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L ES TENDANCES OBSERVÉES : ENTRE COHÉRENCES ET CONTRADICTIONS DES DOCTRINES INSTITUTIONNELLES

Nous avons constaté au cours de cette première partie que les principaux responsables politiques français, socialistes, communistes et conservateurs se sont déterminés de manière très différente vis à vis de la notion de cohabitation au cours des années 1958-1981. Les présidents de la République Charles de Gaulle et Georges Pompidou ne se sont pas clairement déterminés vis à vis de la notion de cohabitation, restant assez mystérieux et évasifs sur le sujet au cours des années 1958-1974. François Mitterrand et Georges Marchais, deux des principaux responsables de l'opposition entre 1958 et 1981 se sont eux en revanche converti très tôt à la notion de cohabitation, désirant cohabiter avec la droite en cas de victoire aux élections législatives de mars 1967, mars 1973 et mars 1978. Le président de la République Valéry Giscard d'Estaing et le président du RPR Jacques Chirac ont enfin eu des doctrines institutionnelles contradictoires vis à vis de la lecture de la Constitution du chef de l’État et de son acceptation d’une cohabitation avec la gauche lors des élections législatives de mars 1978. Nous allons maintenant chercher à mettre en

évidence les tendances observées relatives à la cohérence et à la contradiction des doctrines institutionnelles de ces responsables politiques vis à vis de la notion de cohabitation au cours des années 1958-1981.

a. Les doctrines institutionnelles contradictoires des trois premiers présidents de la 5ème République vis à vis de la notion de cohabitation au cours des années 1958- 1981

Les présidents de Gaulle, Pompidou et Giscard d'Estaing ont chacun eu une lecture différente de la Constitution vis à vis de la notion de cohabitation.

Le général de Gaulle, président de la République, avait, de toute évidence, une haute idée de sa fonction et des institutions de la 5ème République, il a ainsi régulièrement conditionné son maintien au sommet de l'Etat au résultat de ses nombreux référendums, il a ainsi choisi de démissionner à l'issue de l'échec du référendum d'avril 1969. Il n'a en revanche pas été amené à faire directement part aux français de sa position face à une éventuelle coexistence institutionnelle au moment des élections législatives mais la teneur de ses conversations avec Alain Peyrefitte nous éclaire sur sa pensée et son probable comportement dans une telle situation : s'il avait connu un désaveu aux élections législatives, il aurait démissionné immédiatement, si en revanche la majorité à l'Assemblée Nationale avait perdu la majorité de dix, vingt, trente, quarante voire même cinquante sièges, il n'aurait pas démissionné mais aurait choisi de nommer des hauts fonctionnaires, des hommes de la société civile afin de former un nouveau gouvernement qui aurait été conduit à se présenter devant l’Assemblée Nationale. Cette dernière aurait été amenée à se déterminer par rapport à ce gouvernement et à décider si elle lui accordait oui ou non sa confiance.

Son successeur Georges Pompidou est au contraire resté intentionnellement évasif vis à vis de son attitude en cas de victoire de la gauche aux élections législatives de mars 1973. Nous sommes ainsi conduit à formuler des hypothèses : il aurait pu choisir de démissionner à l'issue des élections législatives, notamment si la victoire de la gauche était importante, ou il aurait pu tenter l'expérience de la cohabitation avec la gauche.

Valéry Giscard d’Estaing a enfin eu une lecture de la Constitution assez différente de ses deux prédécesseurs gaullistes vis-à-vis de la notion de cohabitation au cours de sa présidence, il nous a en effet fait part de son souhait de rester en fonction si l’opposition sortait victorieuse des élections législatives de mars 1978 : il expliquait qu'il avait été élu en 1974 par les français pour un mandat de sept ans et qu'il tenait à accomplir jusqu'au bout son mandat, il devenait ainsi le premier président de la République à se mettre à l’avance dans une éventuelle situation de cohabitation.

b. Les contradictions institutionnelles du président du RPR Jacques Chirac vis à vis de la notion de cohabitation au cours des années 1974-1981

Jacques Chirac, le président du mouvement gaulliste, a eu un avis assez incohérent vis-à-vis de la notion de cohabitation au cours des années 1974-1981. Il avait ainsi refusé de concevoir une cohabitation entre le président de la République et la gauche à l’occasion des élections législatives de 1978 parce qu’il souhaitait que la majorité parlementaire soit conforme à la majorité qui avait élu le président de la République. Il respectait mais se dissociait entièrement de l’attitude de Valéry Giscard d’Estaing qui semblait s’accommoder d’une telle situation institutionnelle. Jacques Chirac a ensuite proposé de voter pour une majorité parlementaire qui soit différente de la majorité présidentielle au cours des élections législatives de 1981. Nous avions donc là un désaccord manifeste entre ces deux doctrines institutionnelles.

c. La cohérence institutionnelle du principal responsable de l'opposition François Mitterrand vis à vis de la notion de cohabitation au cours des années 1958-1981

François Mitterrand a eu, au contraire, un avis assez cohérent vis-à-vis de la notion de cohabitation au cours des années 1958-1981, il pensait ainsi que socialistes et communistes auraient toute liberté de gouverner dans le cadre d’une cohabitation avec les présidents de Gaulle, Pompidou et Giscard d’Estaing suite à d’éventuelles victoires aux élections législatives de mars 1967, mars 1973 et mars 1978 mais qu’ils sauraient naturellement respecter la fonction et les prérogatives du chef de l'Etat. François Mitterrand imaginait également de la même manière que s’il était lui-même élu président de la République en mai 1981, il serait, certes probable, d’assister à une nouvelle victoire des mouvements de gauche aux élections législatives mais qu'il laisserait la droite gouverner si elle conservait la majorité au palais Bourbon.

Ces premières tendances sont intéressantes parce qu'elles nous révèlent plusieurs choses, les responsables politiques socialistes semblent avoir eu un avis assez cohérent vis à vis de la notion de cohabitation au cours des années 1958-1981 mais les responsables conservateurs semblent avoir eu, au contraire, un avis assez incohérent. Ces derniers, avec leurs attitudes contrastées et leurs contradictions institutionnelles, s’avèrent donc s'être clairement déterminés en fonction de leurs intérêts politiques et de la situation politique donnée au cours des années 1958-1981.