• Aucun résultat trouvé

PARTIE I : DE L’ESTHÉTIQUE

Chapitre 2 Ŕ Idéologie

5.3 Réalisme Merveilleux et real maravilloso

Comme il était courant chez beaucoup de littérateurs des années 1940 et 1950, le romancier Jacques Stephen Alexis ne précise pas systématiquement toutes ses sources. N œ 251 à des

domaines scientifiques, littéraires et surtout philosophiques. Dans Du Réalisme Merveilleux des Haïtiens g g dř d « poète et dramaturge » (Du R . 266.) F M L y dřA C (D R . 264.). Dans Où va le roman ? g d řEsthétique de Hegel (Roman, p. 97.), un autre de David Diop (Roman, p. 94.), un autre encore de Léopold Sédar Senghor (Roman, . 89.) dřA C (R . 92.). P d (Roman, p. 93.) ř J S k E H gw y C dw J g Amado, Miguel Angel Asturias, Jacques Roumain, Cira Alegria. Florilège du romanesque haïtien ř d H ï d É B g d252 Ŕ le premier

romancier haïtien Ŕ ř -même, avec une liste incomparable de citations de ces mêmes auteurs. Le roman Compère Général Soleil réfère, quant à lui, au socialisme de Staline (Soleil, p. 223-224.) ř J V (S . 246.) ř dominicain Raphaël Leonidas Trujillo. De son côté, Les arbres musiciens précise ceci au dř « W J ř z d řA » (M p. 79.). L’espace d’un cillement évoque le nom du philosophe espagnol Miguel de Unamuno (Cillement, p. 70.), auteur du Sentiment tragique de la vie253.

251 B ř y aucoup de références et citations, les villes, dř d , les dates et les pages ne sont pas souvent mentionnées.

252 Emeric Bergeaud, Stella, préface d'Anne Marty ; préface de l'éd. originale (1859) par Beaubrun Ardouin, Carouge, Zoé, 2009.

Se basant sur cette longue liste de références et de renvois, il est des plus curieux de ne pas dřA C 254. N ř d

g d d J S A . P d ř ř gg L -Philippe Dalembert, El Reino de este mundo ? Il serait d dř ê ř considèrait J S A ř g d d d g . Cř Jacques Roumai ř « le connétable des Lettres Haïtiennes contemporaines » (Romanesque, p. 20.). À ce sujet, il confie que « pour être désormais romancier en Haïti, il faut à la fois partir de Gouverneurs de la Rosée et à la fois le nier »255 (Romanesque, p. 21.).

Ces références à Jacques Roumain comme aux autres écrivains et penseurs cités d d ř dř ê . Ay d ê řA C ntier que sont la littérature et la culture haïtiennes256 J S A ř -être

éprouvé le besoin de citer une source au second degré. Cependant, la raison d ř d dřA C peut-être liée à d g dř inions sur la conception du merveilleux. Là encore, ř il aurait ř d Du Réalisme Merveilleux des Haïtiens discute de la question directement avec Alejo Capentier, ř d d L A g R Depestre, Hénock Trouillot et beaucoup dř . Q ř -ce que le merveilleux pour Alejo Carpentier ? Y a-t-il des liens entre les deux conceptions ?

254 Nous nous intéressons à ce débat entre Alejo Carpentier et Jacques Stephen Alexis parce que le Réalisme M d g d d œ - américaines. Au fond, le débat concerne la vraie paternité du Réalisme Merveilleux : de Carpentier ou dřA ? M 1956 d d d d . Nous abordons ces écrivains dans la section « Réalisme Merveilleux : pensée caribéenne et pensée du monde ».

255 En effet, la dialectique, le dynamisme caractérisant entre autres les récits roumainiens se retrouve dans řœ d J S A .

256 De plus, comme nous le montrons dans la troisième partie, section « Réalisme Merveilleux : pensée caribéenne et pensée du monde », le real maravilloso date de 1948, après la théorie du merveilleux de ř ï F k F d d 1946 d R M 1941.

Enfin, Alejo Carpentier se réfère directement à Jacques Roumain. Alejo Carpentier, « Le réel merveilleux en Amérique », op. cit., p. 348.

5.3.1 Identité littéraire et littérature identitaire : entre Alejo Carpentier et Jacques Stephen Alexis

J S A A C œ ř g dř d d C ï . D 1928 ř ï Jean Price-Mars avait dénoncé le « bovarysme collectif »257 qui régnait, en grande partie,

dans le milieu littéraire haïtien. Il suggérait dř d ï ô d d d dřE d F particulier. Le Réalisme Merveilleux des Haïtiens que convoque Jacques Stephen Alexis peut être compris dans la continuité de la proposition price- . M H ï ř le seul pays à faire face d ř d g . L ê ř continent américain dans tous les domaines d ř . V J S A ř d d ř d y -américains : « nous devons être attentifs à toutes les démarches culturelles de la République Dominicaine, de Cuba, de Porto-Rico, du Mexique, d P d V z … » (Du Réalisme, p. 258.)

