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IV. LES ORGANISATIONS SYNDICALES : SPECTATEURS

3. Des réactions faibles mais réelles

Il pourrait être tentant de s’en tenir au constat d’une marginalité syndicale. Pourtant, au- delà des constats concernant l’indéniable difficulté des organisations syndicales interprofessionnelles territorialisées à se mobiliser sur des enjeux métropolitains auxquels rien ni personne ne les attache, nous notons dans nos cas d’étude un ensemble de réactions et de débats liés à la métropolisation politique.

Ces réactions sont souvent ponctuelles, comme par exemple en 2014, lorsque l’UD CFDT d’Aix-Marseille dépose une série de diagnostics et de propositions auprès de la « mission Théry » alors qu’elle instaure la métropole. Mais au-delà de ces contributions publiques, nous nous sommes intéressés à la manière dont l’organisation même de l’activité des UD pouvait être affectée par la mise en place des institutions métropolitaines.

Bien entendu, la métropolisation politique n’est pas, en elle-même, un facteur d’évolution des OS. Pour nous en convaincre (s’il en était besoin), nous pouvons évoquer une observation récurrente de tous nos cas d’étude : l’absence totale de dialogue intersyndical à l’échelle territoriale, qui duplique les relations nationales. Exception faite de l’intersyndicale de circonstance au sein même de la métropole d’Aix-Marseille, tous nos interlocuteurs nous ont fait part de l’absence de dialogue pérenne et assumé entre les organisations interprofessionnelles territorialisés des différentes confédérations. Le territoire n’agit pas comme une variable en mesure de déstabiliser les configurations nationales, les OS locales reprenant (au mieux) à leur compte les évolutions des alliances et oppositions des confédérations, outrepassant ces relations à la faveur d’un conflit ponctuel. En réalité, la métropolisation n’a d’impact sur les OS qu’à partir du moment où elle renforce des tendances plus larges, déjà à l’œuvre, et qui n’impliquent que des repositionnements discrets.

Pour le comprendre, on peut s’intéresser à l’implication « métropolitaine » de la CFDT. Cette dernière est profondément liée à sa réorganisation territoriale d’ensemble, donnant une

importance décisive aux unions régionales interprofessionnelles « qui constituent aujourd’hui la structure politique la plus importante au niveau territorial, au détriment des UD qui sont devenues de simples outils de coordination » (Giraud, Yon, Béroud, 2018, p. 28). Dans deux de nos cas d’études, Aix-Marseille et Lyon, on trouve une correspondance claire entre ce processus et la manière dont la CFDT investit les débats et l’espace politique métropolitains. Dans les deux cas, la trajectoire ascendante des secrétaires d’union régionale et/ou d’union départementale est une clé d’explication majeure. A Lyon comme à Marseille, ces secrétaires ont un profil similaire : jeune, fraichement nommé à leur poste, porteur d’un nécessaire « réétalonnage » territorial de l’organisation. Engagés dans cette refonte territoriale dont ils tirent un bénéfice militant évident en accédant à des responsabilités, la métropole se présente comme une ressource potentielle de leur travail syndical. Profitant d’un repositionnement de l’union départementale, devenu union métropolitaine, les deux responsables syndicaux vont investir l’espace institutionnel que leur offre le mandatement au CDD, dans des sens à la fois proches mais différenciés.

Plus précisément, les deux secrétaires décident d’utiliser leur seul accès concret à la métropole – à savoir leur place au sein du CDD – pour engager un travail spécifique. A Lyon, la stratégie adoptée par le secrétaire général est celle d’une « politique de la présence » : pour chaque dossier traité, le secrétaire général nomme un.e représentant.e de son syndicat afin de siéger dans les groupes de travail – nous avons suivi le cas emblématique de la politique d’insertion – tandis qu’il siège lui-même dans le bureau du CDD. Cette position de la CFDT est valorisée par les autres membres de l’instance – la présence syndicale prouvant son « bon fonctionnement » – et permet au secrétaire général d’occuper une place lui permettant d’influencer la mise à l’agenda des thèmes abordés par le CDD : « J’ai considéré que du coup, il était plus intéressant de peser au bureau plutôt que d’arriver à discuter à cinquante, à cent sur des textes à partir d’une entrée assez consensuelle. »34

