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Des résultats contradictoires concernant l’ESI et ses bénéfices

Partie I : Cadre de la thèse

Chapitre 2 . De la nécessité de manager les risques liés à l’intégration des fournisseurs en

2. Des résultats contradictoires concernant l’ESI et ses bénéfices

2.1. Les bénéfices de l’ESI

Une part importante de la littérature sur l’ESI s’intéresse à l’impact positif de cette pratique sur

la performance du projet de développement de produit. Nous avons mené une revue de la

littérature pour analyser en détail les études conduites sur ce sujet (Personnier et al., 2011a).

Tout d’abord, la contribution de chaque article a été examinée afin d’identifier les bénéfices de

l’ESI en développement de produit qui avait été remarqués par les auteurs et exprimés en

termes de réduction des coûts et des délais, d’une meilleure qualité produit et d’une

augmentation de l’innovation produit. Ensuite, nous avons distingué quatre catégories de

travaux pour identifier l’approche de recherche concernée. Les trois premières catégories ont

été inspirées de la typologie proposée par Carter & Ellram (2003). La première catégorie

concerne les études hypothético-déductives (« hypothesis testing ») qui sont des articles

introduisant puis testant des hypothèses de recherche ou des propositions relatives à l’impact

de l’ESI sur la performance projet. La seconde catégorie regroupe les études exploratoires («

exploratory studies ») qui sont des recherches rapportant des observations sur les bénéfices de

l’ESI avec l’objectif de développer des théories mais laissent le test de ces théories pour d’autres

études. La troisième catégorie d’articles regroupe les études normatives (« normative studies »)

et concerne les études dans lesquelles la littérature sur les bénéfices de l’ESI est citée pour

supporter l’opinion ou l’affirmation des auteurs. La quatrième catégorie, que nous introduisons,

concerne les études comparatives. Dans cette catégorie, nous avons considéré non seulement les

études comparant les bénéfices de l’ESI selon divers secteurs et/ou selon diverses zones

géographiques mais également les études comparant des projets de développement de produits

nouveaux avec ou sans collaboration avec les fournisseurs. Le Tableau 2-1 présente une vision

globale de cette revue de la littérature et précise les impacts positifs de l’ESI en termes de temps

(T), qualité (Q), coût (C), innovation (I) et autres domaines.

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Tableau 2-1. Approche de recherche et principaux résultats concernant l'impact positif de l'ESI sur

la performance en DPN

De cette analyse de la littérature sur les bénéfices de l’ESI (Tableau 2-1), les points suivants

peuvent être déduits :

Dans les catégories d’études « hypothético-déductives », études « normatives » et études

« exploratoires », aucune ne propose des éléments de quantification des bénéfices de

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l’ESI. Seules quelques études comparatives, comme nous allons le voir ci-après, donnent

des éléments pour adresser cette quantification des bénéfices. Cependant, les quatre

types de recherches que nous avons abordés ont confirmé l’influence positive de l’ESI

sur la performance projet en termes de réduction du temps de mise sur le marché, de

qualité produit améliorée, de réduction des coûts de développement et du coût produit

et d’amélioration en termes d’innovation. Certains auteurs ont considéré d’autres

bénéfices de l’ESI tels que l’alignement des stratégies en termes de technologie

(Bonaccorsi & Lipparini, 1994), (Wynstra, 1998), l’accès à de nouveaux marchés, de

nouvelles compétences, de nouvelles technologies et un partage des risques (Langerak,

et al., 1997),(Wagner & Hoegl, 2006) , (Von Corswant & Tunaly, 2002) ou l’amélioration

de la motivation du fournisseur dans le projet (De Toni & Nassimbeni, 2001).

Peu d’études comparatives ont été menées. L’étude de Clark & Fujimoto (1991) compare

les résultats de la pratique de l’ESI dans différents pays. Ainsi, l’intégration des

fournisseurs en DPN au Japon est comparée avec celle en Europe et aux Etats-Unis. Ces

auteurs concluent que cette pratique est plus fréquente au Japon. Parmi les études

comparatives, seulement trois ont mentionné des éléments quantitatifs. La première

étude est celle de Womack, et al. (1990). Ce travail montre que l’intégration des

fournisseurs pratiquée par les constructeurs automobiles japonais explique une

meilleure qualité et une meilleure performance en termes de temps dans les projets.

Concernant les délais, seulement une voiture est en retard sur six voitures produites au

Japon alors qu’aux Etats-Unis, la moitié des voitures produites sont en retard et une

voiture sur trois est en retard en Europe. Ces résultats peuvent s’expliquer par une

importante pratique de l’ESI au Japon selon cet auteur. La seconde est celle de Garel

