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François Mitterrand a été élu président de la République en mai 1981 et ses deux Premiers ministres socialistes, Pierre Mauroy et Laurent Fabius ont été chargés de mettre en œuvre sa politique au cours des années 1981-1986, un changement de majorité à l’Assemblée Nationale devient toutefois fortement envisageable au cours des années 1984-1986 et le chef de l’Etat est naturellement amené à se situer vis à vis d’une probable cohabitation avec la droite à l’occasion des élections législatives de mars 1986. Nous allons chercher à révéler ses intentions vis à vis de la notion de cohabitation au cours de ses nombreuses déclarations dans les années 1981-1986.

François Mitterrand réalise une émission télévisée à l’Elysée le 16 janvier 1985, il déclare à ses interlocuteurs qu’il ne souhaite pas examiner l'hypothèse d’une alternance à l'occasion des élections législatives de mars 1986 : « je me refuse à

examiner cette hypothèse, je ne me place pas dans cette hypothèse, je fais mon travail, je le fais vraiment, je le crois avec conscience, selon les convictions que j’en ai. Ces convictions peuvent choquer tel et tel français mais je les respecte, j’espère qu’ils me respectent aussi, cela, c’est le jeu démocratique, c’est normal. Mais je crois à la politique que je mène, je crois à la politique qu’à l’heure actuelle conduit le gouvernement, je crois à l’intelligence, à la générosité et au courage des français, tout cela réunit peut faire que votre pronostic soit finalement infirmé ».

François Mitterrand réalise son entretien télévisé du 14 juillet 1985 dans les jardins du palais de l'Elysée, il exprime son soutien au gouvernement actuel : « il y a un

gouvernement de la République, il est conduit par Laurent Fabius ... je souhaite non seulement que Laurent Fabius puisse longtemps gouverner la France car c’est un chef du gouvernement remarquable. Et bien entendu, j’espère aussi que nous aurons pu d’ici le mois de mars convaincre les français de cette vérité, à savoir, qu’il n’y a pas d’autre politique qui puisse être faite pour redresser la France, la moderniser, pour développer la création, pour la préparer pour les temps qui viennent, alors dans ce cas là, je me place dans la situation psychologique et morale de gagner cette bataille ».

Il nous explique qu’il respecte parfaitement la Constitution dans la pratique de sa fonction de président de la République : « il suffit de s’en tenir aux textes, les textes

ont été votés par le peuple français à une forte majorité, dont je n’étais pas, mais mon devoir je le connais, respecter les textes. Et les textes disent que le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation, c’est donc à Laurent Fabius qu’il importe de déterminer et de conduire la politique de la Nation. Le président de la République, surtout depuis son élection au suffrage universel, a non seulement une fonction institutionnelle précise mais aussi une fonction morale et d’autorité qui n’est pas discutée … je vous dirais simplement que par l’article 15, il est le chef des armées, je l’ai rappelé tout à l’heure, par l’article 5, il est le garant du respect des traités et par l’article 52, il négocie et il ratifie les traités, avec cela, il y a de quoi faire. Bien entendu, cela ne peut se faire qu’en relation constante avec le gouvernement, c’est ce que je fais actuellement. Il n’y aucune raison de considérer que le président de la République et le gouvernement sont deux entités entièrement séparées mais chacun a son rôle, cela est constitutionnel, quant à ce fameux secteur réservé dont tout le monde parle, moi, j’ai toujours été contre et je suis toujours contre, ce que je viens d’évoquer à l’instant, ce n’est pas le secteur réservé, ce sont les pouvoirs conférés par la Constitution au président de la République ».

Il affirme qu’il respectera la volonté populaire lorsqu’elle s’exprimera à nouveau lors des élections : « le pays a le droit de choisir la majorité qu’il désire et le

président a pour devoir de respecter cette volonté et j’espère bien, je ferais tout pour cela, pour que cette volonté coïncide avec l’intérêt profond du pays, l’intérêt historique qui veut le maintien de cette majorité, telle est ma conception en tout cas ».

François Mitterrand prononce une déclaration au cours d’une conférence de presse à l’Elysée le 21 novembre 1985, il souhaite parler des réussites du gouvernement de Laurent Fabius : « on peut être pour ceux qui gouvernent et on peut être contre, c‘est

cela la loi de la démocratie, bien entendu, j’ai mes préférences et vous les connaissez. Mais je trouve par exemple que l’on ne rend pas justice autant qu’il le faudrait à l’actuelle majorité, eh oui, à l’actuelle majorité, tant combattue mais qui assainit chaque jour l’économie, qui par sa lutte victorieuse pour la première fois depuis si longtemps contre l’inflation se donne les moyens d’accroître le pouvoir d’achat des français et particulièrement des travailleurs, qui modernise notre appareil industriel, qui forme hommes et femmes au métiers de demain qui sont déjà les métiers d’aujourd’hui dont la politique culturelle, scientifique, sociale, n’a pas eu d’équivalent depuis la dernière guerre. Oui, je n’ai pas de raison de le taire, je crois que l’intérêt de la France est de poursuivre cette politique et je le dis, mais bien entendu les français sont maîtres de leur décision, cette décision n’est pas acquise, quand elle le sera, le devoir de chacun sera de la respecter ... ».