Le Cubain Alejo Carpentier est conscient de cette identité littéraire que doit . À d ř de la ville du Cap-Haïtien il croit avoir trouvé un élément de cette identité américaine :

[P]ar la dramatique singularité des évènements, par la fantastique allure des personnages qui se rencontrèrent à un moment précis, au carrefour magique de la ville d C d ř d E ř g dř d d g g d . M ř ř d řA ř d -merveilleux ?258

257 Le « bovarysme collectif » se définit ainsi « ř d ř ř ». Jean Price-Mars, Ainsi parla l’oncle, op. cit., p. 8.

Le « réel-merveilleux » (real maravilloso) est donc une identité littéraire que tente dř d A C . I d ê d d - . I ř ê nté. Il est d ř d y d : « [J] dř d ř g d H ï d řA ù ř ř dř exemple, le dénombrement des cosmogonies »259.

A C ř g d ř . P y américaine dans les conceptions provenant du continent. La « permanence du réel merveilleux » mérite une grande attention. Lř ř ř dř chercher leurs sources dans des textes européens260. LřA dans la nature, la

d d . E A d . A ř E merveilleux doit être créé par les surréalistes.

Cela advint pour moi particulièrement évident pendant mon séjour à Haïti, quand je me trouvai en contact quotidien avec ce que nous pourrions appeler le réel merveilleux. Je foulais une terre où des milliers dř d d liberté avaient cru aux pouvoirs de lycanthrope de Mackandal, au point que cette foi collective produisit un miracle le jour de son exécution261.

L dřA C ř « un artifice », une création. Il est dans la nature, le visible. Il est un phénomène pour celui qui parvient à le voir : « g dř d d ( ) dř g d dř g ichesses inaperçues de la dř g d d g d »262. Le surgissement d d d ř d řy d d 259 Ibid., p. 346.

260 C ê dř d d écrits de Thomas Cole (1801-1848), considéré comme le fondateur de la peinture de paysage aux États-Unis. Dans Essai sur le paysage américain, il rappelle ceci : « [J] d ř d y magnificence, et, quoique le caractère de son paysage puisse différer de celui du vieux monde, il ne faut pas en déduire pour autant quelque infériorité; car, même si le paysage américain est dépourvu de ces nombreuses circonstances qui valorisent le paysage européen, il possède néanmoins des particularités non moins glorieuses, inconnues en Europe ». Thomas Cole, Essai sur le paysage américain, Paris, Michel Houdiard, 2004, p. 28.

261 Ibid. 262 Ibid. p. 344.

merveilleux263. Celui-ci prend un sens quasi-religieux, voire mystique. Car, pour lui,

ř . « Pour commencer, la sensation du . (…) [L] y Ŕ comme le firent les surréalistes pendant des années Ŕ ne fut jamais ř y g ř " g " g de la folie, dont nous sommes bien revenus »264.

La croyance, selon Alejo Carpentier, comprend à la fois le cultuel et le culturel. Elle fait appel à la « permanence du réel merveilleux ». Le culte en question est le vodou. Il faut croire dans la dimension religieuse et culturelle du vodou pour sentir le merveilleux. Le d d ř ř g œ d ř d d . L dřA C ř d dř dř d dř d d d . Lř d un refus clair et distinct de se considérer dans la catégorie des surréalistes. Après avoir fréquenté le mouvement durant son séjour à Paris265 et contribué à « La Révolution

surréaliste »266 A C ř d A .

Le Réalisme Merveilleux fait aussi d ê d ř d , mais contrairement au réel merveilleux, il se méfie de la littérature identitaire. Pour Jacques Stephen Alexis, « C d ( ř occidentale) est la moins stable et la moins durable quand le réel économique et historique interne de la nation considérée, la fait évoluer différemment des autres peuples de cultures apparentées » (Du Réalisme, p. 257.). Le merveilleux des Haïtiens est certainement basé sur la croyance, comme Alejo Carpentier le remarque. Cependant, cet état doit être vu d g dř « économique » et « historique » que comme une identité cristallisée. Cette considération place le Réalisme Merveilleux dans une perspective

263 Le « réel merveilleux » de Carpentier y d d řest pas habitué à la réalité haïtienne ou américaine. À y d d d ř parler de ř H ï řA (sens continental) qui est habitué à . Dř ù d ř otisme.

264 Ibid., p. 345. 265 Entre 1928 et 1939.

266 Bernard Sesé, « Alejo Carpentier - (1904-1980) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 20 septembre 2012. URL : http://www.universalis-edu.com.ezproxy.bibl.ulaval.ca/encyclopedie/alejo-carpentier/

cr ô ř g . J S A d d exotique faite de clichés tirés du vodou. Si le Réalisme Merveilleux ne se réclame pas du réel merveilleux, ř d culture, rattachée à la croyance, sans esprit critique, alors que Jacques Stephen Alexis, tenant compte des leçons du réalisme socialiste, d ř 267 dont sont victimes les

croyants268, en général. Pour Alejo Carpentier, la culture américaine peut intégrer

directement la création, tandis que pour Jacques Stephen Alexis, elle doit être criblée, d ř dř . L d ř d d -créateur dont le travail sera de la débarrasser des scories religieuses. De plus, d ř d d d dřê d ê J Stephen Alexis.

