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Le consentement conservateur à la notion de cohabitation au cours des élections législatives de

cohabitation au cours des années 1958-

1.2.3. Le consentement conservateur à la notion de cohabitation au cours des élections législatives de

1981

Les commentaires du président du RPR Jacques Chirac

Jacques Chirac est devenu le chef de l’opposition à droite suite à la défaite de Valéry Giscard d’Estaing aux élections présidentielles de mai 1981. Il mène ainsi fort logiquement le combat au nom de la droite et du centre au cours des élections législatives de juin 1981. Nous pouvons penser qu’il ne souhaite pas personnellement devenir le Premier ministre du nouveau président de la République, François Mitterrand, mais il semble néanmoins se préparer à une éventuelle cohabitation avec le nouveau chef de l‘Etat si les élections lui donnaient malgré tout raison. Nous allons chercher à déceler ses intentions vis à vis de la notion de cohabitation au cours de ses nombreuses déclarations lors de la campagne pour les élections législatives de 1981.

Jacques Chirac est l’invité de l’émission spéciale législatives le 29 mai 1981 sur TF1, il nous dévoile ses intentions sur une éventuelle cohabitation avec François Mitterrand mais se tient prêt à toute éventualité : « je n’ai aucune intention de cette

nature, que les choses soient tout à fait claires, en revanche, si comme je le pense, l’Union pour la Nouvelle Majorité a la majorité dans la prochaine Assemblée, le président de la République lui-même a indiqué à plusieurs reprises, ce qui est d’ailleurs le jeu normal des institutions, qu’il prendrait son gouvernement dans cette majorité. Et à ce moment-là, une concertation normale entre le chef de l’Etat et sa majorité permettra de gouverner dans des conditions qui seront, je le suppose, plus proche du vœu général des français que ne l’est le projet socialiste ».

Il explique que le président de la République conservera son rôle et ses attributions si la gauche et la droite devaient entrer dans une situation de cohabitation :

« n’attendez pas d’un gaulliste l’idée que le président de la République devrait être dépourvu des compétences constitutionnelles qui sont les siennes, le président a des attributions, des compétences, il les a parce qu’il a été élu, il les a parce que la

Constitution les lui reconnaît et ces attributions et ces compétences, il doit bien entendu les garder, il n’est pas question de les contester le moins du monde … ».

Il pense néanmoins qu’une conciliation entre les deux projets de société devra être réalisée : « en revanche, il est tout à fait naturel que dans la situation actuelle, il y ait

une concertation entre la nouvelle majorité appelée à soutenir un gouvernement et ce gouvernement inspiré lui même par les orientations générales que lui donnera le chef de l’Etat afin que la politique qui soit conduit ne soit pas strictement celle d’un parti et d’un quart de la France qui s’imposerait aux trois quarts … les choses sont ce qu’elles sont, les français ont choisi, il n’est pas question de contester leur choix et par conséquent il faudra bien une conciliation effectivement … ».

Il estime que c'est le parti socialiste qui a gagné l'élection présidentielle : « le

problème n’est pas d’ordre politique, le problème est beaucoup plus simple, un parti politique, le parti socialiste a gagné l’élection présidentielle, la chambre des députés, c’est à dire l’Assemblée Nationale ... si je dis que c’est un parti ... c’est que monsieur Mitterrand lui même a dit tout au long de sa campagne qu’il était le candidat du parti socialiste, bien, ce qui me conduit à dire un parti a gagné pour son champion les élections présidentielles et personne ne peut le contester, ensuite, il a pris la quasi totalité du gouvernement, du premier gouvernement formé, ce qui était son droit ... »

Il considère qu'il ne devrait pas avoir tous les pouvoirs : « je veux dire simplement

que ce parti a pris actuellement l’essentiel du pouvoir, alors le problème est de savoir si on va lui donner carte blanche et les pleins pouvoirs pour faire ce qu’il entend, sans aucune espèce de contrepoids, de critique ou de frein, en amenant à l’Assemblée Nationale une majorité socialiste et communiste. Ou si au contraire les principes sur lesquels a reposé jusqu’ici l’évolution, l’essor de notre société seront pour l’essentiel respectées et notamment ces libertés dont vous parliez tout à l’heure qui aujourd’hui sont en cause, c’est vrai, eh bien, je dis que je suis persuadé que les français par leur bon sens apporteront eux mêmes la réponse à cette question les 14 et 21 juin ».

