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France et en Occitanie

2.1. La réception de la fusion

Dans La France des 13 régions, François Taulelle évoque la fusion des régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon en ces termes :

Le choix d’associer Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon n’a pas suscité de réaction particulièrement véhémente ou de contre-projet. Ces deux régions n’entretenant pas de forts liens depuis la constitution des ensembles régionaux en 1956, c’est plutôt une méconnaissance partagée qui a dominé les débats.2

Autant le constat d’une « méconnaissance partagée » apparaît particulièrement juste, autant celui de l’absence de « réaction particulièrement véhémente » relève de l’euphémisme. Certes, il n’y a pas eu de contre-projet, mais une volonté farouche de continuer à faire cavalier seul, notamment en Languedoc-Roussillon. Une motion de défiance contre la fusion avec Midi-1 Aucune autre fusion régionale ne regroupe un binôme de métropole de cette taille. Les régions Bretagne et Pays-de-la-Loire sont d’ailleurs restées inchangées en partie du fait de la difficulté de faire cohabiter Rennes et Nantes.

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Pyrénées a ainsi été votée le 14 juin 2014, recueillant 65 voix pour, 1 contre et 1 vote blanc1. Cette opposition s’incarne par la banderole affichée sur l’hôtel de région de Montpellier (Photographie 3) Quelques semaines plus tard, trois députés socialistes de la Région, Kléber Mesquida, Christian Assaf et Robert Olive, votent contre la réforme à l’Assemblée Nationale2. Si les questions identitaires sont bien présentes dans les discours, elles ne constituent toutefois pas le nœud de l’opposition à la réforme tant les identités générées par les deux anciennes régions s’avèrent fragiles3.

Photographie 3 : "Vive notre région / Oui Languedoc-Roussillon", une opposition à la fusion qui s'affiche sur l'hôtel de région de Montpellier

Source : La Tribune4

Trois groupes d’acteurs ont été identifiés : les élus, les universitaires et la société civile. Leurs positionnements seront étudiés à travers des prismes différents. Le premier prisme permet de recueillir les avis des deux premiers groupes d’acteurs à travers le rapport du Sénat où s’expriment les élus et où des universitaires ont été entendus en tant « qu’experts ». Le deuxième part de la presse régionale dans laquelle on retrouve des expressions émanant de ces trois groupes d’acteurs. Un troisième prisme est celui des discours tenus par les acteurs rencontrés lors de nos entretiens qui croise aussi ces trois groupes. Enfin, on peut mentionner 1 « Réforme territoriale : les élus de Languedoc-Roussillon rejettent la fusion avec Midi-Pyrénées », La Tribune, édition du 17 juin 2014

2 « Fusion des régions : l’Aude se révolte contre Montpellier », Libération, édition du 24 juillet 2014

3 Voir Chapitre 2. 2.3.2. f) « la culture occitane, une identité (mal) partagée » ?

4 « Réforme territoriale : les élus de Languedoc-Roussillon rejettent la fusion avec Midi-Pyrénées », La Tribune, édition du 17 juin 2014

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un quatrième groupe d’acteurs, les citoyens, dont l’avis est particulièrement difficile à évaluer. A défaut d’avoir pu réaliser une enquête sur le sujet, nous rendons compte d’un sondage paru dans la presse.

2.1.1 Des habitants mécontents de la fusion … surtout en Languedoc-Roussillon

Un sondage réalisé par l’institut BVA en octobre 2015 révèle en effet que seuls 39% des habitants de la région Occitanie se déclarent satisfaits du nouveau découpage. A l’intérieur même de la nouvelle région le clivage est important puisque 50% des habitants de Midi-Pyrénées et seulement 36% de ceux de Languedoc-Roussillon se disent satisfaits1. Sans surprise, ces chiffres augmentent quand il s’agit du choix de la capitale régionale puisque 86% des habitants de Midi-Pyrénées sont satisfaits par le choix de Toulouse contre 23% de ceux de Languedoc-Roussillon.

Le taux de 36% d’habitants satisfaits en Languedoc-Roussillon compte parmi les plus bas que l’on rencontre dans les régions fusionnées. Loin des 15% observés en Alsace, il se trouve au même niveau qu’un deuxième groupe de régions qui partagent le fait de « perdre » leur capitale régionale comme la Champagne-Ardennes (33%), la Lorraine (34%), la Picardie (35%), la Franche-Comté (37%) ou l’Auvergne (40%). En dehors du cas de l’Alsace et de l’Aquitaine (42%), les habitants des régions conservant leur capitale régionale sont plutôt satisfaits et ceux de Midi-Pyrénées apparaissent légèrement en retrait : 51% en Rhône-Alpes, 55% en Nord-pas-de-Calais, 57% en Bourgogne et 69% en Haute-Normandie.

