Partie III : Vers un outil d’analyse de risques en co-développement avec les fournisseurs141
Chapitre 7 . Développement d’un outil d’analyse de risques en co-développement avec les
3. Réflexion autour des actions préventives
Après avoir identifié les dysfonctionnements potentiels d’un co-développement avec un
fournisseur et déterminé quels sont ceux à considérer en priorité, nous allons considérer
maintenant les actions préventives à mettre en place pour que le dysfonctionnement
n’apparaisse pas.
Nous avons donc proposé une manière d’évaluer la criticité des dysfonctionnements
potentiels en co-développement avec les fournisseurs afin de les hiérarchiser. Ce travail s’est
fait en interaction avec deux équipes projets Somfy et a été conforté par des retours externes
nous ayant permis d’enrichir notre proposition.
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Nous avons mobilisé deux sources d’information pour aboutir à une réflexion concernant ces
actions préventives : les équipes projets P1 et P2 avec chacune desquelles nous avons envisagé
des actions de prévention pour éviter les dysfonctionnements rencontrés durant leurs projets
respectifs lors de séances de travail ; le groupe d’industriels réunis lors de la journée de travail
organisée au laboratoire G-SCOP avec qui nous avons réfléchi aux actions à mettre en œuvre
pour que les dysfonctionnements propres au co-développement n’apparaissent pas.
Le Tableau 7-2 présente les suggestions d’actions préventives issues de ces discussions selon
quatre catégories :
Les actions au niveau du projet qui concernent les modalités propres au travail des
équipes projets cliente et fournisseur entre elles durant le projet de co-développement
Les actions au niveau de la relation avec le fournisseur et du management de la
collaboration dans le cadre du projet mais aussi en dehors du projet
Les actions au niveau stratégique en interne chez le client concernant la position adoptée
face au co-développement et à ce qui est gardé en interne ou délégué
Les actions à mettre en œuvre de manière générale au sein de l’entreprise en vue de se
lancer dans des projets de co-développement
En effet, nous parlons ici de suggestions car selon le contexte propre à l’entreprise concernée,
des éléments d’adaptation sont à prévoir. Toutefois, ces éléments permettent aux équipes
projets d’avoir une première base d’actions préventives à disposition lors de l’utilisation de
l’outil.
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Tableau 7-2. Propositions d'actions de prévention pour le bon déroulement des projets de
co-développement avec les fournisseurs
Au niveau du projet
Clarifier les choses en amont : fréquence des rencontres, réunions, matrice de communication, rôles et
responsabilités
Partager le phasage projet et les ajustements nécessaires
Construire une compréhension commune du projet et des attentes
Mettre en place une communication multi-fonction
Définir une liste des livrables par phase et la communiquer au fournisseur
L'équipe projet est-elle ouverte à ce genre de collaboration ?
S'assurer que le fournisseur est capable de faire du co-développement
Eviter les temps morts où l'on ne donne pas de nouvelles au fournisseur car il risque de ne plus fournir le même
degré d'investissement
Définir et hirarchiser les critères de sélection fournisseur, savoir ce que l'on va chercher chez le fournisseur,
quelles compétences
Réfléchir sur les éléments sur lesquels on est prêts à faire des compromis ou non
A T0 avoir une liste de fournisseurs potentiels
Se demander les raisons du co-développement : chercher des compétences ou des ressources ?
