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1.6.1

Naissance et définition du concept de développement durable

Comme nous l’avons vu, l’environnement, tout comme l’économie, ne sont plus considérés de manière indépendante. Du point de vue de la société dans son ensemble, lors du dimensionnement d’une politique environnementale, le bien être doit être amélioré globalement ce qui, pour simplifier, revient à apporter un bénéfice (par exemple, la suppression d’un polluant qui rend un milieu plus propre) au moins égal au coût engendré (coût de mise en place, impact sur la compétitivité et les emplois, etc.).

Cette approche, qui consiste à prendre en compte les interactions entre les valeurs économiques, environnementales et sociales d’une nation ou d’une organisation, transparaît à travers la notion de développement durable.

Le concept de développement durable est relativement récent et la signification qui lui est associée fait encore de nos jours l’objet de débats. Il est cependant possible de proposer une définition qui est communément et majoritairement acceptée, notamment par les instances internationales. Il faut alors parler de développement durable au sens « onusien » du terme. C’est en effet, au sein des Nations Unies que le processus de caractérisation et de définition du concept fut initié. Historiquement, c’est en 1980, lors du lancement au sein du PNUE (Programme des Nations Unies pour l’Environnement) de la SMC (Stratégie Mondiale de Conservation) [IUCN, 1980] que le terme fut pour la première fois employé au sens entendu aujourd’hui. C’est en 1987, qu’une définition fit l’objet d’un large consensus : le concept fut en effet formalisé au sein du rapport « Brundtland » [UN, 1987], suite à la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement (ONU).

Il s’agit dès lors d’un développement « qui répond aux besoins du présent sans compromettre la

capacité des générations futures de répondre aux leurs32 » [UN, 1987].

32

Traduction proposée pour : « make a development sustainable to ensure that it meets the needs of the present

Le développement durable est alors encore vu comme ayant pour but de réconcilier développement et respect de la nature. A la prise en compte des interactions entre économie et environnement, vinrent finalement s’ajouter celles liées aux aspects sociaux du développement. Il est à noter que, plus globalement, le développement durable est composé de cinq volets : le volet économique, le volet environnemental, le volet social, le volet spatial et le volet culturel.

1.6.2

Le développement durable comme nouveau paradigme ?

1.6.2.1 La notion de paradigme

Avant de chercher à répondre à cette question, il est nécessaire de s’attacher à définir le terme « paradigme », mais surtout d’identifier ce qu’implique un changement de paradigme.

Le Larousse définit cette notion comme « les croyances les plus souvent implicites sur le fond

desquelles les chercheurs élaborent leurs hypothèses, leurs théories, et plus généralement définissent leurs objectifs et leurs méthodes ».

Un changement de paradigme peut s’expliquer de deux manières. Une première approche est basée sur une approche conflictuelle nécessitant une rupture (Kuhn ,1972)33, la seconde est plutôt dialectique et permet la coexistence, voire la continuité de deux paradigmes (Stockdale ,1982)34 [Plüss, 2000].

1.6.2.2 Le manque de théorisation du développement durable

L’analyse que nous avons effectuée, présentant notamment comment la problématique environnementale fut formulée par la société puis intégrée dans les théories économiques, permet au minimum d’affirmer que le développement durable pour notre société ne peut être mené à bien sans un changement culturel. Il apparaît en effet que le dimensionnement des politiques environnementales est basé sur des principes découlant de l’économie de l’environnement en tant que chapitre de l’économie néoclassique. Or, le développement durable nécessite la formulation d’une fonction de bien-être intertemporel différente de celles des néoclassiques qui conduit à la maximisation de la valeur actualisée, ce qui est à très long terme incompatible avec le développement durable. Il reste que l’économie de l’environnement contribue à l’efficacité et qu’ainsi elle est utile pour atteindre les objectifs environnementaux du développement durable [Crabbé, 1997], ceci étant suffisant mais non nécessaire.

L’objectif, pour rendre les politiques durables, est de réussir à maintenir indéfiniment la valeur des différents types de capitaux que sont le capital physique, le capital humain, le capital naturel et le capital social en plus du capital financier35. Il reste qu’aucune théorie satisfaisante

33 Kuhn, T. S., La Structure des Révolutions Scientifiques, Flammarion, Paris, 1972.

34 Stockdale, J. D., Changing Realities and Perspectives in International Development, International Journal of

Contemporary Sociology, Vol.26, No.3-4, pp.159-174, 1982. 35

Le capital humain représente les aptitudes, les connaissances et la capacité de travailler.

Le capital physique est caractérisé par les équipements et infrastructures qui sont utilisés pour appuyer les moyens d'existence.

Le capital social fait allusion aux réseaux d'influence et aux relations tant formelles qu’informelles qui existent. Le capital naturel fait référence aux ressources naturelles à partir desquelles émanent des gains pour les individus.

n’a aujourd’hui été formulée dans cet objectif : l’économie néoclassique est toujours à la recherche d’un critère qui accordera un poids égal au présent et à l’avenir très lointain et aucune définition claire de la fonction de bien-être durable intergénérationnel n’a encore été donnée aujourd’hui [Crabbé, 1997].

Nous pouvons donc considérer que nous sommes dans une phase de transition, entre une situation de domination paradigmatique et une situation de relatif vide. Les paradigmes sont remplacés par une orientation générale permettant la négociation entre une grande quantité d’acteurs à la recherche de solutions momentanées et spécifiques. En aucun cas, une rupture vers un nouveau paradigme qui serait celui du développement durable n’est aujourd’hui effective et nous considérons le développement durable comme une idéologie, un concept, ou une orientation générale constituant un cadre d’orientation pour les négociations politiques.

1.7

Conclusions

La prise en compte de la dégradation environnementale fut en premier lieu effectuée indépendamment des théories économiques. Les premières politiques dimensionnées par les pouvoirs publics ont d’ailleurs été basées sur des approches réglementaires visant à garantir un niveau de protection de l’environnement, en tant que milieu de vie des espèces vivantes satisfaisant pour l’homme. Cette démarche était clairement basée sur une vision anthropocentrique de la société.

Par la suite, les pouvoirs publics instaurèrent de plus en plus fréquemment des instruments de deuxième génération issus des théories économiques (taxes, subventions, permis d’émission), avec pour objectif principal l’atteinte au coût le plus faible possible d’un niveau de préservation choisi. Cette approche reste cependant ancrée dans une vision anthropocentrique où l’acceptation de la pollution est justifiée lorsque le coût de contrôle des risques environnementaux est fort supérieur au gain environnemental obtenu.

Ce dernier point fut à l’origine de l’apparition de la nécessité de quantifier économiquement les coûts des actions de préservation de l’environnement mais surtout des bénéfices induits par ces dernières. Différentes valeurs furent dès lors attachées aux biens environnementaux et la prise en compte dans une Analyse Coût-Bénéfice appliquée à une politique environnementale de valeurs telles que celles d’existence ou de legs fit glisser l’approche réglementaire vers une vision éco-centrique de la société. Cependant l’évaluation de ces valeurs attribuées à la nature étant basée sur les préférences exprimées par la société humaine, il est également possible de considérer qu’une telle démarche reste inscrite dans une vision anthropocentrique où comme nous l’avons vu précédemment « la protection de l’environnement est un objectif éthique, et non économique, prenant en compte des valeurs publiques choisies collectivement ».