C řA d d d d œ dřE , mais le contenu de cette littérature haïtienne ou américaine ne doit pas être une cristallisation de la culture. Elle doit mettre en scène les véritables forces en jeu, les questions « économiques » et « historiques ». Elle doit être réaliste. « Le miracle est que, écrit Jacques Stephen Alexis, dř O d d d d y ř ï des peuples dř g g ř ř g dř » (Du Réalisme, p. 264.).

Jacques Stephen Alexis rejoint Alejo Carpentier dans le combat pour une littérature qui ne soit pa d A ř d d

267 Bien que le vodou ou le « vaudou » řy ř populaire « L d ř g ř chorégraphique, verbal même, en un mot, toute la symb dř d d d ř g ù ř ř ». J Stephen Alexis, « Contribution à la table ronde sur le folklore et le nationalisme », Optique, juin 56, p. 29.

268 C g dř . E dř d ř une certaine hiérarchie dont le merveilleux populaire serait le premier palier. De plus, Du Réalisme

Merveilleux des Haïtiens évoque aussi la question de « ř » ( . 269.) ř d g

possibles de la conception du merveilleux haïtien. En dépit de cette tension liée au statut épistémologique du R M A d d ř laquelle est rattachée à un passé humaniste.

défend une théorie géographico-culturelle269, le premier propose une praxis littéraire, proche

du « changer la vie » rimbaldien. L d ê d d ř n du réel.

269 Le réel merveilleux est différent du Réalisme Merveilleux qui ř le réel, ou ř . L dřA C ř . T d avec Alexis, par son association au suffixe isme ř d d . L choix de réel merveilleux (1948) au lieu de réalisme merveilleux par Carpentier est peut-être lié au contexte littéraire de ř ř isme que celui de Breton. Pour Daniel-Henri Pagneux, « Ce n'est pas un hasard si Alejo Carpentier, l'ami pendant dix ans de Robert Desnos, surréaliste dissident, a fait du d' řA ' d "boom" latino- . L řA C d d ç řA d M ř compris aux beautés végétales de la Martinique, l'attaque fait coup double puisqu'elle touche non seulement un proche de Breton, mais Breton lui-même, sa Martinique charmeuse de serpents, ouvrage pour lequel André Masson a donné quelques illustrations. Alejo Carpentier a continué en multipliant les coups de patte contre le Surréalisme, dans Le Partage des eaux (en espagnol Los pasos perdidos, autre allusion claire à Breton) et encore dans Le siècle des Lumières. On comprend aussi comment Alejo Carpentier n'a jamais pensé transformer son real maravilloso en un "réalisme," magique ou merveilleux, tant cet isme eût été comme une machine de guerre contre le Surréalisme: il s'est contenté d'un cheval de Troie, réel et merveilleux ». Daniel-Henri Pagneux, « Préface » dans Charles W. Scheel, Réalisme magique et réalisme merveilleux. des P LřH 2005 . 8.

5.4 Conclusion

L R M dř d . I ř d d -américaine de la pensée littéraire. Sř de la conception doxique d ï ř . I řy ř d g d g . Lř d g d d ř d ont victimes les défenseurs du religieux et de la y . Cř d 270 ř g .

Elle dialogue avec le réalisme socialiste, le surréalisme et le real maravilloso. Enfin, ř d g ř d d .

270 La dimension critique du Réalisme Merveilleux est développée dans la troisième partie : « pensée critique ».

6 Pensée populaire et pensée esthétique : collectivité et individualité en question

L d d ř d d d R Merveill . Dř ô d d g . D ř d g ř d d 271.

Collectivité et individualité appartiennent à une série de couples de concepts qui g d d d ř d R M . L dř important débat provoqué par la publication du Journal d’une poésie nationale de Louis Aragon, Jacques Stephen Alexis a clairement exprimé son parti pris pour les deux concepts précités, ř d d ç d « ř d d »272 dř ésie

. À ř g dř d ç ï proposition de Louis Aragon sera complètement remise en question par Jacques Stephen Alexis. À d ř rs défendue depuis 1945 ř d d . N passage du merveilleux, pensée populaire, au Réalisme Merveilleux, pensée esthétique, à d ř d d . E s verrons la critique que le Réalisme M d ř ř g d ř d d d y d d d .

271 Pour beaucoup de théoriciens rattachés au réalisme socialiste, le concept dřindividu est associé à celui dř d d . Cř d J S A L A g . C remonte également à Karl Radek, lors du 1e g d d 1934. C d ř d d refuse la « dissociation » entre les deux concepts. Régine Robin, Le réalisme socialiste : une esthétique

impossible, op. cit., p. 55.