• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 4 : L’ÉCOLOGIE INDUSTRIELLE AU CŒUR DE L’INNOVATION TERRITORIALE AU KAMOURASKA

4.5. Du potentiel et des échanges de flux dans la symbiose industrielle de Kamouraska

4.5.2. Des synergies industrielles dans le Kamouraska

Au Kamouraska, depuis les premiers échanges de flux initiés au courant de l’année 2017, le projet de symbiose industrielle a permis pas moins de 52 échanges de 337 tonnes de flux47 (Figure 9). Certaines de ces synergies furent spontanées, alors que d’autres ont fait l’objet d’une planification avant leur mise en œuvre. De plus, on

peut souligner trois cas de figure majeurs dans les échanges de flux au Kamouraska. Il s’agit des synergies ponctuelles (expérimentées une fois au moins pour répondre à un besoin), des synergies récurrentes (qui s’inscrivent dans la durée) ou des synergies en difficulté (soit à l’arrêt ou abandonnées pour diverses raisons) (Graphique 5).

Graphique 5 : Répartition des synergies industrielles au Kamouraska

Réal : Auteur, Données : SADC Kamouraska, mai 2019

Seuls quelques échanges de flux peuvent faire l’objet d’une diffusion plus détaillée, en raison des enjeux de confidentialité. Je peux donc souligner l’utilisation d’un rejet minéral par une municipalité locale, la réutilisation de retailles de tissus industriels pour la production de sacs, les retailles de bois pour la fabrication de cadres et montants de bancs, le tri et le conditionnement de matières, la valorisation de rejets industriels, les circuits de valorisation de résidus de bois, de papiers-cartons, des feuilles d’aciers, de cendres résiduelles et des surplus de chaudières en plastique (Tableau 14). D’autres synergies concernent l’échange de résidus d’acier entre deux entreprises locales et l’intégration des plastiques agricoles à la collecte municipale de la ville de La Pocatière. Certains flux, comme des plastiques d’emballage de bois, sont aussi mis à l’essai entre une entreprise spécialisée dans les produits de scieries et une ferme locale. Des tests sont d’ailleurs en cours pour l’utilisation de ces plastiques d’emballage de bois comme couverture temporaire de sol. Ces plastiques sont censés faire mourir les plantes non désirées.

Tableau 14 : Description de quelques échanges de flux au Kamouraska

Type de synergie Nombre d’acteurs Description Utilisation d’un rejet minéral par les

municipalités

4 acteurs (3 entreprises et une municipalité)

La municipalité de Sainte-Anne-de-La-Pocatière utilise des rejets minéraux d’une entreprise locale comme abrasifs sur certaines routes du territoire. En effet, une entreprise d’abrasion récupère, auprès d’une manufacture d’exploitation de tourbes, des résidus minéraux qu’elle utilise comme revêtement des routes de la municipalité. De plus, les résidus collectés sont transportés dans des big-bags recyclés par une autre entreprise du secteur de la distribution et de vente d’articles au détail. Il s’agit d’un double échange de flux avec plusieurs acteurs géographiquement proches sur le territoire.

Réutilisation de retailles de tissus industriels pour la production de sacs

2 entreprises (une manufacture et un artisan local)

Une grande entreprise d’ameublement cède gratuitement à une entreprise de l’économie sociale et solidaire en création artistique des tissus et des cuirettes pour la fabrication d’objets artistiques. Ces échanges ont permis, après une année de mise en œuvre, la valorisation de 1,1 tonne de tissus et cuirettes.

Réutilisation de retailles de bois 2 acteurs (une entreprise et une école secondaire)

Une entreprise sociale d’une école secondaire récupère et valorise des retailles de tissus d’une firme d’éco-construction spécialisée dans la charpente de bois massif. Ces retailles servent à la fabrication de cadres et de montants de bancs.

Tri et conditionnement de matières 2 entreprises Il s’agit d’un échange de services et de valorisation de flux. En effet, une entreprise d’ameublement fait trier ses résidus de matières par une autre qui les conditionne, tout en identifiant des possibilités de valorisation. Cette dernière stocke donc ainsi dans ses locaux des résidus de matières issus de la firme d’ameublement.

Valorisation d’un rejet industriel 2 entreprises La même entreprise impliquée dans le tri et le conditionnement des résidus de matières valorise le rejet industriel d’une manufacture locale de fabrication d’engins roulants. Cette synergie a nécessité un long échange entre les acteurs, puis une longue étude de faisabilité

technique. Mais elle est, depuis, soumise à de nombreuses incertitudes en raison d’un désaccord entre les parties prenantes sur le prix de cession de la matière.