Mais plus fondamentalement, cette stratégie pose la question de la spécificité des prises de position de la CFDT au sein de l’instance. En effet, le secrétaire nous explique qu’il mobilise des militant.e.s, parfois adhérent.e.s depuis peu, en fonction de leur champ de spécialité professionnelle : « Moi, je peux avoir un discours très général mais ensuite pour juger de l’intérêt de telle ou telle préconisation dans le contexte spécifique métropolitain, je trouve mieux qu’il y’ait des professionnels par ailleurs élus CFDT qui participent. »35 Dans le cas des travaux sur le PMIe, si la mandatée CFDT, professionnelle aguerrie du secteur de l’insertion, est unanimement reconnue comme un élément moteur du groupe de travail, elle intervient essentiellement en fonction de sa représentation professionnelle du problème.

34 Secrétaire général du comité régional CFDT Rhône-Alpes, Lyon, 27 octobre 2017. 35 Ibid.

A Aix-Marseille, le secrétaire de la CFDT opte pour une posture proche, sans être totalement identique. Nouveau venu à Marseille, où il arrive en 2011, fraichement nommé à la tête de l’UD des Bouches-du-Rhône, il utilise le CDD pour compenser son manque d’ancrage territorial et trouver des compensations à ses réseaux d’interconnaissance limités. Il utilise donc le CDD comme un vivier d’informations qui lui permet d’irriguer le travail revendicatif dans les entreprises, lui permettant de lier des contacts avec des réseaux syndicaux pouvant vivre difficilement les mutations à l’œuvre dans la régionalisation du syndicat. Le secrétaire général nous donne des exemples concrets de cette circulation de l’information. Ainsi, lors de la mise en place d’un dispositif de gestion territoriale des emplois et des compétences (GTEC) dans le secteur transport/logistique entre Arles et Istres, à cheval sur la frontière de la métropole, auquel est associé la CFDT 13, les informations accumulées au sein du CDD sont directement mobilisées dans les débats :

« Et c’est moi qui soulève le point au sous-préfet, en lui disant : ‘Mais moi je comprends pas pourquoi vous allez chercher à développer ces infrastructures-là en dehors de la métropole, alors qu’aujourd’hui, moi, je siège au conseil de développement et je m’aperçois que la réflexion s’arrête aux frontières de la métropole actuelle, sans intégrer le Pays d’Arles, sans savoir s’il sera un jour ou pas avec nous.’ Je lui dis : ‘Vous êtes en train de démontrer là qu’il n’y a aucune communication entre vous, et qu’il y en a un, l’État, qui décide de faire ça parce qu’aujourd’hui, c’est ça qu’il doit faire.’ Les autres, ils réfléchissent dans leur coin en fonction de leur territoire, sans savoir que comme tout change très vite, sans savoir ce qu’on fera du reste. Et du coup, le développement économique n’a plus d’intérêt, parce qu’il est freiné justement par ce genre de sujet (...). Et donc ça, c’est des éléments qu’on a pu avoir parce que j’avais siégé au conseil de développement, que je savais qu’il y avait un projet mobilité qui a été voté il y a quelques semaines, et je savais quel était le contenu du truc mobilité. »36

Même si la posture est différente de celle observée dans le cas lyonnais, elle permet difficilement, une fois encore, de produire un positionnement spécifiquement « syndical » sur l’action publique métropolitaine (actuelle ou à venir). L’accès aux espaces métropolitains est principalement perçu et conçu comme une ressource (symbolique, informationnelle) à disposition des permanents syndicaux, et jamais comme une manière de prendre position sur les affaires métropolitaines. Le point commun des deux secrétaires généraux est d’ailleurs de cibler leur participation : le bureau, les commissions où se glanent les informations et s’écrivent les rapports, au détriment des assemblées plénières où les positions d’ensemble sont énoncées.