Il reconnaît qu’il souhaitait que les précédents présidents disposent d’une majorité pour gouverner mais ils ne proposaient pas, eux, un changement de société : « elles

j’avais fait campagne en disant « il faut que le président ait sa majorité pour gouverner ». Bon, les choses sont aujourd’hui totalement différentes, à l’époque, il n’était pas question de changer de société, on imaginait des changement de politique, aujourd’hui le problème est d’une autre nature. Je le disais tout à l’heure, quand on vous propose de supprimer la liberté d’enseignement, de supprimer la liberté des soins, quand on vous propose de créer des offices fonciers cantonaux, c’est à dire en quelque sorte et en réalité de municipaliser les sols, quand on propose d’étatiser la totalité du crédit et de faire en sorte que vous ne puissiez plus obtenir de crédit qu’en passant par une bureaucratie installée, là ce n’est plus du tout un changement de politique, c’est un changement de structure profonde, c’est ce que j’appelle un changement au sens légal du terme révolutionnaire des bases même de cette société ».

Il nous explique de nouveau sa vision des choses entre les élections législatives de

1978 et celles de 1981 au cours de l’émission le grand débat le 1er juin 1981 sur

TF1 : « j’ai dû dire, je le suppose, mais ce n’était pas du tout l’un de mes arguments

qu’il fallait une majorité effectivement au président de la République pour gouverner. Je n’ai pas le souvenir de l’avoir dit mais il est possible et en tous les cas, j’ai dû le penser, seulement, et c’est le deuxième élément de ma réponse, les choses étaient tout à fait différentes. Nous avons eu pendant un certain temps des chefs d’Etat qui avec le général de Gaulle, avec Georges Pompidou assumaient une politique qui a d’ailleurs donné à la France la grandeur qui est aujourd’hui la sienne mais qui ne remettait en cause aucun des principes essentiels sur lesquelles reposent l’organisation de notre société et notamment aucune des libertés fondamentales auxquelles nous sommes attachés, aujourd’hui le problème se pose en des termes tout à fait différents … ».

Il déclare que le programme socialiste entre une logique de rupture et remet en cause des libertés fondamentales : « nous avons un président de la République qui a été élu

sur un programme qu’il a développé longuement et qui est le projet socialiste ... peut- être pas tout à fait mais en tous les cas, le président de la République a indiqué à maintes et maintes reprises lorsqu’il était candidat et durant sa campagne qu’il souscrivait tout à fait à l’ensemble des propositions qui étaient faites par le parti socialiste. Il a d’ailleurs affirmé lui-même qu’il était le candidat du parti socialiste or dans ce projet, il y a une rupture, ce projet prévoit d’ailleurs une logique de rupture, ce n’est pas moi qui le dit, n’est-ce pas, c’est ce qui est écrit dans ce projet, avec les

principes de cette société. Une remise en cause d’un certain nombre des libertés auxquelles j’en suis persuadé la grande majorité de nos concitoyens sont attachés, qu’il s’agisse de la liberté de l’enseignement, qu’il s’agisse de la liberté du crédit ou d’un minimum de liberté du crédit, qu’il s’agisse de la liberté des transactions, de la liberté d’entreprendre, qu’il s’agisse de la liberté des soins médicaux, qu’il s’agisse d’un certain nombre de libertés sur lesquels nous reviendrons tout à l’heure en parlant je le suppose du projet socialiste ».

Il estime que le programme du parti socialiste ne peut pas être appliqué mais qu‘ils pourraient essayer de gouverner avec le président de la République afin de trouver un terrain d‘entente : « Il y a là un bouleversement, je dirais, de nature en réalité

révolutionnaire même s’il se fait de la façon la plus légale et je dirais aujourd’hui la plus sereine de nos traditions dans ce qu’elles ont de meilleures, ce qui fait que le problème est totalement différent et que ceux qui sont décidés bien sûr à assumer les changements indispensables, à éliminer les routines qui étaient trop nombreuses chez nous, sans aucun doute, mais sans pour autant remettre en cause les traditions qui ont fait la force de notre société et auxquelles nous sommes en réalité très attachés, pour la grande majorité d’entre nous, que ceux là se rassemblent pour dire au président de la République : « bien sûr le changement mais dans certains limites ». Nous ne sommes pas aujourd’hui disposés à avoir un régime de type collectiviste ou plus ou moins collectiviste qui remettrait en cause un certain nombre des choses auxquelles nous croyons. Et donc la situation est très différente de celle de 1978 et n’implique ni en 1978 ni aujourd’hui de crise institutionnelle … pour un cas où il y aurait une majorité différente du parti qui a soutenu le président de la République … ».

