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Discussion et conclusion

CHAPITRE 1 : Effet de l’injection d’agents de paroi bactérienne et inflammation induite sur le

3. Inflammation étudiée au travers du modèle murin développant des OHN

3.4 Discussion et conclusion

Les expériences 3.1 et 3.2 indiquent qu’une nécrose cellulaire, induite par l’injection de CDTX dans un

contexte de BM est indispensable à l’initiation d’une OHN. Dans le groupe BM, l’injection de CDTX est

suffisante pour induire un processus d’ossification intramusculaire. En revanche, l’injection de CDTX

seul et sans BM, ne permet pas le développement de OH. De même, nous avons montré dans une étude

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préliminaire, que l’injection IM de LPS seul, dans un contexte de BM, ne suffisait pas au développement

de OHN, même à forte concentration (voir partie III 2.2.3 et Figure 25) [224].

Si la CDTX associée à une BM est suffisante à la formation de OHN, l’inflammation supplémentaire

créée par l’injection de LPS et de LTA, exacerbe le volume des OHN, avec un effet dose-dépendant. Il

semble donc que l’inflammation participe largement à la croissance des OHN et que plus

l’inflammation est importante, plus les OHN sont volumineux. Cette observation est importante car en

pratique clinique, les OHN symptomatiques sont généralement de grande taille et sont ceux qui font

l’objet d’une résection chirurgicale.

Le LPS et le LTA sont deux agents pathogènes largement utilisés en recherche fondamentale pour

induire une inflammation. Ils stimulent le système immunitaire inné via des Toll like receptors (TLR),

une grande famille de récepteurs qui reconnaissent des motifs moléculaires caractéristiques des

micro-organismes ou PAMPs (pathogen-associated molecular-patterns). Le LPS issu de la paroi

d’Escherichia Coli stimule le TLR4 alors que le LTA, un constituant de la paroi de Staphylococcus aureus

(CGP), stimule les récepteurs TLR2 et TLR6. Le LPS et LTA sont capables d’activer de multiples

cascades de signalisation communes conduisant à l’enclenchement de processus inflammatoires

(production de cytokines, apoptose). Il existe plusieurs façons d’y parvenir : via le myddosome par la

liaison du LPS et LTA à leurs récepteurs TLR4 et TLR2/TLR6, le complexe TLR-myddosome peut être

membranaire ou internalisé dans la cellule, ou via l’activation de l’inflammasome, NLRP3 pour le LPS

et NLRP7 pour le LTA (Figure 30)[300].

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Figure 30. Récepteurs et voies de signalisations induisant une réponse inflammatoire au LPS et

LTA.

(A) Trois récepteurs induisant l’activation de quatre voies de signalisation en réponse à l’inoculation

de LPS et conduisant à l’inflammation. (B) Trois récepteurs et voies de signalisations en réponse à

l’inoculation de LTA pour promouvoir l’inflammation. Extrait de l’article de Kieser et coll. [300]

De façon surprenante dans les études 3.1 et 3.2, l’injection IM de LPS ou de LTA en association avec la

CDTX chez les souris SHAM pour la BM, permettait la formation de OH et leur volume augmentait avec

la concentration de LPS ou de LTA administrée. Les résultats de l’étude 3.1 montrent une différence

non significative entre le groupe BM vs SHAM à partir de 0,605 mg/kg de LPS injecté en présence de

CDTX. Il existe donc un effet seuil au-delà duquel il y a assez de LPS pour faire des OH sans BM.

Lorsque l’inflammation, causée par de larges doses de LPS et LTA, est suffisamment importante, elle

peut devenir suffisante pour induire la formation de OH sans BM. En revanche, il y a toujours besoin

d’une destruction musculaire comme celle provoquée par la cardiotoxine. Par extension,

l’inflammation apparait comme le dénominateur commun entre les différentes pathologies pouvant se

compliquer de OH. En effet, la littérature décrit des pathologies à haut niveau d’inflammation

(brulures étendues, amputation, long séjour en réanimation) dans lesquelles se développent de

volumineux OH et ceux indépendamment d’une lésion neurologique centrale [21,142,158]. De même,

des modèles murins de OH après brulure ou amputation suite à une explosion (blast) ont été publiés et

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ne font pas intervenir de lésion neurologique centrale [301,302]. Dans le cas des OHN, la lésion

neurologique pourrait participer à élever le niveau d’inflammation nécessaire à leur formation et leur

croissance. Si l’on prend l’exemple des grands brûlés, ils présentent une atteinte profonde des tissus

mous dont le muscle, un grand déséquilibre hydro-sodé source de stress et contractent souvent des

infections cutanées, amenant LPS et LTA (voir partie II Facteurs de risque divergents et Tableau 1).

