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I. LA « METROPOLE » CONTRE LA VILLE LES LOGIQUES DE

1. Les racines intercommunales de la « métropolisation »

1.3. Réforme de l’intercommunalité et désapprentissage (2015 )

A partir de 2014-2015, on assiste à une accélération du processus d’institutionnalisation des structures intercommunale qui s’opère à la faveur de réformes nationales. L’acte 3 de la décentralisation avec les lois MAPTAM (2014) et NOTRe (2015) débouche sur un renforcement des structures intercommunales existantes qui voient leurs compétences et leurs périmètres s’élargir. Toutefois, ces évolutions institutionnelles ne se doublent pas d’un investissement soutenu des espaces intercommunaux par les maires des villes-centres. Au contraire, ces institutions semblent de plus en plus dominées par les intérêts périphériques des communes péri-urbaines et rurales dont les représentants sont peu enclins à s’engager dans des démarches de planification stratégique et cherchent avant tout à privilégier un statu quo qui leur est favorable.

A Montbéliard, le départ précipité de P. Moscovici en 2012 et la défaite du PS aux élections municipales de 2014 débouchent sur un changement de stratégie. La nouvelle maire Marie-Noëlle Biguinet (LR) – une élue au faible capital politique, ayant construit son ascension autour de la figure d’élue de proximité notamment par son investissement au CCAS – dispose d’un intérêt beaucoup plus limité pour les questions de planification stratégique et de gouvernance intercommunale. Ainsi, elle ne prend pas la présidence de la communauté d’agglomération – qui est d’abord confiée à l’un de ses adjoints, Marcel Bonnot, pour ensuite revenir en septembre 2015 à Charles Demouge, conseiller régional et maire de Fesche-le-Châtel une commune de 2 000 habitants – et désinvestit les espaces de discussion à l’échelle métropolitaine, et notamment les espaces de construction du pôle métropolitain. Dans un contexte de crise des finances locales63, de nombreux projets sont abandonnés ou révisés, tel que l’éco-quartier des Blancheries dont les objectifs sont revus à la baisse. Cette première évolution se double d’une marginalisation de la ville-centre au sein de la communauté d’agglomération.

Avec les réformes de 2015, le PMA passe en effet de 29 à 72 communes, suite à la fusion avec les communautés de communes des Balcons du Lomont, du Pays de Pont-de-Roide, des trois cantons et à l’intégration de neuf communes de la Vallée du Rupt, formant ainsi une nouvelle entité administrative de 142 000 habitants. Par conséquent, le conseil d’agglomération passe de 72 à 112 conseillers communautaires.

Cette évolution a une influence sur les équilibres de pouvoir. Dans un premier temps, le soutien de M.-N. Biguinet à C. Demouge permet à la commune de Montbéliard de conserver une place importante dans la gouvernance intercommunale. En effet, la maire de Montbéliard hérite de la première vice-présidence. Cette situation est toutefois de courte durée. La

63 Les dépenses d’investissement de l’agglomération sont ainsi passées de 60 millions d’euros en 2007 à

15 millions d’euros en 2015. Pour une analyse plus détaillée des enjeux financiers locaux et notamment du poids de la dette, cf. section sur l’austérité.

perspective de l’élargissement de l’agglomération, très redoutée, incite le nouveau président à laisser une place plus importante aux communes et intérêts ruraux. La nouvelle élection qui se tient en janvier 2017 est serrée : 57 voix pour C. Demouge et 52 voix pour Denis Sommer, maire PS du Grand-Charmont et défenseur d’une intercommunalité intégrée. Elle donne lieu à une réorganisation de la gouvernance intercommunale au bénéfice des intérêts ruraux. Ainsi, si la grande majorité des nouvelles communes intégrées ne possèdent, du fait de leur faible poids démographique, qu’un seul représentant communautaire, les principales vice-présidences sont trustées par des maires ruraux. En effet, à côté de la présidence de C. Demouge, la 1ère vice- présidence (cohésion urbaine et rurale et aménagement du territoire) est attribuée à Gaston Chenu, maire d’Issans (250 habitants), la vice-présidence « SCOT et urbanisme » est confiée à Jean-Louis Noris, maire de Bourguignon (950 habitants)64.

Ces communes rurales qui ont intégré PMA disposent souvent d’une solide expérience de l’intercommunalité puisqu’elles étaient membres de communautés de communes qui avaient des politiques intercommunales dans des domaines comme l’action sociale ou la petite enfance. A ce titre, leurs maires apparaissent parfois, et ce de manière contre-intuitive, plus rompus au « jeu » intercommunal que ceux des communes urbaines qui préfèrent se recentrer sur l’échelle communale.

Figure 1 : structuration intercommunale à Belfort-Montbéliard avant 2017

Source : CODEV

64 Les élus de Montbéliard héritent donc des 2e, 6e et 7e vice-présidences et notamment des thématiques de la

A Belfort, la situation est comparable. La démission de J.-P. Chevènement en 2007 produit une première inflexion dans les politiques intercommunales. Ce dernier est en effet remplacé par le socialiste E. Butzbach et le conseil général, qui a longtemps eu à sa tête Christian Proust, est désormais dirigé par un autre socialiste : Yves Ackermann. Ces changements affaiblissent le pouvoir local : auparavant fluidifiés par des rapports interpersonnels, les liens entre les acteurs et institutions se font plus distendus, les connexions avec Paris sont moins nettes, le leadership de la ville-centre sur ses périphéries est remis en cause. Toutefois, c’est en 2014 et 2015 que les changements les plus importants se produisent. A cette période, la ville et le département basculent à droite, avec respectivement à leur tête les élus Les Républicains (LR), Damien Meslot et Florian Bouquet. A l’échelle de la ville et l’agglomération, cette alternance marque une rupture nette avec les politiques urbaines mises en place dans les décennies 1990 et 2000.

Comme à Montbéliard, les logiques d’austérité prennent une importance nouvelle aussi bien en termes de gestion des ressources humaines (remplacement non systématique des agents, éclatement de leurs missions, etc.) que de la limitation de certaines dépenses d’investissement, notamment dans le domaine de la construction de logements sociaux. Pour important qu’il soit, l’élargissement du périmètre en 2017 a des effets moins marqués qu’à Montbéliard. La fusion avec la communauté de communes du Tilleul et de la Bourbeuse (CCTB) fait passer le nombre de communes de 30 à 53. Si le nombre de délégués intercommunaux augmente de 81 à 99, la nouvelle répartition ne modifie pas trop fortement les équilibres en place, la commune de Belfort conservant la présidence ainsi que les 3e, 6e, 10e, 12e et 14e vice-présidences qui comprennent notamment la thématique de l’habitat. Toutefois, ce contrôle des élus de Belfort sur la structure intercommunale s’accompagne d’une stratégie visant à ménager les intérêts des communes périphériques et des communes rurales. D. Meslot n’hésite pas à neutraliser l’intercommunalité pour en faire davantage un outil au service de la consolidation de son fief (certaines communes faisant partie de sa circonscription législative), qu’un espace de production de stratégies et de politiques urbaines.