Il pense que les français ne rendent pas justice au gouvernements de Pierre Mauroy et de Laurent Fabius : « les français ne rendent pas justice à la majorité actuelle, il

faut qu’ils considèrent ce qui a été accompli, l’immensité de ce qui a été accompli et l’utilité de ce qui a été accompli et le bon travail du gouvernement, l’énorme travail du gouvernement, des gouvernements avec Pierre Mauroy, avec Laurent Fabius. Un gouvernement fort bien conduit par un Premier ministre qui a toute ma confiance et mon amitié par dessus le marché. Donc c’est simple, que ces responsables-là s’adresse à l’opinion publique, de telle sorte que les français admettent de plus en plus que ce que nous disons correspond à la réalité. Ce dont on doute parfois, puisque que quand on dit qui est-ce qui a le mieux réduit l’inflation ? alors qu’entre 1976 et 1981, elle a atteint le sommet d’environ 14 % et que nous l’avons fait redescendre à 5%, on fait un sondage, on dit qui a fait le mieux ? Et bien souvent on dit, ceux d’avant, c’est tellement évident que c’est une erreur qu’il y a là, non pas par manque d’informations car vous le dites mais il faut du temps, il faut du temps pour qu’on se convainque en France, la majorité des français, que la gauche, que les forces populaires peuvent bien gérer, j’ai failli dire mieux gérer que les autres … ».

Il explique à nouveau qu’il s’inclinera devant le verdict des urnes : « eh bien, que la

majorité, que ses responsables mènent ce combat démocratique avec le sourire mais avec fermeté et qu’ils se fassent entendre et puis quand le résultat viendra, je ferais comme tout le monde, je m’inclinerais devant la décision. Et je dis comme tout le monde, enfin du moins, je l’espère, en tout cas, ce sera mon cas ».

Il assure qu’il assumera bien ses fonctions jusqu’au terme de son mandat : « le

président de la République est élu par le peuple pour une durée donnée, en la circonstance, c’est sept ans et pendant ces sept ans, il doit faire son devoir ».

François Mitterrand réalise un entretien télévisé le 9 décembre 1985 à l'Elysée, il confirme qu’il soutiendra la majorité actuelle aux élections : « pour la phase

présente, je vous garantis que l'effort du gouvernement qui est en train de réussir, qui a déjà obtenu sur le plan économique des résultats tout à fait remarquables, je vous garantis que cela sera poursuivi par ce gouvernement jusqu'à la dernière minute … ma préférence, je ne l'ai jamais dissimulée, ma préférence va à la majorité qui a soutenu tous mes efforts, qui a été parfaitement loyale. Il ne manquerait plus que cela, que je n'ai pas de préférence pour elle, quel est le français qui en doute ? ».

Il explique qu’il ne veut pas se situer dans la perspective d’une victoire du centre et de la droite et à envisager la cohabitation : « vous voulez me placer dans cette

situation, savoir comment je gouvernerais si l'opposition l'emportait, moi, je me place dans ce que j'ai appelé mon hypothèse favorite, la victoire de la majorité actuelle. Je n'ai pas répondu à votre question, j'en ai parfaitement conscience, j'ai toujours répondu cela parce que je ne veux pas jouer au chat et à la souris ».

Il déclare qu’il respectera la Constitution et les résultats des élections législatives :

« je n'ai pas voté la Constitution, elle existe, elle a été votée par le peuple français, c'est la loi suprême, je la respecte, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise d'autre ? Je la respecterai, on peut dire cela au présent, on peut dire cela au futur, il ne faut pas le dire au conditionnel. Le respect, le premier respect de la Constitution, même plus que cela, la démocratie, c'est de tenir compte de la majorité du peuple, le fait même qu'on me pose la question me paraît même bizarre. Le peuple s'exprime,

chacun et d'abord le chef de l'Etat doit s'incliner devant la volonté des français, c'est constitutionnel et c'est bien plus que cela, c'est la loi de la République ».

Il ne considère pas que l’élection des députés puisse remettre en cause son propre mandat : « le président de la République, lui, n'est pas en question quand on vote

pour des maires, des conseillers municipaux, des conseillers généraux, des députés, des sénateurs, que sais-je encore ? il n'est pas du tout en cause quand on vote pour élire le président du syndicat intercommunal d'électricité ».