L’association entre atteinte musculaire et inflammation (spécifique par les infections et non spécifique

via le déséquilibre hydro-sodé) peut alors expliquer que le seuil requis pour le développement d’OH

soit atteint sans contexte de lésion neurologique centrale.

Si le LPS et le LTA sont deux agents capable d’induire une inflammation, le fait qu’ils soient issus de

parois bactériennes nous amène à penser que cette inflammation pourrait être spécifique et en

rapport avec des infections à BGN ou CGP. En effet, nous avons pu voir dans la partie II que la présence

d’infections est considérée comme un facteur de risque commun de développement des OH et des OHN

(Tableau 1). Il est donc possible que les pathogènes infectieux porteurs de LTA et LPS induisent, chez

l’animal comme l’humain, une augmentation du volume des OHN conduisant ainsi à la formation

d’OHN cliniquement gênants. Cette hypothèse a été testée à l’échèle humaine au travers d’une étude

rétrospective faisant l’objet du chapitre 3. Ce travail a été mené chez des patients traumatisés crâniens

à un stade très précoce suivant leur accident et cherchait des facteurs inflammatoires et infectieux qui

pourraient favoriser l’apparition d’OHN chirurgicaux.

N’ayant que très peu de traumatisme ou d’inflammation locale en pratique clinique, nous avons fait

l’hypothèse que l’inflammation systémique pourrait également être à l’origine d’une augmentation de

la taille des OHN. Ce point est abordé en 3.3 de ce chapitre. Dans cette étude, l’injection systémique de

LPS chez des souris BM+CDTX permettait de doubler le volume des OHN lorsqu’on compare au groupe

contrôle n’ayant pas reçu de LPS. En revanche, l’injection locale de LPS en association avec la CDTX

induisait des OHN très volumineuses (x5) en comparaison avec le volume d’OHN après injection

systémique de LPS.

La limite principale de cette étude est la temporalité des injections de LPS qui était différente entre les

2 groupes selon que les injections aient lieux en IP ou en IM. Le LPS était injecté en IM de façon

concomitante à la CDTX, le même jour que la BM alors que l’injection de LPS en IP se faisait à partir du

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ème

jour post-opératoire puis était répétée à J+4 et J+6. Nous avons fait ce choix car une injection

systémique de LPS à la concentration de 1.25 mg/kg au même moment que la BM aurait très

probablement été létale bien que non testée. Il est possible que la temporalité de l’inflammation par

rapport à la lésion musculaire et BM soit importante pour induire de volumineux OHN. En effet, dans le

travail de Genêt et coll. [221], les OHN commencent à être visibles dès J+3 de la BM+CDTX. Les

injections de LPS IP à J+2, J+4 et J+6 sont peut-être trop tardives pour avoir une action sur le volume

des OHN et ainsi se rapprocher des volumes obtenus avec une dose plus faible de LPS injectée à J+0 en

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IM.

Cette expérience permet tout de même de conclure que l’inflammation systémique, est suffisante pour

augmenter le volume des OHN. Chez l’homme, il n’existe pas d’inoculation IM directe de LPS ou LTA.

Toutefois, une inflammation systémique importante pourrait alors expliquer l’exacerbation du volume

des OHN après lésion du SNC. Cette observation est concordante avec les données de la littérature qui

retrouvent parmi les facteurs de risque cliniques conduisant à la formation d’OHN, des pathologies

participant à augmenter le niveau d’inflammation des patients. Fractures, chirurgies pour fractures,

infections pulmonaires et urinaires, passage en réanimation, thrombose veineuse profonde, escarres

sont autant de facteurs retrouvés chez les patients développant des OHN et sont également

responsables d’une augmentation du niveau d’inflammation systémique.

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