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L ES RÉFLEXIONS INSTITUTIONNELLES DES RESPONSABLES POLITIQUES VIS À VIS DU DILEMME DE LA COHABITATION

RESPONSABLES POLITIQUES VIS À VIS DE LA COHABITATION

3. L ES RÉFLEXIONS INSTITUTIONNELLES DES RESPONSABLES POLITIQUES VIS À VIS DU DILEMME DE LA COHABITATION

Nous allons maintenant nous intéresser aux réflexions institutionnelles des responsables politiques vis à vis de la notion de cohabitation, nous allons chercher à mettre en évidence leurs approches et solutions afin de faire face à la cohabitation. Les présidents de la République Charles de Gaulle, Georges Pompidou et Valéry Giscard d'Estaing étaient bien conscients que s’ils n’avaient plus un jour la majorité parlementaire, ils se seraient retrouvé dans une situation politique difficile et ils ont tous les trois cherché de manière différente à résoudre ce dilemme institutionnel.

a. Les solutions du général de Gaulle vis à vis de la cohabitation : la démission du chef de l’État ou un gouvernement composé de membres de la société civile

Le général de Gaulle a eu une réflexion assez particulière vis à vis de la cohabitation puisqu’il semble proposer plusieurs solutions à ce problème institutionnel si l’on en croit ses conversations avec son ministre Alain Peyrefitte en 1966 : s'il avait connu un désaveu majeur aux élections législatives, il aurait immédiatement démissionné, si en revanche la majorité à l'Assemblée Nationale avait perdu la majorité de quelques sièges, il aurait choisi des hauts fonctionnaires et des hommes de la société civile afin de former un nouveau gouvernement qui aurait été conduit à se présenter devant l’Assemblée Nationale, cette dernière choisissant de lui accorder ou de lui refuser sa confiance. Elle aurait néanmoins été prévenue qu’elle serait dissoute si elle censurait ce nouveau gouvernement. Le général de Gaulle lie donc dans une certaine mesure son sort au résultat des élections législatives mais souligne qu’il appréciera personnellement l’ampleur de sa défaite si le résultat devait être en sa défaveur.

Sa réflexion est donc somme toute logique si l’on se fie à sa conception des institutions de la 5ème République mais il n’a malheureusement pas révélé publiquement son attitude et la marche institutionnelle des choses si les français votaient pour une majorité contraire à ses vues, sa solution vis à vis de la cohabitation semble donc avoir quelques lacunes vis à vis de la transparence démocratique.

b. Les solutions de Georges Pompidou vis à vis de la cohabitation : la démission du chef de l’Etat, une cohabitation avec la gauche ou avec une personnalité politiquement neutre ou encore la mise en œuvre de la réforme du quinquennat

Georges Pompidou a eu une réflexion à la fois similaire et différente vis à vis de la cohabitation puisqu’il semble avoir une attitude encore plus contrastée que le général de Gaulle en 1967, restant intentionnellement évasif vis à vis de son comportement en cas de défaite de la droite à l'occasion des élections législatives de mars 1973. Il aurait ainsi pu choisir de démissionner à l'issue des élections, de demander à une personnalité politiquement neutre de former un nouveau gouvernement ou encore d’accepter de tenter l’expérience de la cohabitation avec la gauche.

Les élections législatives seront remportées par la droite mais Georges Pompidou annoncera néanmoins en avril 1973 qu’il envisageait de réduire la durée du mandat du président de la République en le ramenant de sept à cinq ans, sans autre modification des institutions. Il expliquait qu’il pensait bon que les français s’expriment plus souvent et que la durée de cinq ans convenait bien pour le mandat présidentiel. On peut imaginer que Georges Pompidou ait souhaité que le mandat du chef de l’État et le mandat de l’Assemblée Nationale coïncident afin d’éviter les conflits de majorité, le successeur du général de Gaulle souhaitant résoudre le problème de la cohabitation et parfaire la Constitution de 1958, apportant lui même sa pierre à l’édifice des institutions de la 5ème République. Nous devons néanmoins suggérer la possibilité que Georges Pompidou, malade et atteint de la maladie de Waldenström depuis 1968, ait souhaité abréger son mandat et ait poussé cette réforme afin de pouvoir cesser ses fonctions en juin 1974, deux ans avant le terme officiel de son mandat à l’Elysée. Les commentateurs considérèrent alors que cette réforme, si elle était réalisée, contribuerait à renforcer le caractère présidentiel du régime et les responsables des partis de gauche, François Mitterrand et Georges Marchais, même s’ils reconnaissaient que cette révision allait dans le sens du programme commun, souhaitèrent l’élargir aux articles 11 et 16 de la Constitution. (référendum et pouvoirs exceptionnels en cas de crise). Le projet de loi est adopté en Conseil des ministres le 6 septembre 1973 et en octobre, le texte est approuvé à l'Assemblée Nationale et au

Sénat, mais la majorité des trois cinquièmes au Congrès n'est pas atteinte. La réforme attendra, nous le savons, 27 ans avant d’être réalisée lors de la troisième cohabitation. George Pompidou a donc imaginé les prémisses d’une solution de sortie de la cohabitation mais la réforme du quinquennat ne sera réalisée qu’en septembre 2000, après trois cohabitations et de nombreuses controverses institutionnelles.

c. La solution de Valéry Giscard d’Estaing vis à vis de la cohabitation : le refus des élections législatives anticipées et l’acceptation pure et simple de la cohabitation

Valéry Giscard d’Estaing a eu une réflexion vis à vis de la cohabitation assez différente puisqu’il semble se différencier de façon manifeste de ses deux prédécesseurs gaullistes et également de son Premier ministre Jacques Chirac.