D’après le sondage BVA, la région Occitanie est donc la deuxième région dans laquelle la fusion est la plus contestée par ses habitants derrière le Grand Est.

2.1.2 Un rapport du sénat qui fustige une fusion « contre-nature »

Comme le montre la succession de cartes proposées sur la période allant du 2 juin 2014 au 17 décembre de la même année (Figure 10), la fusion entre Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées a fait l’objet d’un contre-projet au Sénat puisque ce dernier, parmi les deux retouches de la carte qu’il propose, suggère de revenir sur la fusion entre les régions Midi-Pyrénées et

1 Ouest-France, 2015, « Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. La nouvelle région ne séduit pas », Ouestfrance.fr, en ligne, consulté le 12 juin 2018, publié 24 octobre 2015, https://www.ouest-france.fr/elections/regionales/languedoc-roussillon-midi-pyrenees-la-nouvelle-region-ne-seduit-pas-3789368

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Languedoc-Roussillon. Rappelons qu’au moment de ces débats, c’est la première carte à quatorze régions qui est examinée.

Dans le rapport, il est en effet précisé que la suppression de la fusion entre Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées est proposée par Christian Bourquin, alors sénateur des Pyrénées-Orientales et président du Conseil Régional, et de Jacques Mézard, sénateur du Cantal. Ce dernier s’exprime au sein de la commission du jeudi 26 juin 2014 :

Le président du conseil régional de Languedoc-Roussillon et son assemblée sont vent debout contre le rattachement de leur région à Midi-Pyrénées qui les fait revenir à l'époque de Simon de Montfort. Mettre Montpellier sous la coupe de Toulouse est vraiment une idée de Parisiens qui ne comprennent rien à la sociologie de ces régions. Ce Monopoly n'est pas sérieux ! L'amendement n° 23 est une protestation solennelle contre cet oukase.1

Cette réaction que l’on peut qualifier de véhémente, reprend une rhétorique anti-jacobine, « une idée de Parisiens », et fait appel à l’évocation d’un passé féodal et belliqueux (« revenir à l’époque de Simon de Montfort », « mettre Montpellier sous la coupe de Toulouse »), qui révèle un sentiment d’annexion très fort de la part du conseil régional de Languedoc-Roussillon (encadré 2.3.).

La fusion entre les deux régions est par ailleurs mentionnée à trois autres reprises dans le rapport. Il s’agit à chaque fois de la remettre en cause. C’est d’abord le cas dans le compte-rendu organisé par la commission des lois lors de laquelle s’exprime le sénateur de la Lozère, Alain Bertrand :

Le mariage du Languedoc-Roussillon avec Midi-Pyrénées est contre-nature d'un point de vue géographique, historique et culturel. Les deux régions sont aussi puissantes l'une que l'autre en termes économiques et démographiques. Rien ne justifie de les associer.2

C’est également le cas lors de l’audition des « experts ». Alors que la plupart des universitaires entendus ont été réticents à s’exprimer sur le découpage en lui-même, aussi bien Hervé Le Bras que Patrick Le Lidec se montrent hostiles au regroupement de Midi-Pyrénées et de Languedoc-Roussillon.

[Patrick Le Lidec] : La carte soumise au débat propose surtout de s'affranchir des micro-régions - bi ou tri-départementales - en les regroupant, plutôt que d'en constituer de très grandes. Une macro-région fait exception, celle qui regroupe Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, à mon avis, trop grande.3

[Hervé Le Bras] Les autres regroupements sont beaucoup moins justifiés. L'alliance entre Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon reste un grand mystère. Montpellier est tourné vers

1 Sénat, 2014, op cit., p. 71

2 Ibid., p. 119

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l'agronomie et la biologie, quand Toulouse se spécialise dans le développement aérien et spatial. Aurait-on eu le même découpage du vivant de Georges Frêches ?1

A la lecture du rapport du Sénat, la fusion des deux régions apparaît comme l’une des plus contestée de la carte régionale. Les deux ensembles apparaissent ainsi aux différents protagonistes peu complémentaires et comme bénéficiant déjà d’une taille critique suffisante.

Encart 4 : Les positions des présidents de Région et des universitaires relayées par la presse