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RÉALITÉS D’AUJOURD’HU

Le VIH Sida représente une maladie universelle, de tous les âges y compris de la prime enfance. C’est une maladie chronique très grave, rapidement mortelle en l’absence de traitement, responsable donc d’une mortalité prématurée, mais qu’on peut stopper même si l’on ne sait pas encore la guérir. C’est une maladie qui entraîne par diminution d’immunité une co-morbidité grave (tuberculose par exemple) et aussi de grandes souffrances à ceux qui en sont atteints ainsi qu’à leur entourage. C’est une maladie dont l’impact est multiple : sanitaire, psychologique, démographique, social, économique, politique. Enfin c’est une maladie épidémique, dotée d’une dynamique de développement exponentiel. Le génie épidémique du Sida est remarquable : le virus en cause est capable de devenir résistant à différents médicaments, de se modifier : c’est vraiment un mauvais génie.

Cette maladie pèse d’un poids particulièrement lourd sur l’Afrique sub- saharienne et sur les enfants qui sont, suivant les cas, infectés, affectés ou vulnérables : la distinction est certes intéressante au point de vue opérationnel, mais elle a ses limites car beaucoup de sujets vulnérables sont affectés par la maladie de leurs proches par exemple et peuvent devenir à leur tour infectés. On le voit, la stratégie à mettre en œuvre n’est pas particulièrement simple.

Du point de vue quantitatif l’impact démographique du Sida est visible sur les pyramides des âges des populations des pays en voie de développement. Elles sont tronquées à leur base par les décès de nombreux enfants en bas âge et par la diminution de la natalité compte tenu des morts prématurées de jeunes adultes; elles sont limitées à leur sommet car beaucoup de malades meurent avant leur vieillesse. Mais cet impact démographique est aussi qualitatif; c’est la disparition, en particulier, d’hommes jeunes, professionnels, qui appauvrit les possibilités de développement du pays; c’est la mortalité de mères de familles. Il y a là un effet multiplicateur.

Les facteurs favorisant l’apparition de la maladie sont l’ignorance de sa dangerosité et des modalités de contamination, l’exclusion sociale, l’instabilité et la faiblesse des politiques de santé et surtout la pauvreté. Pauvreté et HIV Sida entretiennent un véritable cercle vicieux qu’on ne sait pas par quel bout attaquer. Ces mêmes facteurs favorisent la dissémination de la maladie, aggravée par l’ignorance, le tabou, les dénis et violations des droits de l’homme et de l’enfant, la stigmatisation et l’exclusion des victimes : et pourtant la défense de ces droits pourrait aider grandement au contrôle de l’épidémie. Malheureusement tous ces facteurs sont majorés, particulièrement en Afrique, par le problème crucial du non- accès aux médicaments de centaines de milliers de sujets atteints. Dans les pays les mieux pourvus de ce continent, un dixième des malades peuvent avoir recours à des traitements efficaces. Il est d’ailleurs curieux que l’atelier prévu sur l’accessibilité des médicaments n’ait pas attiré suffisamment de monde et ait dû être annulé : cela traduit à mon avis le sentiment d’impuissance que nous avons en face de la primauté du profit par rapport à la santé, ceci entretenu par certaines multinationales pharmaceutiques qui luttent en même temps contre l’utilisation des médicaments génériques. Il faut déplorer à ce propos la faiblesse des contre- pouvoirs qui s’est manifestée par exemple par l’échec de la Conférence de l’Organisation mondiale du commerce à Cancun voici quelques mois. Cet échec peut-il être un point de départ pour une prise de conscience accrue ? Il faut le souhaiter car ce problème est un aspect majeur dans la lutte contre le Sida; il convient de le suivre avec la plus grande attention.

La réalité est aussi – et c’est heureux – l’existence de la Déclaration universelle des droits de l’homme, de la Convention sur les droits de l’enfant,

malgré leurs limites. De fait, il faut souligner l’importance de la période pré-natale dans la lutte contre la transmission materno-fœtale de la maladie; la Convention ne prend pas en compte cet âge de la vie. Cependant le commentaire général de janvier 2003 sur le VIH Sida s’est nettement prononcé dans ce sens. Concernant les enfants, il faut aussi se référer à la Convention relative à la lutte contre toute forme de discrimination à l’égard des femmes : ses mesures concernent aussi les enfants – filles, doublement discriminées par leur âge et par leur genre. A l’autre extrémité de l’enfance, les adolescents se sentent peu concernés par la Convention, d’où l’intérêt du commentaire général sur les droits des adolescents (Comité des droits de l’enfant, juin 2003) qui insiste sur la prévention des risques liés aux toxicomanies et aux pratiques sexuelles non protégées. Voilà donc, facteurs d’espérance, l’existence d’instruments juridiques extrêmement importants qu’il faut faire connaître et dans toute la mesure du possible appliquer. Il y a là un vaste programme, compte tenu des dénis et des violations déjà signalés et du cynisme de certains responsables politiques en face de populations et d’enfants sans voix qui ne parviennent pas à se faire entendre et dont nous devons être les avocats. S’il est d’usage de présenter les différents articles de la Convention sur les droits de l’enfant sous le sigle des 4 P : Prévention, Protection, Prestation de services, Participation, il convient d’y ajouter un cinquième, à savoir le Plaidoyer pour les enfants menacés ou atteints par cette maladie. Nous y reviendrons.