Valéry Giscard d’Estaing a ainsi eu une sérieuse divergence de vues avec son premier Premier ministre au cours de l’année 1976 puisque ce dernier réclamait l’organisation d’élections législatives anticipées à la fin de cette même année. Jacques Chirac craignait effectivement que la gauche ne sorte victorieuse des élections législatives de mars 1978 et pensait qu’avancer les élections permettrait de conserver la majorité parlementaire. Il pouvait également concevoir que la tenue de ces élections en 1976 éviterait une cohabitation. Valéry Giscard d’Estaing souhaitait respecter le calendrier électoral et refusa d’accéder aux vœux de son Premier ministre, ce dernier, à la suite d’autres raisons, bien évidemment, choisit de démissionner au mois d’août 1976. Valéry Giscard d’Estaing propose personnellement une seule solution au problème de la cohabitation : son acceptation pure et simple, aussi, avec son intention de rester en fonction si l’opposition sortait victorieuse des élections législatives, il se situe clairement dans le cadre d’une situation de cohabitation et entre en contradiction avec ses prédécesseurs qui avaient choisi de rester évasif sur le sujet cohabitationniste. Valéry Giscard d’Estaing ne fait pas ce choix et choisit d’être transparent vis à vis des français même s’il explique qu’il conservera certains de ses pouvoirs dans une telle situation (le droit de dissolution et son rôle en politique extérieure) et qu’il continuera naturellement à défendre les institutions de la 5ème République.

Jacques Chirac, nous le savons, aura une autre lecture de la Constitution, similaire à celle du général de Gaulle et de Georges Pompidou, et ne cherchera pas à masquer son désaccord sur ce sujet institutionnel au cours des élections législatives de 1978. Valéry Giscard d’Estaing a donc, en quelque sorte, ouvert la boîte de Pandore de la cohabitation en acceptant le principe d’une cohabitation avec la gauche, en sortant de la stratégie évasive du général de Gaulle et de Georges Pompidou et en façonnant une nouvelle norme institutionnelle sur l’attitude présidentielle en cas de défaite aux élections législatives. Cette attitude sera amenée à devenir une puissante référence institutionnelle pour ses successeurs au cours des élections législatives suivantes. Nous allons maintenant nous intéresser aux réflexions institutionnelles des responsables de l’opposition de gauche vis à vis de la cohabitation.

d. Les solutions des responsables politiques de l’opposition vis à vis de la cohabitation : l’acceptation de la cohabitation et la proposition de réformes constitutionnelles : le quinquennat et la fin du domaine réservé du chef de l’État

Les socialistes et les communistes ont soutenu, nous l’avons vu, de manière unanime, la notion de cohabitation au cours des années 1958-1981 : ils souhaitaient accéder aux responsabilités du pouvoir et ils avaient la possibilité d’y accéder à l’occasion des élections législatives. Ils entendaient se conformer à la Constitution et notamment à son article 20 qui stipule que « le gouvernement conduit et détermine la politique de la Nation » et s’attendaient à ce que le président de la République en fasse de même s’ils remportaient les élections : il devait se soumettre à la volonté exprimée par les français et ne devait pas s'opposer à la mise en œuvre de la politique de la majorité. Ils se montreront d’ailleurs très sensibles sur la défense de cet état de fait, socialistes et communistes dénonçant avec force le refus apparent du général de Gaulle de partager le pouvoir avec la gauche à l’occasion des élections législatives de mars 1967. Ils s’attendaient effectivement à ce que le général de Gaulle respecte le suffrage universel et fasse appel aux formations de gauche afin de former un nouveau gouvernement. Ils défendront ainsi de la même manière l’inéluctabilité de la cohabitation au cours des élections législatives de mars 1973 et de mars 1978.

Les responsables de l’opposition de gauche ont aussi émis plusieurs réflexions institutionnelles vis à vis du problème que pourrait poser la cohabitation aux institutions au cours des années 1960 et 1970. François Mitterrand estimait ainsi, dès les années 1960, que l'hypothèse de la contradiction des majorités deviendrait une constante des consultations électorales de la 5ème République : il se retrouverait en effet forcément un jour, au sommet de l’Etat, deux personnalités politique de tendance contraire, dont on n’arriverait pas à délimiter exactement la frontière des pouvoirs. François Mitterrand proposait alors, afin de prévenir cette situation, de réduire la durée du mandat du président de la République de 7 à 5 ans et de faire coïncider son mandat avec celui de l’Assemblée Nationale. Il imaginait que le système de la 5ème République prendrait, dans ce cas, toute sa valeur et que les français s’habitueraient, dès lors, à élire simultanément un président de la République et un parlement.

Les socialistes et les communistes élaborèrent également dans le cadre du programme commun d’autres propositions institutionnelles : ils souhaitaient notamment proposer aux français une procédure de révision constitutionnelle afin d’en terminer avec l’usage abusif, selon eux, du secteur réservé par le Président de la République et ils désiraient mettre en avant la responsabilité du gouvernement conformément à ce qui est écrit dans la Constitution avec un parlement qui se trouve en capacité de jouer son rôle et qui n’est pas brimé par des mesures constitutionnelles ou bien réglementaires.

Seconde partie : les doctrines institutionnelles