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Le fond ou la vie : de Karl Marx à Michel Henry

PARTIE I : DE L’ESTHÉTIQUE

Chapitre 1 Ŕ Théorie esthétique

1.2 Le fond ou la vie : de Karl Marx à Michel Henry

L ř y . S d ř d ř : « Q ř -ce que la forme sinon le véhicule qui permet de faire cheminer le contenu, de le communiquer ? » (Du Réalisme, p. 261.) Quel est le

Le chef de section écumait. Il dégaina son revolver et se mit à tirer en direction des chansonniers. Les voix se turent dans un bruit de fuite éperdue tandis que sortaient de la case la femme de Joseph Boudin, Eudovia et ses filles. Elles coururent à lui, tentant de le maîtriser. Fou furieux, Joseph se dégagea brutalement, renversant les femmes. Ses deux filles se sauvèrent sans demander leur reste, mais Joseph avait attrapé Eudovia. Il la î ř . I :

- J ! ř oûte de se mêler des affaires de Joseph Boudin ! Ah !... Tu ř ê d g d ? E y !... L d d . I dř ngoisse, le d d d ř dřE d . V ! V !... V ! V !... » Jacques Stephen Alexis, Les arbres musiciens, op. cit., p. 129-130.

C dř d rraient être étudiés du point de vue du sexisme régnant dans beaucoup de milieux.

85 Aura Marina Boadas, Le « Réalisme Merveilleux » dans l’œuvre romanesque de Jacques Stephen Alexis, Thèse de doctorat de troisième cycle, Université de Bordeaux III, novembre 1987, p. 135.

86 Ibid.

contenu du merveilleux ? Ne pourrait-il pas être le merveilleux lui- ê ? M řy ř î -elle pas autotélique ? Cette autoréférentialité serait elle- ê dř . M J S hen Alexis précise que ř d ř d :

Les problèmes de composition, de narration et de style se posent alors, ces problèmes formels, expression de la tradition romanesque de la littérature haïtienne, symbolique de nos conteurs populaires et enfin de mes goûts personnels, n'est jamais gratuite cependant, et si j'accorde une importance très grande à ces questions, mon effort n'a pour but fondamental que de mieux servir le message88. (Roman, p. 97-98.)

Comment identifier ce message ? Il est dans le syntagme que défend le romancier. L ř « réel » (Du Réalisme, p. 268.). Autrement dit, le réel est le contenu du merveilleu . Lř . Q ř - ř ? I « [ ] ř d . I ř ř . I " jeux de mots, de sons, de couleurs, de lignes ou de masses". » (Du Réalisme, p. 261.)

Lř d d d d d ř . C d . L R isme Merveilleux ne saurait être gratuit. Il est, comme le suffixe isme ř d u doctrine du . Lř d . C g d . I d d ř . C z J Stephen Alexis, tout part du réel ou de la vie. Le réel est premier. Le Réalisme Merveilleux d . Lř d , ř d , questionne le réel ř . I ř d d d J S A «

88 Ce passage doit être mis en relation avec un autre tiré du marxisme, seul guide possible de la révolution

haïtienne qui aborde les « [P]roblèmes du symbolique, du merveilleux, de la réalité immédiate et de la réalité

d d ř d g d d ; d d d d d ř d řœ dř d d ř d ř d y d d dř d d g d řœ dř d d z haïti … … » (Jacques Stephen Alexis, « Le marxisme, seul guide possible de la révolution haïtienne » dans Gérard Pierre-Charles (coord.), Présence de Jacques Stephen Alexis, Port-au-Prince, CRESFED, 1980, p. 132-133. )

ř qui crée la conscience »89. E dř ř

conscience. Il ne saurait en être autrement puisque « toute conscience en général » affirme Husserl dans Méditations cartésiennes, est « [c]onscience de quelque chose »90. La

conscience se ratta . F d ř ř d d . Cř d L’Idéologie allemande de M dřE g : « C ř détermine la vie, mais la vie qui détermine la conscience. Dans la première façon de d d ř d d d seconde façon, qui correspond à la vie réelle, on part des individus réels et vivants eux- ê ř d leur conscience »91.

L ř g d d . Lř d d d d vie. Comme le soutient Frank Fischbach : « řê d expres d g dř ê »92. Il est intéressant de préciser que Karl

Marx et Friedrich Engels93 d dř d d

( ) dř d d ( ). I d dř d d s parce ř ř g M H y d « vie subjective individuelle »94. Le

passage de L’Idéologie allemande que nous venons de citer a des conséquences importantes d dř J S en Alexis et Karl

89 Jacques Stephen Alexis, « Capitalisme et marxisme », La Ruche, no 11, samedi 9 mars 1946, p. 1. http://ufdcimages.uflib.ufl.edu/AA/00/00/72/88/00004/1946_03.pdf, consulté le 30 mai 2012.