Viser une contractualisation au bon niveau et au bon moment
Envisager éventuellement des contrats évolutifs selon l'avancement de la collaboration
Allouer des ressources suffisantes
Se montrer ouvert aux discussions concernant les spécifications
Demander au fournisseur de formaliser une discussion des spécifications
S'assurer que le fournisseur s'est bien approprié les objectifs
Réfléchir à la manière dont on envisage de qualifier le produit
Adapter les spécifications aux compétences du fournisseur
Détecter les incompréhensions au plus tôt, ne pas hésiter à vérifier et à reformuler pour être clair
Analyser les causes d'incompréhension du fournisseur
Communiquer
Dès le départ, identifier l'interlocuteur chef de projet chez le fournisseur
Sensibiliser les membres de l'équipe projet sur les impacts des actions de chaque métier sur les autres métiers
Rendre l'information visible, accessible et connue par tous
Avoir un besoin clairement exprimé et des objectifs partagés
Partager les informations en interne pour être au même niveau d'information et communiquer d'une même
voix avec le fournisseur
Au niveau relationnel avec le fournisseur
Avoir beaucoup de proximité, de visites chez le fournisseur
Etre présent au maximum chez le fournisseur et organiser des rencontres régulières
Impliquer le fournisseur au plus tôt
Instaurer une relation de confiance et de transparence
Se demander si on est capables de travailler à l'international, avec une autre culture, si l'on maitrisera la langue
Se demander si notre culture industrielle et celle du fournisseur sont compatibles
Ne pas s'arrêter à la première réponse du fournisseur notamment dans le cas d'un fournisseur en Asie
Prendre le temps d'apprendre à se connaitre, de mieux se comprendre
Avoir un représentant sur place lors d'une relation avec l'Asie
Compréhension/connaissance des différences de culture et de leur influence sur les relations. Ne pas
sous-estimer l'impact sur le planning
S'assurer que les gains respectifs sont toujours présents pour garantir l'implication, la motivation et la
disponibilité
Prendre le temps de faire des retours réciproques et fréquents
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Tableau 7-2 suite
Au niveau stratégique
Avoir une stratégie claire et correctement communiquée en matière de co-développement au sein de
l'entreprise
Définir clairement ce que l'on délègue, co-développe ou développe seul
Garder le cœur de métier en interne et s'appuyer sur les partenaires pour le reste
Avoir une vision, par technologie, des fournisseurs aptes ou non au co-développement dans la base
fournisseurs
Les commodity managers doivent prendre en compte les enjeux du projet tout en ne perdant pas de vue la
stratégie panel et réciproquement
De manière générale
Organiser des salons/journées fournisseurs
Fédérer les équipes, mettre en avant les gens, notamment les métiers de la technique
Promouvoir la communication en interne
Capitaliser sur les projets passés et les erreurs
Organiser des réunions de préparation en interne en amont
Toujours clore un projet de co-développement par un événement commun avec le fournisseur, rappeler les
objectifs et les résultats obtenus afin de terminer sur une note positive
Effectuer en permanence une veille technologique et achats
Intégrer des critères adaptés au co-développement dans les grilles d'audit fournisseur
Mettre en place une "boîte à outils" juridique adaptée au co-développement et faire évoluer les contrats en
conséquence
Garder à l'esprit que co-développer ne signifie pas avoir besoin de moins de ressources en interne allouées au
projet car il faut des ressources pour piloter ce genre de relation
Il est à noter qu’un certain nombre d’actions mentionnées recoupent les bonnes pratiques
propres au management de projet de manière plus générale. Il s’agit des actions relatives à la
communication nécessaire de manière générale dans un projet, de la définition des objectifs, des
rôles, de l’instauration d’un climat de confiance et de transparence, de fédérer les équipes et de
capitaliser sur les erreurs commises. Au sujet de la communication, de la fédération des équipes,
de la sensibilisation de l’impact des actions des uns sur les autres métiers, il a été judicieusement
mentionné au cours de la journée de travail que « la réussite dépend de l’implication de chacun ».
Ainsi, il est important de sensibiliser chacun à l’importance de ces éléments.
En ce qui concerne la nécessité d’intégrer des critères adaptés au co-développement dans
les grilles d’audit fournisseur, la personne de l’entreprise E4 a mentionné que cette entreprise
a adapté sa catégorisation des fournisseurs présents dans sa base. En effet, auparavant, les
fournisseurs étaient essentiellement évalués en fonction de leurs capacités de production.
Désormais, des critères de capacité de développement ont été intégrés aux grilles d’audit et
d’évaluation fournisseur.
La nécessité, mentionnée dans ces actions, de déterminer si à la fois l’entreprise cliente et
l’entreprise fournisseur sont aptes à faire du co-développement peut être accompagnée par
les outils PRAXIS mentionnés au Chapitre 1. En effet, un des outils PRAXIS développé permet aux
équipes clientes, en amont de la collaboration, de s’auto-évaluer sur leur habilité à
co-développer. L’autre outil est un outil d’audit fournisseur sur l’habilité de l’équipe à mener des
projets de co-développement avec ses clients.