Pour rester dans les cas aixois-marseillais et lyonnais, et leurs conseils de développement métropolitain, la posture de la CGT, bien que radicalement différente, interroge également sur sa pertinence. A Lyon, la participation au CDD suit un schéma classique d’exit : confronté au manque de débouchés objectifs de sa participation, dans un contexte où les

retombées pour l’organisation sont minimes, le mandaté CGT déserte rapidement l’institution sans déclencher de réaction spécifique – ni du côté de l’UD CGT, ni du côté du CDD. Le mandaté, membre de l’UGICT, directeur de centre de formation et militant syndical chevronné, établit un constat très sévère sur l’inutilité de l’instance, en général et pour sa propre organisation. Néanmoins, cette défection débouche sur des situations de « non mobilisation » d’une analyse syndicale que nous avons pu saisir a posteriori. Ainsi, en 2015, le mandaté CGT ne prend pas part aux travaux du CDD concernant le PMIe, constatant, à juste titre, qu’ils étaient essentiellement animés par des professionnels du secteur de l’insertion, dont certains n’avaient pas pu accéder à la concertation centrale. Toutefois, dans le temps, les comités de chômeurs, de privés d’emploi de la CGT, particulièrement actifs à Lyon, conduisent de nombreuses actions revendicatives liées aux politiques de gestion du chômage et de l’insertion. Par manque de circulation de l’information et aussi par séparation statutaire – un membre de l’UGICT peu lié aux actions des comités de privés d’emploi –, la concertation du CDD n’est jamais envisagée comme une occasion de faire exister ces revendications dans un espace institutionnel métropolitain.

A Marseille, l’UD CGT des Bouches-du-Rhône confie également le siège dont elle dispose au CDD à un militant chevronné, lui aussi formateur et habité des mandats syndicaux, disposant en plus d’une importante expérience en CESER. Ne disposant d’aucun mandat précis de l’organisation, celui-ci associe pourtant l’UD à son activité au sein de l’instance : choix des commissions, des thématiques, bilan ponctuel des travaux. Le représentant de la CGT opte alors pour une posture « tribunicienne », portée autant dans les assemblées plénières que dans les commissions, pour faire entendre la « voix de la CGT », assumant pleinement son rôle de porte- parole, tout en étant parfaitement lucide sur le manque de portée de son action :

« Tu montes au créneau, ils t’écoutent poliment… parce bon, la dernière fois qu’ils m’ont pas écouté poliment, là, j’ai compris, là, j’ai remarqué que j’avais pas perdu toute ma hargne. J’ai dit aux patrons : ‘Si vous voulez que je fasse venir 100 dockers qui imposent le silence pour que je prenne la parole, tapez là et je vous garantis que la prochaine réunion, je vous le fais (...). Quand je parle, que ça vous plaise ou pas…’ C’est quand même la première organisation, particulièrement dans ce département, où on est encore loin devant tout le monde. ‘Donc, quand je parle, vous m’écoutez. Pas moi, la CGT. Si vous voulez qu’on sorte du registre civilisé, moi, j’ai aucun problème.’ Donc, ils m’écoutent maintenant. (...) Mais j’ai aucune illusion sur l’impact que ça aura sur les documents qui vont sortir. »37

Pourtant, lorsqu’il revient, en entretien, sur les dossiers prioritaires de l’instance, le mandaté insiste rapidement sur les dynamiques de convergence entre son organisation et ses « adversaires » naturels (MEDEF, grands chefs d’entreprise). Ces consensus s’établissent

toujours contre les élus, et plus précisément le maire de Marseille. La défense des activités industrielles du port autonome en fournit un très bon exemple :

« Gaudin, il est obsédé par le nombre de bateaux de croisière qui rentrent dans le port de Marseille. Les patrons, ils s’en battent les cacahuètes. L’autre jour, je m’amusais à dire un patron : ‘Ah mais vous ne faites pas partie de ceux qui croient qu’on va ramener Aix-Marseille au niveau d’Amsterdam en rajoutant dix bateaux de croisière ?’ Alors, il a rigolé un peu jaune parce que huit jours avant Gaudin a fait une conférence de presse sur l’explosion des bateaux de croisière. Voilà… Il croyait fermement qu’on allait pouvoir devenir le premier port européen de croisière… Bon, il a très bien compris à quoi je faisais allusion et il m’a dit : ‘Non, l’avenir économique, il ne se joue pas là.’ (...) Là, j’ai été agréablement surpris. D’ailleurs, je l’avais signalé à l’époque à Olive [secrétaire générale de l’UD 13]… Je lui avais dit : ‘Tiens, je ne m’attendais pas du tout à…’ Alors, ils le font évidemment à fleuret moucheté, parce que bon il y’a beaucoup de donnant-donnant dans cette affaire-là. »38

