire, quels sont les mécanismes en cause dans la/les lésion(s)

L’équipe du Pr JP Levesque (Brisbane, Australie) ont testé, à partir du modèle murin développant des

OHN de Genêt et coll, des mécanismes autres que la cardiotoxine pour induire une lésion

musculaire[221,224]. Les souris ont toutes eu une section médullaire complète chirurgicale entre T11

et T12. La méthodologie pour ce modèle est plus largement détaillée dans le Chapitre 1.

Une première expérience a consisté à injecter dans les muscles ischio-jambiers de la patte arrière

droite, des lipopolysaccharides (LPS) à une concentration de 2,5mg/kg provenant d’Escherichia coli

0111:B4. Ce produit issu de la membrane bactérienne d’Escherichia coli, est un puissant inducteur de

l’inflammation. Comme nous l’avons évoqué plus haut, l’inflammation semble être particulièrement

présente chez les patients développant des POA et POAN. L’hypothèse ici, était donc de déclencher le

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processus conduisant à la formation de OHN en augmentant l’inflammation locale au sein du muscle,

immédiatement après une lésion du SCN. La patte arrière gauche servait de contrôle et était injectée

de Phosphate-Buffered Saline (PBS). A 10 jours de la chirurgie, l’évaluation radiologique ne visualisait

aucune OHN que ce soit dans la patte injectée de LPS ou dans la patte ayant reçu du PBS.

Dans une seconde expérience, l’injection intramusculaire était remplacée par un écrasement des

muscles ischio-jambiers qui se rapproche d’avantage d’un polytraumatisme que pourrait causer un

accident chez l’être humain. Un poids de 132 kg était lâché sur les muscles ischio-jambiers mis à nus,

d’une hauteur de 15 cm pour un groupe de souris (Impact 1) (énergie de l’impact : 0,19 Joules) et 25

cm (Impact 2) (énergie de l’impact : 0.32 Joules) pour un autre groupe. Une fois de plus, aucune OHN

n’a été détectée lors de l’acquisition scannographique à 10 jours de la chirurgie.

Devant l’absence d’OHN visibles avec les 2 mécanismes précédents, une troisième expérience a

additionné l’injection de LPS et l’écrasement musculaire afin de se rapprocher un peu plus de la

pathologie clinique combinant régulièrement atteinte du SNC, traumatisme périphérique et infection

systémique. Une injection de LPS 2,5mg/kg était réalisée dans les muscles ischio-jambiers,

immédiatement après l’écrasement musculaire à 15 cm (Impact 1) et 25 cm de hauteur (Impact 2).

L’association de ces 2 mécanismes permettaient de former des OHN ce qui n’était pas le cas dans les

groupes avec écrasement musculaire seul ou avec injection de LPS isolée (Figure 22). De plus, les OHN

étaient plus volumineux lorsque l’écrasement musculaire avait lieu d’une hauteur de 25 cm plutôt

qu’une hauteur de 15 cm, tout en étant couplé à une injection intramusculaire de LPS 2,5mg/kg

(Figure 23). On peut observer que le volume des OHN reste faible comparativement aux volumes

obtenus après injection de CDTX seule (Figure 22).

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Figure 23. Volumes des OHN à 10 jours Impact 1 et Impact 2 +/- injection de LPS.

(A) Images de scanners réalisés 10 jours après lésion médullaire et écrasement musculaire d’une

hauteur de 15 cm (Impact 1) ou 25 cm (Impact 2) +/- injection intramusculaire de LPS ; (B) Volumes

des OHN à 10 jours de la chirurgie, p<0.05*. Chaque symbole représente une souris. Les barres

représentent la moyenne ± écart type pour chaque groupe.

Au terme de ces observations, il semble que la nécrose cellulaire, induite par la CDTX dans le modèle

de Genêt et coll., soit indispensable à la formation de OHN, dans un contexte de lésion médullaire.

Cependant, en pratique clinique, les patients ne reçoivent pas d’injection intramusculaire de CDTX

pendant leur accident. De même, tous les patients ne sont pas victime d’un polytraumatisme avec

fracture, luxation ou hématomes, c’est le cas des patients victime d’un AVC, par exemple. Nous avons

alors pensé à d’autres hypothèses pouvant occasionner une nécrose musculaire : contexte septique

(sepsis et choc septique) et immobilité musculaire.

b) Autres hypothèses non testées

- Nous avons vu dans la première partie de cette thèse que les patients à risque de développer des

POAN et POA sont sujets aux hospitalisations en réanimation et aux infections bactériennes (urinaires

et pulmonaires). La présence d’un sepsis ou bien d’un choc septique sont tous deux des motifs

d’hospitalisation ou de maintien en réanimation et présentent comme point commun, une infection

initiale, le plus souvent bactérienne. Depuis 2016, le sepsis est défini comme une dysfonction d’organe

menaçant le pronostic vital et causé par une réponse inappropriée de l’hôte à une infection [225]. Le

choc septique correspond à un sous-groupe du sepsis et caractérisé par la présence d’anomalies

importantes circulatoires et métaboliques [226]. La mortalité hospitalière du sepsis est estimée à 10%,

alors que celle du choc septique est d’environ 40% [225,226]. Les patients survivant à ces épisodes de

sepsis et choc septique présentent une perte musculaire généralisée. A la phase précoce d’un sepsis, le