La nécessité de se demander quelles sont les raisons du co-développement et de savoir si ce
qui est recherché est des compétences non détenues en interne ou bien une alternative à un
manque de ressources en interne a été mentionnée durant la journée de travail. Les
interlocuteurs présents ont en effet parlé des motivations au co-développement et notamment
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de « mauvaises » motivations. Ainsi, le manque de ressources en interne est apparu comme
mauvaise motivation au co-développement dans la mesure ou le « vrai » collaboratif selon ces
interlocuteurs « c’est lorsque les deux partenaires ont des connaissances et créent de nouvelles
connaissances ensemble ». Par ailleurs, co-développer demande de toute façon d’avoir des
ressources en interne car déléguer ne veut pas dire qu’il n’y a pas besoin d’un suivi régulier et
pointu, au contraire.
La nécessité de se doter d’une boîte à outils juridique adaptée à ce genre de collaboration a
également été mentionnée. En effet, les contrats associés à un projet de co-développement
doivent être adaptés à ce contexte précis et contenir des éléments particuliers notamment en ce
qui concerne les responsabilités en cas de problème ou le partage des bénéfices par exemple. De
plus, comme ce genre de collaboration est encore en cours de mise en place dans les entreprises,
les services juridiques n’ont pas toujours mis en place les contrats adaptés. Il faut donc
«apprendre en marchant » comme précisé par un membre de l’équipe projet P2. Une des
suggestions faites, lors d’une discussion avec un commodity manager Somfy, serait de mettre en
place une sorte de contrat évolutif qui figerait un certain nombre d’éléments nécessaire au
lancement de la collaboration et constituant une marque d’engagement vis-à-vis du fournisseur
puis verrait des éléments évoluer avec l’avancement de la collaboration. Ce type de contrat est
également mentionné par Nellore (2001). Il est en effet délicat de prévoir un certain nombre
d’éléments propres au co-développement dès les prémices de la collaboration ce qui retarde
souvent la signature des contrats. En effet, dans la relation avec SOL, le contrat a mis un an avant
d’être signé par peur de négliger certains aspects. Les membres de l’équipe projet P2 m’ont
expliqué que si le contrat avait été signé tout au début de la collaboration, un certain nombre
d’éléments n’auraient jamais été pris en compte de la même manière qu’ils l’étaient alors après
un an de collaboration et d’avancement de la relation. Un équilibre serait donc à trouver entre
signer le contrat tôt pour que la relation puisse progresser mais en même temps pouvoir se
protéger et envisager des modifications et ajouts contractuels éventuels.
Le sujet de la définition et de l’évolution des spécifications a aussi été largement mentionné.
Comme déjà précisé par Karlsson, et al., (1998), il est important de définir les spécifications en
tenant compte des compétences du fournisseur afin de faciliter sa compréhension et de ne pas
lui demander quelque chose d’irréaliste. Il ne faut également pas hésiter à vérifier que le
fournisseur a bien saisi ce qui est attendu en reformulant et en illustrant les attentes. Il s’agit là
aussi d’une question de communication. Si le fournisseur comprend mal, cela ne veut pas
forcément dire qu’il n’est pas à la hauteur mais peut être parce que les informations relatives
aux spécifications, ou à tout autre point, lui ont été communiquées d’une façon inadaptée. De
même si l’un des attendus est que le fournisseur discute les spécifications et propose des
évolutions ou modifications, il ne faut pas hésiter à le lui communiquer explicitement. « Il ne faut
pas avoir peur d’être ridicule de se répéter mais davantage de ne pas savoir se faire comprendre » a
ainsi mentionné la personne de l’entreprise E5.
En outre, des discussions ont porté sur les acteurs porteurs de ces actions qui doivent être
mentionnés dans l’outil d’AMDEC fruit de ce travail. Il reste à la discrétion de l’équipe projet et
du management de déterminer quelles sont les fonctions les plus appropriées aux actions dont il
est question.
Nous sommes donc, à l’issue de cette section, capables d’identifier les dysfonctionnements
potentiels, de les hiérarchiser et d’envisager des actions permettant de les éviter.
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La section qui suit présente de manière factuelle l’outil résultant de cette étude.
Dans le document
La conception collaborative avec les fournisseurs : proposition d'une méthode d'analyse par les dysfonctionnements
(Page 171-176)