Il annonce qu’il abordera le sujet de la situation de cohabitation le moment venu :

« j'examinerai cette question si elle devient réalité, en attendant, puisque la majorité actuelle n'est pas celle dont vous parlez, je respecte le droit de cette majorité et je souhaite que cette majorité puisse exposer dans des termes clairs à l'opinion, les raisons pour lesquelles elle mérite la confiance, et je trouve cette démarche saine. Mais je ne me mêle pas plus qu'il ne faut, même si j'ai envie de m'expliquer sur certains points qui touchent à la politique générale, ce qui est de mon domaine, de ce qui est de mon domaine, de ce qui est du domaine des autres, je veux dire, de ce qui est du domaine des députés, de ce qui est du domaine des sénateurs. J'ai envie de m'expliquer, je ne veux pas en abuser non plus, le combat législatif proprement dit, ce n'est pas non plus tout à fait mon affaire, en tout cas le vote des français c'est, pour les députés, le 16 mars prochain, c'est tout ce que j'ai à vous dire là-dessus ».

François Mitterrand est l'invité de l'émission Cela nous intéresse monsieur le président le 2 mars 1986 sur TF1, il souhaiterait une nouvelle fois que les français reconnaissent le bon travail effectué par la majorité actuelle : « j'entends bien

soutenir la majorité sortante : elle a bien travaillé, elle a été courageuse, elle a élargi le champ des libertés, elle a vraiment créé un réveil culturel formidable, elle a modernisé ou commencé de le faire, elle a commencé une sérieuse formation des hommes, des femmes, pour les métiers nouveaux. Eh bien, moi, j'estime que c'est mon devoir que d'être auprès de cette majorité pour dire : français, ne soyez pas injustes avec elle, bien entendu, plus les français le feront, même ceux qui ne sont pas des socialistes, qui ne se reconnaissent pas dans la majorité socialiste, et ceux qui veulent qu'il y ait harmonie, qui ne veulent pas interrompre une expérience qui est réussie, étant aussi bien entendu que si les autres veulent se réclamer de moi, j'en

serai ravi … J'entends, moi, ne pas participer à ce concert que j'ai dénoncé tout à l'heure comme le concert de l'hypocrisie. J'ai des responsabilités à l'égard de la majorité courageuse et qui réussit, je n'entends pas les abandonner aujourd'hui, c'est aux français de le dire et en tout cas, c'est aux français que je m'adresse, pour leur dire qu'il faut absolument qu'ils se rassemblent, le plus grand nombre possible ... ».

Il fait remarquer que les français devraient éviter, même s’ils ne partagent pas ses opinions politiques, d’instaurer cette nouvelle situation de cohabitation : « je ne leur

demande pas du tout de changer d'opinion, ils sont libres de leur vote, ils le savent bien mais je souhaite très vivement qu'ils évitent la période très difficile qui suivra ou qui suivrait les élections dès lors que l'on tirerait à hue et à dia ».

Il ne considère pas qu'il participe massivement à la campagne électorale et réfute donc les reproches de Valéry Giscard d’Estaing sur ce thème : « monsieur Valéry

Giscard d'Estaing … a pris lui-même ce risque à diverses reprises et dans les mêmes conditions, à diverses reprises, je l'ai dit pour commencer, donc, pourquoi rejeter les uns sur les autres toute une série de façon de faire ? J'ai créé la Haute Autorité, je me conforme à la morale politique, je me tairais pendant la campagne audiovisuelle qui commence demain, je n'interviendrai pas après la clôture des élections dans la campagne électorale, c'est-à-dire le 14 au soir, le 14 mars prochain. Je crois avoir assaini les mœurs dans ce domaine et je trouve que ces reproches sont immérités, c'est de la petite politique tout cela. Le général de Gaulle s'est contredit à la veille des élections de 1967 et à la veille des élections de 1968, tout le monde peut se tromper ».

Il souhaite montrer son impartialité à travers la nomination de membres de l’opposition dans diverses institutions : « le gouvernement nomme qui il veut, mais

par exemple, j'ai eu un mot à dire dans la nomination des représentants, personnes qualifiées, voyez, le terme est vague, cela permet de nommer qui on veut au Conseil économique et social, 40 nominations, sur les 40, 17 membres de l'opposition. Je vous donne ce chiffre pour montrer que je cherche à être équitable, et je n'ai à l'égard de l'opposition et des électeurs et des personnalités qui la composent aucune animosité ».

Il explique qu’il assumera en toutes circonstances ses responsabilités de président de la République : « je n'ai pas besoin de dramatiser, je ne dis pas que ce soit un drame,