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L’ACCESSIBILITÉ AUX MÉDICAMENTS

POUR LES PAYS PAUVRES ET L'EXEMPLE DU CANADA

SOPHIE MORIN

2. L’ACCESSIBILITÉ AUX MÉDICAMENTS

L’enjeu de l’accès aux médicaments génériques4 contre le sida dans les pays en développement est des plus crucial. Depuis l’arrivée des trithérapies, les compagnies pharmaceutiques utilisent l’argument des prix trop élevés des médicaments pour justifier leur refus de s’engager dans la prise en charge des malades du sida dans les pays pauvres. De plus, les prix élevés touchent également d’autres maladies dites opportunistes comme la tuberculose et la malaria, ce qui poussent les communautés du Sud à réclamer un plus grand accès aux médicaments. Les démarches entreprises auprès des compagnies pharmaceutiques détentrices des brevets sur les antirétroviraux n’ont pas permis de faire baisser les prix de manière significative. En contrepartie, depuis le début des années 2000 des versions génériques des médicaments antirétroviraux et qui sont moins coûteux sont fabriqués dans certains pays du Sud, soit par des producteurs gouvernementaux comme en Thaïlande et au Brésil, soit par des compagnies privées comme en Inde.

Ces médicaments sont vendus à des prix très inférieurs aux prix des multinationales pharmaceutiques. Dès lors une compétition entre les compagnies du Nord et du Sud s’est installée depuis quelques années et cela ne fait aucunement l’affaire des grandes compagnies pharmaceutiques. Selon l’ONG Act up Paris, en octobre 2000 un producteur indien lançait une trithérapie générique à 800 dollars US pour une année de traitement. Ce prix représente une économie de plus de 90% par rapport au prix des multinationales. En 2001, le même producteur indien offrait le traitement à 350 dollars US. Actuellement le traitement est offert à environ 200

j) toute décision concernant la rémunération prévue en rapport avec une telle utilisation pourra faire l'objet d'une révision judiciaire ou autre révision indépendante par une autorité supérieure distincte de ce Membre;

k) les Membres ne sont pas tenus d'appliquer les conditions énoncées aux alinéas b) et f) dans les cas où une telle utilisation est permise pour remédier à une pratique jugée anticoncurrentielle à l'issue d'une procédure judiciaire ou administrative. La nécessité de corriger les pratiques anticoncurrentielles peut être prise en compte dans la détermination de la rémunération dans de tels cas. Les autorités compétentes seront habilitées à refuser de rapporter l'autorisation si et lorsque les circonstances ayant conduit à cette autorisation risquent de se reproduire; l) dans les cas où une telle utilisation est autorisée pour permettre l'exploitation d'un brevet (le "second brevet") qui

ne peut pas être exploité sans porter atteinte à un autre brevet (le "premier brevet"), les conditions additionnelles suivantes seront d'application:

i) l'invention revendiquée dans le second brevet supposera un progrès technique important, d'un intérêt économique considérable, par rapport à l'invention revendiquée dans le premier brevet;

ii) le titulaire du premier brevet aura droit à une licence réciproque à des conditions raisonnables pour utiliser l'invention revendiquée dans le second brevet; et

iii) l'utilisation autorisée en rapport avec le premier brevet sera incessible sauf si le second brevet est également cédé.

4 Le terme générique n’est pas utilisé au sens propre du terme, car les brevets ne sont pas échus. Le terme est utilisé

en signifiant que se sont des copies de médicaments, moins chers que les marques, mais qui sont assimilées à des génériques.

dollars US5. Cette production sudiste des antirétroviraux a obligé les laboratoires occidentaux à aligner leurs tarifs mais elle a également démontré qu’il est tout à fait possible de produire ces médicaments à moindre coût et qu’une concurrence dans ce domaine permettait une baisse importante des prix, ce qui est bénéfique pour les victimes du sida. Précisons que le prix coûtant de ces médicaments fabriqués par les laboratoires occidentaux n’a jamais été révélé.

Une des solutions pour les pays en développement, depuis que les brevets sont systématiquement déposés avec l’apparition de la réglementation internationale (ADPIC et OMC), est de recourir aux dispositions spéciales prévues par les accords internationaux comme les licences obligatoires qui permettent de produire ou d’importer des médicaments génériques. Cependant, malgré cette possibilité, les pays n’ont pas été nombreux à se fournir en générique pour le traitement du sida. Il faut dire que les laboratoires de marques ont longtemps laissé croire que les pays n’avaient pas le droit de recourir à ces médicaments, ce qui est totalement faux.

De plus, les pays du Sud ne voulaient pas se mettre à dos les laboratoires et les pays occidentaux qui supportent leurs industries pharmaceutiques. Injustement, les pays qui osaient aller de l’avant étaient victimes de représailles et de poursuite en justice devant l’OMC. Des pays comme le Brésil et la Thaïlande n’ont pas hésité à fabriquer des génériques et surtout à affronter l’industrie pharmaceutique. Cette stratégie s’est avérée très efficace, car les laboratoires comme Roche en Suisse, après menaces de représailles ont rapidement abandonné leur poursuite et ils ont même baissé le prix du médicament Nelfinavir de 40%6.

Les pays du Sud veulent produire eux-mêmes les médicaments nécessaires à la lutte contre le SIDA. Cette indépendance est importante pour eux car ils peuvent ainsi négocier plus facilement et à armes égales avec les laboratoires occidentaux. Cette situation est un "non sens" puisque l’ADPIC stipule clairement que les pays ont un droit de recours aux licences obligatoires si un problème de santé public menace l’Etat7. En effet, l’Accord sur la propriété intellectuelle mentionne que les Etats ont la possibilité de produire ou d’importer un produit si après négociation avec le détenteur du brevet, l’Etat estime ne pas être arrivé à une entente satisfaisante. C’est justement ce point qui était contesté par certains pays et également par leurs industries pharmaceutiques dans le cadre des négociations à l’OMC.

5 Act up Paris, Enjeux de l’accès aux médicaments génériques contre le sida dans les pays en développement, juillet

2002. www.actupparis.org.

6 Ibid.

7 Article 30 : Exceptions aux droits conférés. Les Membres pourront prévoir des exceptions limitées aux droits

exclusifs conférés par un brevet, à condition que celles-ci ne portent pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, compte tenu des intérêts légitimes des tiers. Supra note 3 pour l’article 31 alinéa b).