Échange de résidus de bois 3 entreprises Trois entreprises ont mis en place un circuit de valorisation des résidus de bois. Les résidus de bois de transport d’un fabricant de matériel roulant sont recyclés et triés par une entreprise, nouvellement installée dans la région. Cette dernière exploite les palettes recyclées pour la confection de petits meubles décoratifs et construit du matériel de transport sur mesure pour le fabricant d’engins avec une partie des résidus. Une autre partie des trente tonnes de bois recyclés par une troisième entreprise est destinée à l’utilisation comme bois d’allumage dans les campings.

Échange de cartons 4 acteurs (3 entreprises et un Cégep)

Une entreprise d’élevage récupère des boîtes usagées auprès d’un détaillant de chaussures pour l’expédition des sachets de poudres de grillons. Le détaillant de chaussures échange d’autres boîtes de cartons avec une fromagerie locale et un groupe coopératif d’étudiants du département de Technologie du génie physique du Cégep de La Pocatière. Ces derniers utilisent aussi les boîtes de cartons pour l’expédition de leurs produits. Le groupe coopératif étudiant est spécialisé dans le recyclage et la réparation d’appareils électroniques.

Échange de copeaux de bois 2 entreprises (une ébénisterie et une ferme) et des agriculteurs locaux

Les copeaux de bois d’une ébénisterie sont récupérés par une ferme comme litière pour les veaux. Cette synergie témoigne de l’importance de la proximité géographique et des échanges directs entre les acteurs. En effet, elle est mise en œuvre par deux entreprises de la municipalité rurale de Saint-André-de-Kamouraska, et s’est essentiellement faite après des discussions engagées par l’ébénisterie. Cette dernière recherchait des circuits de valorisation pour ses copeaux de bois et ses brans de scie. Une fois les copeaux de bois réutilisés comme litière animale, les litières sont à leur tour épandues comme matière résiduelle fertilisante pour les agriculteurs locaux.

Échange de feuilles de papier 2 entreprises Une microbrasserie industrielle récupère les feuilles de papier placées entre les feuilles d’acier, lors du transport des matières premières d’un fabricant de récipients en métal. Elle les utilise comme emballage de protection pour ses colis en expédition. Les feuilles de papier servent ainsi une deuxième fois avant d’être introduites dans les circuits de recyclage. Valorisation des cendres résiduelles de

chaudières à la biomasse

3 acteurs (une coopérative agricole, le CDBQ et l’Hôpital Notre-Dame-de-Fatima à La Pocatière)

Ces trois parties prenantes ont effectué des essais terrain en valorisant 1,5 tonnes de cendres issues de leurs chaudières à biomasse comme fertilisant pour terres agricoles. La mutualisation des cendres résiduelles de toutes ces parties prenantes permet de disposer d’une quantité suffisante de matières. On estime à plus de 20 tonnes la quantité de cendres résiduelles pouvant être valorisées comme fertilisant par année.

Échange de surplus de chaudières en plastique

2 acteurs (une entreprise et Biopterre)

Une entreprise agroalimentaire spécialisée dans la production de jus de fruits cède au Centre de développement des bioproduits (Biopterre) des chaudières en plastique de 19 litres. Le premier échange a concerné environ 600 unités de seaux.

Les synergies industrielles du Kamouraska peuvent être analysées comme la résultante de diverses formes de proximité, notamment géographique et sociale. Nous reviendrons plus amplement sur cette analyse des formes de proximité dans les Chapitres 6 et 7. De plus, certains échanges sont opérationnalisés avec la communauté locale à travers deux initiatives majeures. Un partenariat avec un séminaire de création artistique a permis de mettre des matériaux provenant d’entreprises de la symbiose industrielle à la disposition des artisans locaux. Des résidus de feuilles de papier ont été utilisés comme emballages pour les œuvres produites. La démarche participe aussi au renforcement du projet Éco-chantier de Co-Éco, partenaire de la symbiose industrielle. Ce projet permet la récupération et la mise en valeur des matériaux de construction, de rénovation et de démolition, dont nous traiterons dans le Chapitre 9. Par ailleurs, d’autres résidus sont mis en stockage (bois, composants et matériau compostes, textiles) en attendant d’identifier les possibilités de valorisation. Globalement, ces échanges de flux participent au développement de nouvelles filières locales. Ils s’inscrivent dans une stratégie individuelle et collective d’amélioration de la performance écologique des entreprises et du territoire. Ils répondent aussi à des objectifs socioéconomiques.

Outline

Documents relatifs