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catabolisme musculaire peut être bénéfique car il procure de la glutamine au système immunitaire,

entretient la glycogénèse et la synthèse des protéines dans le foie par la libération d’acides aminés

[227,228]. Cependant, lorsque le sepsis s’installe dans le temps, l’activité catabolique persiste

entrainant une dégradation musculaire [229] avec perte de protéines des cellules différenciées

(myofibrilles) mais aussi indifférenciées (cellules progénitrices musculaires, notamment cellules

satellites) [230,231]. Il en découle une atrophie et une faiblesse musculaire qui peuvent avoir des

conséquences clinique persistant jusqu’à 5 ans après le sepsis initial [232,233].

Les infections et hospitalisations en réanimation ont largement été rapportées comme étant corrélées

à la survenue de POA et POAN par les études cliniques (cf partie I). Même si les sepsis et chocs

septiques n’ont pas été directement décrits comme des facteurs de risque des POAN, ils pourraient

expliquer en partie, la dégradation musculaire responsable du développement ultérieur de POAN. Il

serait donc intéressant de tester cette hypothèse par l’induction d’un sepsis chez des souris avec lésion

médullaire, mais sans injection de CDTX, pour voir si l’inflammation et la nécrose induites par un tel

sepsis sont suffisantes à l’apparition de POAN.

- Une lésion des tissus musculaires et conjonctifs péri-articulaires pourrait également être provoquée

par la remobilisation des tissus suivant une période d’immobilité, chez les patients admis pour soins

aigus. Ce point a été évoqué dans le paragraphe concernant la mobilisation articulaire en prophylaxie

primaire de l’apparition de POAN (voir section II). Il est commun à l’ensemble des patients

développant des POA et POAN. En effet, que ce soit suite à une atteinte aiguë du SNC, une admission en

réanimation, une amputation traumatique ou encore une brûlure grave, les patients sont

généralement au repos strict, installés dans un lit en décubitus dorsal. Ils restent, sauf exception, dans

cette position jusqu’à ce que l’amélioration clinique permette d’initier une mobilisation passive des

amplitudes articulaires par le kinésithérapeute. Le terme immobilité a, d’ailleurs, été préféré à celui

d’immobilisation car les patients, en dehors de fractures, ne nécessitent pas d’être contraints à

l’immobilisation, il s’agit plutôt d’une conséquence. De plus, on distingue immobilité et paralysie.

Comme nous le verrons plus bas, certains patients développent des POAN en zone non déficitaire,

faisant penser qu’il existe des facteurs systémiques expliquant de telles localisations.

Michelsson est le premier à s’être intéressé à ce phénomène. Il a utilisé un modèle non neurologique

de lapin développant des OH au niveau de la patte arrière, ayant bénéficié d’une prise en charge

alternant immobilisation sous plâtre et mobilisation articulaire intense (300 mouvements/jour). Ses

travaux concluaient que la formation de OH était la conséquence d’une distension musculaire forcée et

répétée sur des tissus préalablement immobilisés [86]. Izumi et coll. ont appliqué le protocole de

Michelsson à l’identique sur des rats spinalisés. Les résultats étaient exactement superposables à ceux

de Michelsson, que les rats soient spinalisés ou non, apportant la notion que la mobilisation devait être

intense (vs. douce) pour engendrer la formation d’une OH [87]. Dans ce dernier modèle, Izumi et coll.

soulignaient que la lésion médullaire, contrairement à leur prévision, ne permettait pas d’augmenter le

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nombre d’animaux développant des OH ni d’augmenter leur volume, une simple mobilisation intense

des tissus préalablement immobilisés était suffisante. Cependant, l’analyse histologique différait selon

que les animaux avaient été spinalisés ou non. Les rats avec section médullaire présentaient des OH

issues d’une ossification endochondrale, alors que les rats sans la section médullaire, avaient

développé des OH via un processus d’ossification intramembranaire.

Au regard de ces observations, on peut émettre l’hypothèse selon laquelle si le(s) muscle(s) paralysé(s)

dans les suites d’une lésion neurologique centrale n’est/ne sont pas mobilisé(s) dès l’arrivée du

patient en milieu hospitalier. Les tissus péri-articulaires (capsule, tendons, muscles, fascia) subissent

alors des changements architecturaux et moléculaires irréversibles. Lorsque le membre est à nouveau

mobilisé passivement, ces mêmes tissus font l’objet de lésions entraînant inflammation et nécrose qui

déclencheront la formation de POAN via un processus de régénération cellulaire anormal. Les résultats

précliniques permettent également de suggérer que la survenue de POAN et l’ossification

endochondrale sont favorisées par la lésion neurologique centrale. Ces hypothèses feront

prochainement l’objet d’un projet collaboratif de recherche transversale.