90 Husserl, Méditations cartésiennes. Introduction à la phénoménologie, trad. G. Peiffer et E. Levinas, Paris, Vrin, 1969, p. 35.

91 Karl Marx et Friedrich Engels, L’idéologie allemande, précédé de Karl Marx Thèses sur Feuerbach, intro. de J. Milhau, trad. H. Auger, G. Badia, J. Baudrillard, R. Cartelle, Messidor/Éditions Sociales, 1982, p. 78. 92 Franck Fischbach, « Lř d g z M : de la vie "vie étriquée" aux représentations "imaginaires" »,

Actuel Marx, no 43, 2008, p. 15.

93 « Engels qui signa, si l’on peut dire, L’Idéologie allemande avec Marx demeure en fait totalement étranger au contenu philosophique fondamental qui se déploie dans ce texte fulgurant. Pour s’en convaincre il suffit de comparer l’original avec le résumé qu’il en donna après la mort de Marx dans son Ludwig Feuerbach et la fin

de la philosophie classique allemande : il n’y a aucun rapport entre ces deux écrits. D’une part l’exposé

d’Engels comporte des erreurs historiques extrêmement graves, puisqu’il intervertit l’ordre des influences de Feuerbach et de Stirner sur Marx, ce qui suffit à rendre inintelligible le développement intérieur de la pensée de ce dernier pendant ces années décisives. Mais surtout on voit comment aux intuitions géniales et décisives de L’Idéologie allemande, qui renversent le concept de l’être tel qu’il domine depuis la Grèce la pensée occidentale et font vaciller l’horizon philosophique où elle n’a cessé de se mouvoir se substitue chez Engels un discours d’une platitude navrante le plus immédiat le plus superficiel, au matérialisme de Feuerbach et à celui du XVIIIe siècle ». Michel Henry, Marx, tome I, Une philosophie de la réalité, Paris, Gallimard, 1976, p. 10-11.

M F d E g dř J S A L . S ř d d Ŕ au singulier ou au pluriel Ŕ ř incontournable pour Marx et Engels, il est tout autre pour Lénine. En effet, celui-ci propose dans Karl Marx et sa doctrine de rejeter purement et simplement « le subjectivisme » :

L y ř d d d d la naissance, du développement et du déclin des formations sociales et řensemble des tendances contradictoires, en ramenant celles- d dř d d déterminées, des diverses classes de la société, en écartant le subjectivisme ř d oix des idées et de toutes les tendances différentes, d ř d d 95.

Lénine rejette le subjectivisme96 et garde « řê » « les diverses classes

d ». M d ř - d ř d d ? Lř d d ř î d d Le Capital. Cř d z M . A y par exemple : « Lř d d d d d lui-même »97. N d ř R M

rapproche davantage de la pensée de « ř d d » « des individus vivants » de

95 Lénine, Karl Marx et sa doctrine, Paris, Éditions Sociales, 1947, p. 15.

96 Ce rejet est aussi exprimé dans les Textes philosophiques, en particulier dans cette critique adressée aux subjectivistes : « Les subjectivistes, par exemple, tout en admettant que les phénomènes historiques obéissent à des lois, étaient pourtant incapables de considérer leur évolution comme un processus historico-naturel, et ce ř ř ê d d ř d et ces buts aux rapports sociaux matériels ». Lénine, Textes philosophiques, intr. de B. Longuenesse, trad. S. Pelta et F. Sève, Paris, Éditions sociales, 1982, p. 50. Plus loin, il écrit dans une note : « Le subjectivisme (le scepticisme et la sophistique, etc.) se distingue de la dialectique, entre autres, en ce que dans la dialectique ( ) d ř -même relative. Pour la dialectique objective, dans le relatif il y a ř . P ment relatif et exclut ř ». Ibid., p. 253.

Cependant, ce même Lénine qui veut écarter le subjectivisme voue une admiration à Léon Tolstoï, lequel est, selon lui, « [dř ] g d » « un romancier génial ». Lénine, « Léon Tolstoï, Miroir de la révolution Russe (septembre 1908)» dans Sur l’art et la littérature, tome III, textes choisis et présentés par J- M P P U G dřÉd 1975 . 104-105. Si cela prouve que Lénine savait certaines fois adapter le contenu de son discours en fonction des circonstances Ŕ le cas échéant, en admettant la dř g d Ŕ d d ř d .

97 Karl Marx, Le Capital, trad. M. J. Roy, Paris, Maurice Lachâte, 1872, p. 73.

Marx plutôt que de ses interprètes98. La vie en question est le réel. La conscience est

ř ç d 99. Mais comment comprendre le Réalisme

Merveilleux, du point de vue de la vie, dans le roman ?