(1999) qui donne des données quantitatives concernant la réduction des coûts rendue

possible par l’ESI. Dans le cadre d’une recherche clinique de près de deux ans, cet auteur

a pu suivre un premier projet mené en co-développement (CD) par un constructeur

automobile européen avec quatre fournisseurs d’outils d’emboutissage. La performance

de ce projet a pu être comparée à celle d’un projet similaire réalisé auparavant par ce

constructeur avec les mêmes outilleurs mais de manière traditionnelle, c’est-à-dire sans

co-développement (TR). Une quantification de la réduction des coûts d’outillage et des

coûts liés aux modifications a été effectuée. Cette double réduction a permis d’obtenir

des gains à la fois pour le client et pour le fournisseur. Garel (1999) a ainsi démontré que

le projet de co-développement a permis de réduire les coûts de modifications de manière

importante. En effet, lors de la phase de réalisation des outillages, le coût des

modifications représentait 49% du coût estimé des outils pour le projet traditionnel

contre seulement 15% pour le projet CD (soit une diminution de 34%). Concernant les

coûts des outillages, cet auteur a montré que le co-développement avec le fournisseur a

permis une diminution de 7% alors que l’autre projet (TR) avait un surcout de 11%. La

troisième étude rapportant des éléments quantitatifs est celle de Dyer (2000) qui

confirme les résultats de Garel (1999) en comparant les projets de Chrysler avec ou sans

intégration fournisseur. Ce travail étudie l’impact de l’intégration fournisseur en DPN sur

la différence de performance entre les entreprises Occidentales et Japonaises en se

focalisant sur l’industrie automobile. Dyer (2000) montre que les modifications

effectuées très en amont permettent de réduire les coûts d’équipement et le temps de

développement. L’auteur mentionne que Chrysler a connu une diminution de son temps

de développement de 40% grâce à la pratique de l’ESI. Néanmoins, nous avons pu

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observer que les bénéfices rapportés par ces auteurs dépendent du type de produit, de la

technologie et de la maturité de ces pratiques pour les équipes projet de chaque partie.

Par conséquent, une généralisation de la quantification des bénéfices qui viennent d’être

mentionnés n’est pas envisageable.

L’impact de l’ESI sur les fournisseurs a été peu considéré. Garel (1999) a considéré les

gains financiers pour le constructeur mais aussi pour ses quatre fournisseurs pendant

son étude comparative. Chung & Kim (2003) ont également étudié cette notion mais en

se focalisant sur le point de vue du fournisseur. Ils ont été parmi les premiers auteurs à

considérer spécifiquement les bénéfices du fournisseur. Leur étude, menée près de

fournisseurs Coréens dans le secteur automobile, prend en compte les bénéfices du

fournisseur avec, par exemple, la réduction du risque marché, une meilleure innovation,

une meilleure qualité ou une amélioration de la performance financière.

2.2. Les impacts négatifs de l’ESI

La littérature indique des résultats contradictoires (Hoegl & Wagner, 2005) avec ceux présentés

lors de la revue de littérature sur les bénéfices de l’ESI rapportée au point précédent. Cette

pratique présente en effet également certains aspects négatifs qui sont souvent difficiles à

accepter par les praticiens et qui constituent alors autant de freins au développement de cette

pratique. Ces résultats contradictoires concernent essentiellement les impacts négatifs de l’ESI

sur les coûts et délais.

Plusieurs auteurs affirment que l’ESI engendre des coûts supplémentaires. Ces coûts peuvent

être notamment des coûts de coordination liés à l’intégration très tôt et de manière importante

dans les activités de conception (Bruce et al., 1995; Lakemond, 2001).

Les impacts de l’ESI sur le délai ont également été rapportés concernant un éventuel temps de

développement allongé. Ainsi, Eisenhardt & Tabrizi (1995) ont mené une enquête auprès de 36

fabricants d’ordinateurs et montré que dans ce secteur sujet à des évolutions rapides,

l’intégration des fournisseurs tôt dans les projets pouvait être rapprochée de temps de

développement plus longs. De manière similaire, Laseter & Ramdas (2002) ont rapporté un cas

où un fournisseur d’échappement avait été intégré trop tôt avant que le choix du moteur n’ait été

effectué. Du temps a été perdu dans les ajustements du produit qui ont dû être réitérés une fois

le moteur choisi.

Ainsi, malgré les nombreux bénéfices déjà identifiés concernant la pratique d’intégration des

fournisseurs en DPN, les résultats et impressions restent fragmentés (Johnsen, 2009). Toutefois,

il apparait que les impacts négatifs qui ont pu être observés sont souvent liés à un manque de

pratiques adaptées concernant l’intégration des fournisseurs et à une gestion inadaptée du

projet (Cheriti, 2010). Ainsi, selon Bidault, et al. (1998a) et Monczka & Trent (1997) les

Les résultats de cette revue de la littérature viennent confirmer ce que nous énoncions dans

le Chapitre 1, à savoir un manque de quantification concrète des bénéfices escomptés de la

pratique d’intégration fournisseur en DPN. Ceci vient notamment du fait qu’il est souvent

compliqué de pouvoir observer et comparer deux projets de DPN avec l’un en

co-développement avec un fournisseur et l’autre en co-développement traditionnel comme a pu le

faire (Garel, 1999). De plus, même les résultats d’une telle comparaison sont difficilement

généralisables du fait des facteurs contingents dont ils dépendent.

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bénéfices potentiels de l’intégration amont des fournisseurs en conception existent seulement si

cette pratique est managée de façon efficace.