Il pense que les français doivent réfléchir aux conditions du changement de société :

« je n’ai pas du tout dit qu’alternance politique signifiait changement de société, je dis simplement que dans le cas particulier aujourd’hui, on nous propose, si le parti socialiste associé au parti communiste a demain la majorité de l’Assemblée, que la totalité des pouvoirs soient entre les mains d’hommes qui ont pour ambition de transformer de façon profonde notre société dans des conditions qui doivent en tous les cas être apprécié par nos concitoyens avant qu’un blanc seing ne leur soit donné ».

Il nous fait observer que le président de la République et le Premier ministre ont des pouvoirs différents qui se complètent : « nous avons une Constitution qui donne à

chacun des pouvoirs qui sont des pouvoirs différents. Prenons des exemples concrets pour voir dans quelle mesure une majorité à l’Assemblée Nationale différente de celle du chef de l’Etat peut ou non engager un processus de difficulté, ce que je ne crois pas au contraire, pour les différents pouvoirs. Prenons le pouvoir, par exemple, en matière de défense nationale, le président de la République est le chef des armées, c’est lui qui préside le comité des comités de défense, c’est lui qui le cas échéant prend la décision d’engager la force nucléaire de dissuasion et le Premier ministre est le responsable de la défense nationale, ceci c’est la Constitution, l’Assemblée ayant pour responsabilité de voter les crédits budgétaires de la défense nationale … ».

Il souligne une nouvelle fois qu'il serait mauvais de confier l'ensemble des pouvoirs à une seule formation politique : « je veux dire, tout cela est tout à fait cohérent, il y a

des pouvoirs dans nos institutions qui sont répartis entre le président de la République, le gouvernement et l’Assemblée, rien n’oblige à ce que l’ensemble de ces pouvoirs soient concentrés entre les mêmes mains et à ce que ce soit le comité directeur du parti socialiste qui nomme à la fois le président de la République ... ou le même parti politique qui détienne à la fois l’Assemblée Nationale, ce n’est pas nécessaire, il est vrai qu’il y a eu toute une période ... il y a d’autres éléments du pouvoir et la concentration vers laquelle on s’oriente aujourd’hui du pouvoir politique et du pouvoir social, je pense en particulier au pouvoir syndical entre les mêmes mains est un élément extrêmement dangereux pour notre démocratie ».

Il pense qu’il serait dangereux de concentrer tous les pouvoirs entre les mains d’un parti qui représente seulement un tiers des français : « je vous dis moi aujourd’hui

que face à un président de la République qui a été élu sur un programme, qui a été le candidat d’un parti politique, aujourd’hui le président de la République française avec un gouvernement qui est entièrement entre les mains ou quasiment d’un seul parti politique ... dans le passé, au moins, ils étaient deux mais enfin peu importe … Pour le moment, le gouvernement représente 28% des voix au premier tour, cela n’a jamais été le cas dans le passé mais je ne fais aucune critique sur ce point au gouvernement, strictement aucune, il est ce qu’il est, il est constitutionnel et il est parfaitement légitime. Je dis simplement que nous ne pouvons pas concentrer tous les pouvoirs

entre les mains d’un parti politique qui représente actuellement le quart des suffrages des français, c’est cela que je veux dire car cela c’est très dangereux ».

Il démontre qu’ils sauront trouver un équilibre des pouvoirs entre gouvernement et président de la République et qu’ils mèneront une politique sans risque : « et s’il y a

demain une majorité, comme il y aura probablement, comme je le souhaite, et com me ce sera, je le pense, le cas, qu’il y ait une majorité qui, je dirais, s’inspire des principes que je défends qui soit celle de l’Union de la Nouvelle Majorité. Eh bien, vous n’aurez aucune crise institutionnelle, vous aurez simplement une majorité, un gouvernement et un président de la République qui dans un esprit de concertation élaboreront en commun une politique qui sera sans aucun doute celle du changement mais qui permettra probablement d’éviter le risque qu’impliquerait le cas contraire ».

Il explique qu’ils définiront une politique nationale au terme d’une concertation entre hommes de bonne volonté : « ce ne sera pas une négociation, d’abord, le président de

la République a un certain nombre de pouvoirs dans le domaine de la politique étrangère comme dans d’autres et que ce ne sont certainement pas les représentants de la nouvelle majorité qui contesteraient les pouvoirs du président de la République ... au terme d’une concertation entre hommes dont personne ne peut soupçonner la bonne foi ni la bonne volonté, sera définie une politique, qui, certainement émanant de plusieurs sensibilités représentant mieux l’ensemble des français, serait plus conforme aux intérêts de la France ... Je ne vois vraiment pas où il pourrait y avoir un risque de blocage ou alors il faudrait vraiment que les uns ou les autres y mettent une mauvaise volonté que je n’imagine pas aujourd’hui alors que la France doit faire face à de grandes difficultés. Ce dont la France a besoin aujourd’hui, c’est d’un rassemblement de l’ensemble de ces bonnes volontés, c’est en quelque sorte d’une majorité d’union nationale pour surmonter les difficultés qui sont les siennes et certainement pas de se chipoter pour des raisons partisanes ».

