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CHAPITRE 6 : DYNAMIQUE DE RÉSEAU DANS LA MISE EN ŒUVRE DES SYMBIOSES INDUSTRIELLES : LA

6.1. Quand l’individu fait le réseau : l’action collective au prisme de l’individu

6.1.3. Des réalisations concrètes pour maintenir la dynamique de réseau

Si des progrès sont constamment réalisés dans l’appropriation de la démarche par les parties prenantes et leur investissement, les acteurs en appellent à « voir du concret ». Les formes de ces résultats concrets et les repères pour les apprécier diffèrent d’un acteur à un autre.

6.1.3.1. Des synergies industrielles pour la dynamique de réseau

Les échanges de flux constituent d’importants vecteurs dans la construction d’une dynamique de réseau autour d’un projet de symbiose industrielle. Ainsi, pour certains acteurs de la démarche MER, plus de trois ans après le déploiement du projet et une quarantaine d’échanges de flux, les résultats tardent à venir : « il n’y a pas suffisamment de synergies déployées. Il faut encore de nouveau travailler et mener à terme d’autres synergies » (GRAN-ENT-PORT4). En effet, si les motivations des acteurs ne sont pas accompagnées d’actions concrètes ou de réelles synergies industrielles, il existe un risque d’essoufflement pour la dynamique de réseau. Ces attentes pour des résultats concrets intensifient donc les contraintes liées à la dynamique de réseau. De plus, lorsque seules quelques entreprises sont concernées par les échanges de flux, le système peut en être ébranlé. Si « on ne s’intéresse pas aux entreprises avec lesquelles on a à travailler, cela peut amener les entreprises à remettre en question, pourquoi elles devraient rester mobilisées dans le projet » (GRAN-ENT-KAM3).

Ainsi, la mise en œuvre d’une démarche d’écologie industrielle suppose une proximité relationnelle qui va au-delà des liens sociaux, d’amitié, etc. Les liens relationnels pourraient se mesurer au nombre de synergies

existantes, et plus finement au nombre de parties prenantes impliqués dans les échanges de flux. Cependant, les synergies industrielles relèvent d’une proximité géographique et institutionnelle, mais aussi d’un encastrement des acteurs dans des structures sociales pouvant faciliter le transfert des connaissances, les interactions, la prise d’initiatives, etc. Les échanges de flux reposent sur le principe suivant lequel les relations économiques sont toujours, dans une certaine mesure, intégrées dans un contexte social (Boschma, 2004 ; Granovetter, 1985 ; Kallmuenzer & Peters, 2017; Konstantynova & Wilson, 2017). Les réalisations concrètes dont il est question, peuvent donc être lues comme la capacité du réseau à créer des relations sociales pouvant générer des impacts significatifs, notamment économiques en termes d’innovations pour les industries (Vicente, 2016 ; Boschma, 2004).

Cependant, pour quelques parties prenantes, le plus important réside dans le projet de territoire et dans l’existence des échanges de flux au sein du réseau, sans qu’elles ne soient directement concernées. Mais la plupart sont avant tout motivées par leur implication dans les synergies industrielles. Pour s’assurer de répondre à cette motivation, les porteurs de projets, tant au Kamouraska qu’au Port Atlantique La Rochelle, misent sur la stratégie du « quick win »83.

6.1.3.2. Entre synergies ponctuelles et récurrentes

L’importance des synergies industrielles dans le maintien d’un engagement durable des parties prenantes ne se résume pas aux premiers échanges de flux. Cependant, les premiers échanges de flux, notamment autour des palettes et des cartons, participent à une stratégie pouvant aider à susciter de l’intérêt pour les démarches. Néanmoins, l’enjeu de la récurrence des synergies est aussi primordial. La dimension temporelle des échanges de flux est donc importante dans la logique des acteurs.

En effet, si pour certains acteurs, les synergies peuvent prendre du temps pour se mettre en place, les longues attentes dans leur concrétisation, peuvent donner lieu à des frustrations (Graphique 14). Dès lors, les probabilités de rupture du lien de confiance avec le porteur de projet sont plus élevées. Les synergies industrielles s’établissent ainsi autour d’une proximité relationnelle, en rapport aux liens existants au sein du réseau d’acteurs, qui donnent lieu à des sentiments d’appartenance à un même réseau. Elles renvoient ainsi à un degré de connectivité qui, se mesure plus ou moins suivant le potentiel d’interactions ou d’actions communes pouvant s’appliquer à des groupes d’acteurs, à des organisations ou à des institutions (Torre & Beuret, 2012).

83 Expression de l’efficacité très souvent employée dans le domaine du marketing, le « quick-win » désigne des actions simples à mettre en place mais qui peuvent avoir un fort retentissement dans une entreprise ou dans un réseau. Pouvant être traduite comme « succès rapides », l’expression « quick win » met en évidence l’importance de démarrer un projet par des initiatives et/ou d’apporter des changements qui permettent de convaincre facilement et de mobiliser davantage de parties prenantes.

Graphique 14 : Niveau de satisfaction des parties prenantes au Kamouraska

Réal : Auteur, Données : Enquête au Kamouraska, 2018 Au Kamouraska par exemple, certaines parties prenantes sont devenues moins présentes aux rencontres au bout de la deuxième année du projet. Leur absence est souvent justifiée par l’inexistence d’échanges de flux qui les concernent. Ces acteurs ne perçoivent plus d’intérêt ou de nécessité à assister aux rencontres sur le projet. Les synergies industrielles relèvent ainsi d’une dynamique de construction permanente par l’ajout ou la suppression de nouvelles connexions dans les relations. En s’appuyant sur diverses formes de proximités, elles participent à l’émergence de regroupements d’acteurs plus ou moins durables par le biais de liens qui se créent, ou se défont, des alliances qui se nouent, etc. Toutefois, dans l’exemple du Kamouraska, peu d’acteurs ont brutalement cessé d’être présents aux rencontres. La démobilisation fut progressive.

En effet, les relations économiques ou sociales sont partages au sein d’un agencement organisationnel qui implique à la fois l’intensité (plus ou moins soutenue) des relations, et le degré d’autonomie (plus ou moins important) au sein de l’organisation (Beaurain & Varlet, 2015 ; Boschma, 2004). En d’autres termes, les synergies industrielles impliquent deux niveaux de proximité relationnelle : faible (aucun ou faible lien) ou forte (où les liens sont forts et hiérarchisés) entre les acteurs. Comme en témoignent d’autres travaux sur les proximités, il est possible de passer d’un niveau à un autre (Boschma, 2004), c’est-à-dire que soit remis en cause le maintien des relations entre les acteurs, en fonction des objectifs et la façon dont les relations se construisent dans la durée ; car le niveau de densité évolue dans le temps (Filippi, 2005 ; Gilly & Torre, 2000).

14%

57% 29%

Je suis satisfait au-delà de mes attentes. Je suis satisfait.

Dans le cadre d’un projet de symbiose industrielle, la dynamique collective est ainsi dépendante de la réalisation des synergies industrielles avec une pluralité d’acteurs. Elle s’articule autour du rapport au temps qu’ont les parties prenantes. En outre, les motivations à participer sont étroitement liées à la perception qu’ont les premiers responsables des organisations de la démarche et du réseau. Ce sont ces responsables qui portent les valeurs, les motivations et les conflits à l’œuvre dans la dynamique de réseau.

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