Bien sûr, si patrons et syndicats peuvent s’entendre sur les « diagnostics », c’est-à-dire sur l’agenda des problèmes de la métropole – et notamment les transports, grande cause commune aixoise-marseillaise –, ils s’opposeront sur les solutions à apporter à ces problèmes. Mais cet exemple nous renvoie à une réalité d’ensemble : les organisations syndicales peuvent prendre part à des consensus, mais difficilement faire exister une voix discordante. Quand bien même la posture de la CGT 13 est plus revendicative que celle de la CGT 69, elle se fraye difficilement un chemin dans le processus de mise à l’agenda des problèmes.

Les réactions syndicales face à la métropolisation politique ne se limitent pourtant pas aux CDD. Dans le cas lyonnais, on identifie également une différence de posture entre deux branches professionnelles pourtant regroupées dans la même UD. Cette différenciation s’opère essentiellement durant la séquence de crises et de licenciements consécutifs à la crise de 2008. Dans le secteur de la chimie, les responsables locaux de la CGT ne considèrent pas les acteurs institutionnels métropolitains comme des interlocuteurs crédibles. La déterritorialisation des entreprises, et donc des politiques d’emploi – que nous retrouvons dans le cas de Belfort- Montbéliard – fait office de diagnostic politique indépassable : face à des donneurs d’ordre économiques « absents » du territoire, les acteurs politiques locaux sont de bien faibles alliés. A l’inverse, les délégués syndicaux CGT relevant de la branche « métallurgie », pourtant eux aussi affiliés à l’UD 69, ont tenté de faire face à une vague de licenciements affectant les entreprises du secteur, et en particulier Renault Trucks, en essayant de mobiliser des alliés institutionnels locaux, dans le but de lier leur travail revendicatif à la production plus large de politiques publiques accompagnant l’évolution de la filière transport. L’échelle régionale, du fait d’une configuration politique favorable, se présente alors comme la plus évidente, mais les acteurs urbains sont également sollicités. Toutefois, ces différences de positionnement

stratégique vis-à-vis des capacités d’action publique locale, pas plus que l’action au sein des CDD, ne font l’objet d’une discussion collective en bonne et due forme au sein de l’UD. Nos interlocuteurs soulignent la difficulté de « mettre en débat » cette question du lien entre action revendicative et construction métropolitaine, en évoquant essentiellement la surcharge des délégués et permanents syndicaux et la réduction des moyens (humains et financiers) disponibles, qui sont des réalités évidentes et concrètes qui cadenassent l’action des UD et plus largement des syndicats.

Mais encore au-delà de ces réactions, Déborah Galimberti et Gilles Pinson ont eu à analyser un « cas à part », à savoir celui de Bordeaux. Il s’agit en effet de la seule et unique mobilisation syndicale visant explicitement les politiques territoriales métropolitaines que nous avons croisée dans notre enquête. On assiste ainsi à une « territorialisation » de l’action revendicative, largement pilotée par l’UD : cette action part de l’entreprise et s’étend jusqu’au projet Euratlantique. Ce projet piloté par la métropole englobe le réaménagement d’une zone à cheval sur deux communes de la métropole bordelaise. Tout en le considérant comme symptomatique des choix politiques à l’origine des problèmes d’emploi et de gentrification (via la reconversion d’un territoire historiquement industriel en zone d’attraction pour les activités à forte valeur ajoutée), la CGT 33 décide de le considérer comme un cadre de propositions et d’action.