Nous constatons donc que l’argumentaire de campagne de Jacques Chirac pour les élections législatives de juin 1981 entre en complète contradiction avec celui des campagnes gaullistes des années 1960 et 1970. Jacques Chirac avait d’ailleurs lui même expliqué au cours des élections de 1978 qu’il fallait une majorité parlementaire conforme à la majorité qui avait élu le président de la République. Il considérait ainsi

que si la gauche l’emportait, il y aurait une grave crise institutionnelle, il respectait mais se dissociait entièrement de l’attitude de Valéry Giscard d’Estaing qui semblait alors s’accommoder de l’arrivée de la gauche au pouvoir. Le président du RPR propose maintenant de voter pour une majorité parlementaire qui soit différente de la majorité présidentielle, de celle qui est actuellement au pouvoir, cela entre donc clairement en contradiction avec sa vision et sa doctrine institutionnelle originelle.

Les commentaires du président de l'UDF Jean Lecanuet

Jean Lecanuet a été ministre de la justice entre mai 1974 et août 1976 et ministre du plan chargé de l'aménagement du territoire entre août 1976 et mars 1977. Il a également été à de nombreuses reprises responsable de parti politique : président du Centre Démocrate entre février 1966 et mai 1976, président du Centre des Démocrates Sociaux entre mai 1976 et juin 1982 et enfin président de l'Union pour la Démocratie Française au cours des années 1978-1988. Il a, à ce titre, soutenu la candidature du président Valéry Giscard d’Estaing aux élections présidentielles de mai 1981. Suite à sa défaite, il mène ardemment le combat au nom du centre droit au cours des élections législatives de juin 1981 et même se ce n’est pas son inclinaison, il semble lui aussi chercher à cohabiter avec le nouveau chef de l‘Etat. Nous allons chercher à déceler ses intentions vis à vis de la notion de cohabitation au cours de ses nombreuses déclarations lors de la campagne pour les élections législatives de 1981.

Jean Lecanuet est invité d'une émission spéciale législatives le 26 mai 1981 sur Antenne 2, il pense que François Mitterrand devra gouverner avec une majorité conservatrice si les électeurs en décidaient ainsi : « vous visez un autre problème qui

mérite attention, comment pourraient fonctionner nos institutions avec un président socialiste et une majorité démocrate, sociale mais non socialiste … c'est le problème qui s'était posé en 1978, je vous rappelle que monsieur Giscard d'Estaing avait déclaré à cette époque que si par malheur le pays lui envoyait une majorité socialiste et communiste, eh bien, il s'efforcerait de sauvegarder l'essentiel, il n'avait pas dit, je démissionne, je rompt, je créé une crise des institutions. Je vous rappelle que monsieur Mitterrand avant son élection a fait la même déclaration, il a déclaré qu'il gouvernerait avec quoi ? avec le majorité qui sortira des urnes et tout mon effort ainsi que celui de nos associés dans l'Union pour une Nouvelle Majorité, c'est de faire en sorte qu'il y ait une majorité qui reste libérale, attaché à l'économie de marché et qui ait une volonté sociale mais qui nous préserve de la marche vers le collectivisme ».

Il explique que le président de la République devra nommer un Premier ministre issu des rangs de cette nouvelle majorité : « s’il y a une nouvelle Assemblée, le président

de la République va nommer un Premier ministre et je vous répète ce que nous disions au début de notre entretien, monsieur Mitterrand a déclaré avant l'élection

qu'il gouvernerait avec la majorité sortie des urnes, d'où je conclus pour ma part, que si les français envoient une majorité fidèle à l'économie de marché, évitant tous les risques du programme socialiste, et qui est cependant une majorité de progrès, de progrès social, monsieur Mitterrand choisira son Premier ministre dans les rangs de cette majorité nouvelle issue des élections ».

Jean Lecanuet est invité de l'émission soir 3 le 9 juin 1981 sur FR3, il pense que les responsables de l’opposition devront chercher à se rapprocher des positions de François Mitterrand : « si les élections nous donnent la majorité, je ne pense pas

mais je parle à titre tout à fait personnel que monsieur Mitterrand démissionne, je ne le pense pas parce qu'il a dit lui même et avant son élection qu'il gouvernerait avec la