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POLITIQUES ET LEURS DOCTRINES INSTITUTIONNELLES VIS À VIS DE LA NOTION DE COHABITATION

Nous allons maintenant nous intéresser à la lecture de la Constitution et aux doctrines institutionnelles des responsables politiques vis à vis de la notion de cohabitation et nous nous référerons dans ce cadre aux commentaires et aux réflexions des professeurs Vlad Constantinesco, Anne-Marie Le Pourhiet, Stéphane Pierré-Caps et Hugues Portelli. Nous aurons ainsi notamment une idée sur la manière dont les différents présidents de la République ont pu lire la Constitution et aborder leur rôle institutionnel à l’occasion des élections législatives qui ont lieu en cours de mandat.

Les successeurs du général de Gaulle n'ont pas su maintenir une responsabilité présidentielle populaire selon Anne-Marie Le Pourhiet

Le professeur Anne-Marie Le Pourhiet considère que les successeurs du général de Gaulle à l’Elysée n‘ont pas su maintenir les principes d‘une responsabilité présidentielle populaire et ont entraîné la succession des cohabitations : « si le texte de la Constitution, lu à la lumière de la règle du contreseing, en principe déterminante en régime parlementaire, tend objectivement à faire du chef de l’Etat un arbitre et du Premier ministre un capitaine, la pratique inaugurée par le général de Gaulle puis la portée donnée à l’élection du président de la République au suffrage direct, ont tordu l’interprétation de la Constitution pour la faire dévier vers le présidentialisme. Si la pratique gaullienne du régime avait réussi à sauver les principes par le développement d’une responsabilité présidentielle populaire, les successeurs du général de Gaulle n’ont pas su ni voulu les maintenir de telle sorte que le régime est progressivement devenu illisible et contestable. La survenance de majorités parlementaires opposées au président de la République sans que celui-ci démissionne, a généré des situations de cohabitation qui ont contribué à obscurcir l’identification et la présentation du régime politique français et à répandre une irresponsabilité généralisée ».10

Les présidents de la République entre 1974 et 2002 ont partagé la même lecture parlementaire de la Constitution selon Hugues Portelli

Le professeur Hugues Portelli met en évidence le fait que les présidents de la République Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand et Jacques Chirac ont tous eu la même lecture parlementaire de la Constitution à l’occasion des élections législatives qui ont eu lieu au cours de leurs mandats : « le seul point commun à ces trois situations est l’acceptation de la lecture « parlementaire » de la Constitution. A la différence de l’approche gaullienne du président responsable politiquement devant le peuple et donc tirant les conclusions (démission) d’un échec et surtout d’une

capitis diminutio de ses prérogatives, François Mitterrand et Jacques Chirac (et déjà

Valéry Giscard d’Estaing en 1978, à la veille de législatives qu’il n’était pas certain de gagner) ont considéré à l’avance qu’un président privé de majorité parlementaire devait rester en fonctions, quitte à se replier sur son « pré-carré » constitutionnel. Privé d’une bonne partie de ses fonctions d’autorité mais gardant ses fonctions d’arbitrage, c’est à dire de garantie, le président en passe de cohabiter doit rester de toute façon en fonctions et s’adapter à la nouvelle donne politique … ».

Il s’intéresse premièrement à l’attitude de Valéry Giscard d’Estaing en mars 1978 : « en 1978, face au risque de victoire de la gauche aux législatives de mars, Valéry Giscard d’Estaing avertit qu’il n’a pas constitutionnellement les moyens de s’opposer à l’application du programme commun (discours de Verdun-sur-le-Doubs du 17 janvier 1978), mais qu’il demeurera en fonctions comme « garant des institutions et protecteur des libertés des Français » (discours du 27 janvier 1977) ».

Il s’attarde ensuite sur l’attitude de François Mitterrand lors des élections législatives de mars 1986 et de mars 1993 : « de façon plus systématique, face à l’échec inévitable de la majorité présidentielle aux législatives de 1986, François Mitterrand a pu l’anticiper et préparer à l’avance sa défense constitutionnelle. Celle-ci est longuement martelée dans les mois qui précédent les élections de mars 1986 : la principale prérogative qu’il conservera sera le pouvoir d’interprétation de la Constitution donné au chef de l’Etat qui sera largement invoqué par la suite ; la deuxième sera le pouvoir d’arbitrage ou de garantie que lui donne l’article 5 de la Constitution (fonctionnement régulier des pouvoirs publics et pouvoirs de crise qui

lui sont liés, continuité de l’Etat) ; la troisième, la direction de la diplomatie et de la défense. Ces trois pouvoirs ne sont pas négociables et la future majorité parlementaire y consentira avant même sa victoire électorale. A la veille de l’alternance de 1993, où la défaite s’annonce encore plus inéluctable, ces trois compétences constitutionnelles seront rappelées par François Mitterrand, « au risque d’être répétitif » ».

Il termine enfin avec l’attitude de Jacques Chirac à la suite de la dissolution et des élections législatives de 1997 : « en 1997, alors que l’hypothèse de l’échec n’est pas envisagée à la veille de la dissolution, Jacques Chirac ne dispose d’aucune doctrine constitutionnelle, sinon, implicitement, de celle héritée de François Mitterrand ».11

La question de la responsabilité politique du président de la République à l’occasion des élections législatives selon Vlad Constantinesco et Stéphane Pierré-Caps

Les professeurs Vlad Constantinesco et Stéphane Pierré-Caps nous expliquent que la question de la responsabilité politique du président de la République se pose particulièrement à l’occasion des élections législatives qui ont lieu au cours de son mandat : « la question de la responsabilité politique du président de la République se pose à propos des élections législatives, dans la mesure où la majorité parlementaire se situe politiquement par rapport au président de la République, ce qui explique par là même la problématique de la cohabitation. L’économie de la 5ème République tend donc bien à l’implication politique du chef de l’État dans les élections législatives, a fortiori lorsque la dissolution de l’Assemblée nationale procède d’une appréciation discrétionnaire du chef de l’État, comme en 1997, ou lorsque celui-ci tend à dramatiser l’enjeu de ces élections, comme le fit le président Giscard d’Estaing dans son célèbre discours de Verdun sur le Doubs, le 27 janvier 1978, tout en précisant que leur résultat ne conditionnait pas son propre mandat. En tout état de cause s’agit-il bien plus d’une question de fait, tenant à l’opportunité politique et à l’attitude propre du chef de l’État concerné, que d’une question de droit : si aucun président de la 5ème République n’a témoigné d’un engagement de sa responsabilité politique lors des élections législatives, aucun, non plus, ne s’est politiquement désintéressé de la

configuration d’une majorité parlementaire qui se définit par rapport à lui, comme le montrent les dissolutions de 1981 et de 1988 ».12

12 Vlad Constantinesco, Stéphane Pierré-Caps, Droit constitutionnel, 7ème édition, août 2016, page

5. C

OMMENTAIRES ET RÉFLEXIONS INSTITUTIONNELLES SUR LA NATURE CONSTITUTIONNELLE ET INSTITUTIONNELLE DE LA COHABITATION

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LE RÉGIME SEMI PRÉSIDENTIEL DE LA

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ÈME