• Aucun résultat trouvé

I. LA « METROPOLE » CONTRE LA VILLE LES LOGIQUES DE

2. Le pôle métropolitain : nouvelle étape du processus de métropolisation ?

2.3. Le pôle métropolitain : un « anti-gargantua »

Si la construction d’une structure de coopération à l’échelle de la grande région urbaine a longtemps buté sur les intérêts communaux, la création du pôle métropolitain n’a pas donné lieu à la constitution d’un « gargantua », au sens où l’entendait les politistes américains des années 1960 (Estèbe, 2015). Bien au contraire, cette nouvelle structure reste dominée par les unités qui la composent, c’est-à-dire par les structures intercommunales membres. Il constitue une structure de coopération faiblement intégrée, dans laquelle les moyens mutualisés sont limités et les tensions encore nombreuses.

Le caractère récent du pôle métropolitain rend difficile toute analyse sérieuse de son fonctionnement ou de son action. En effet, depuis son lancement en 2017, l’activité du pôle a été contrariée par des conflits entre communes et intercommunalités, qui démontrent la faible volonté de coopération entre les différents acteurs du territoire :

« Le pôle n’est pas né d’une volonté de coopération, mais plutôt d’une volonté de récupération politique. Les bases avaient été mises en place par la gauche dès 2013. Avec la vague bleue de 2014, la droite se dit qu’elle a une opportunité historique d’inaugurer le pôle métropolitain, pour que ce ne soit pas la gauche qui l’ait fait. En plus, cela arrangeait Meslot qui voulait dézinguer le SMAU qu’il jugeait trop entreprenant. Donc, cela s’est fait, mais sans vision. Il n’y a pas de discussion stratégique portant sur les compétences de ce pôle, mais plutôt une gestion par à coup où l’on dit : ‘Tiens, on va mettre ça, puis on va mettre ça.’ » (Responsable local de la CGPME)

70 En 2018, le projet du Nord Franche-Comté intitulé « Transformation d’un territoire industriel. Création d’un

écosystème d’innovation et développement des green technologies » a été sélectionné dans une short list nationale de 24 projets. Cette sélection sera ensuite affinée et seuls dix projets seront retenus et bénéficieront d’un soutien du programme Investissement d’Avenir à hauteur de 450 millions d’euros.

Cette difficulté à coopérer a considérablement ralenti la construction du pôle métropolitain qui, à l’été 2018, ne dispose toujours pas de directeur :

« Il y a d’abord eu une procédure interne en juin 2017. Jilal El-Raz a hésité, puis s’est ravisé. Foudil Tegia du SMAU a voulu candidater, mais Meslot ne voulait pas reconduire quelqu’un du SMAU. Gilles Cassoti a été sollicité, mais il ne voulait pas aller au front. Donc, en septembre, une procédure externe a été lancée. Quelqu’un qui était avant en poste à Châlons-sur-Saône et avait participé à la création du pôle métropolitain de Nice a été recruté. Il était basé à PMA et très rapidement des conflits sont apparus avec les directeurs de PMA. Au final, une pirouette administrative a été faite pour ne pas valider sa nomination et il est parti fin décembre. Aujourd’hui, une nouvelle procédure de recrutement a été lancée. » (Responsable local de la CGPME)

Ces difficultés trouvent leur traduction dans les statuts du pôle qui organisent une coopération a minima. A l’inverse du SMAU, le pôle métropolitain comprend uniquement les intercommunalités à fiscalité propre comme membres, c’est-à-dire les agglomérations de Belfort, Montbéliard et d’Héricourt, ainsi que les communautés de communes du Sud Territoire et des Vosges du Sud. Le SMAU comprenait, en outre, les conseils départementaux de la Haute- Saône, du Doubs et du Territoire de Belfort ainsi que les trois villes de Belfort, Montbéliard et d’Héricourt. Cette prédominance des intercommunalités se retrouve également dans la définition des enjeux relevant ou non de l’intérêt métropolitain :

« Les organes délibérants des membres du pôle métropolitain Nord Franche-Comté se prononceront au fur et à mesure, par délibérations concordantes, sur l’intérêt métropolitain des actions qu’ils délèguent au pôle métropolitain. » (CAB, « Création du pôle métropolitain Nord Franche-Comté », extrait du registre des délibérations du conseil communautaire, séance du 25 juin 2015, p. 2)

Cette prédominance des intercommunalités concerne surtout celle de Belfort et Montbéliard. Ainsi, les arrangements de départ prévoyaient la mise en place d’une présidence tournante aussi bien au sein du pôle que de l’agence de développement : l’intercommunalité qui ne dirige pas l’un, serait donc à la tête de l’autre. Dans le même sens, le choix du critère démographique pour définir la composition du conseil métropolitain, favorise les deux grandes agglomérations qui disposent respectivement de 15 et 11 représentants, contre seulement deux pour les communautés de communes du Sud Territoire, des Vosges du Sud et du Pays d’Héricourt.

Sur le volet financier, le poids démographique détermine aussi la part des contributions des structures intercommunales aux frais de fonctionnement de l’institution. Même si elle constitue une participation minimale des membres comparée aux frais d’investissement, ces charges sont majoritairement portées par le Grand Belfort et Pays de Montbéliard Agglomération, avec des contributions respectives de 35 % et de 47 %. A l’inverse, les

modalités de financement des investissements du pôle métropolitain n’ont pas été définies et pourront varier « en fonction d’une répartition propre à chaque action (étude, achat, participation, travaux, etc.) et arrêtée par le comité métropolitain ». Ainsi, il revient à chaque intercommunalité de supporter ou non les projets du pôle métropolitain, en fonction de son intérêt ou de l’impact du projet sur son territoire. Ce fonctionnement est appliqué dans d’autres pôles métropolitains comme celui de Lyon-Saint-Etienne. Il permet, certes, aux EPCI non concernés de pouvoir se retirer des projets, mais il conduit aussi à une coopération « à la carte » rendant difficile la construction d’un intérêt métropolitain.