En interpelant l’établissement public d’aménagement (EPA) en charge du projet, l’UD CGT Gironde ne se contente pas d’appuyer les luttes menées par les syndicats de différentes entreprises menacées, présentes dans le périmètre du projet (Papèterie Siniat-Etex, Atelier Industriel Aéronautique), mais entre dans un débat autour de l’avenir souhaitable de ce territoire et donc de l’orientation des politiques publiques le concernant. La défense des sites industriels et des emplois passe donc par une série de propositions concrètes de ré-articulation des activités économiques locales, propositions que pourrait appuyer l’institution métropolitaine dans le cadre dudit projet – circuit-court de recyclerie (Siniat-Etex), positionnement sur le fret pour les fournitures (AIA) – et qui entrent dans une réflexion plus vaste sur la dimension environnementale et la mixité économique (maintien d’une activité industrielle) du territoire.

L’UD CGT, en lien direct avec les syndicats d’entreprise et de branche, mène donc une nouvelle bataille auprès des acteurs métropolitains : accès aux documents de programmation du projet, soumission de propositions concrètes de développement des filières, recherches de soutiens politiques contre l’opacité des opérations. Cette entreprise revendicative inédite conduit l’UD à publiciser ses positions et propositions et à revendiquer des orientations en matière d’action publique métropolitaine qui dépassent les seuls intérêts des salariés qu’elles représentent, mais s’adressent à la population dans son ensemble – dont elle fait également remonter les préoccupations.

Comment comprendre cette exception ? Gilles Pinson et Déborah Galimberti attirent logiquement l’attention sur la spécificité de la configuration au sein même de l’UD. En effet, les ressources s’accumulent au sein de l’organisation : les trois fondateurs du collectif ad hoc et informel spécifiquement dédié à cette action, nommé « collectif Euratlantique », cumulent une bonne connaissance des institutions publiques (deux d’entre eux sont issus de la fonction publique) mais aussi des entreprises les plus directement concernées (un syndicaliste d’AIA), une expérience des arènes de concertation (une ancienne membre du CESER), et du soutien actif de la secrétaire générale de l’UD, par ailleurs membre du bureau exécutif de la Confédération. Concrètement, cette configuration permet un alignement des intérêts (divergents) que peuvent avoir les membres de l’UD pour la conduite de cette action : défense d’une entreprise et appui à leurs syndicats ; nouvelle implantation syndicale dans des entreprises du territoire concerné ; accès à de nouvelles catégories de travailleurs parmi les habitants. C’est ce que Déborah Galimberti et Gilles Pison nomment un « coup politique », mené par des leaders syndicaux dont les intérêts convergent.

Le poids de cette configuration interne à l’UD éclaire, dans le même temps, les limites de cette territorialisation de l’action revendicative. Pour le dire d’une formule, nous sommes encore très loin, à Bordeaux, des « campagnes revendicatives urbaines » nord-américaines. L’enquête insiste sur plusieurs de ces limites. D’une part, la conduite de cette lutte concerne encore peu les syndiqués CGT et implique essentiellement les responsables de l’UD, des syndicats d’entreprise et de branche. D’autre part, la CGT garde le monopole des diagnostics et des revendications : elle ne s’appuie que très peu sur des ressources d’expertise locale disponibles39, n’envisage aucun dialogue intersyndical, n’utilise les réseaux politiques de ses membres (notamment une syndiquée conseillère municipale) que dans l’optique de relayer son discours, et ne cherche pas spécialement à construire des causes communes avec les acteurs civiques locaux (conseils de quartier, associations) pourtant eux-aussi mobilisés, mais peu liés les uns aux autres par ailleurs. La CGT vient donc s’inscrire dans un paysage d’action revendicative très fragmenté, avec ou sans son intervention, sans spécifiquement chercher à tisser des causes et des actions communes dans ce réseau flottant fait d’acteurs isolés et peu interdépendants. La territorialisation de son action répond prioritairement à des objectifs définis et portés par l’UD.

Au-delà de ces limites, le cas d’étude bordelais ouvre tout de même une piste de réflexion tout à fait stimulante, qui recoupe en partie ce que nous avions souligné plus avant sur la faible exploitation des ressources syndicales pourtant présentes. Résumons cette piste : même