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Nous avons dans un premier temps établi que la conception des modèles agronomiques suivait une méthodologie largement standardisée dont la structuration n’est pas liée à un usage ou à une utilisation. Nous avons également établi que cette méthode de conception était insuffisante lorsqu’il s’agissait de produire des modèles utilisés en dehors de la recherche. Nous nous proposons d’investir ce problème du rapport entre conception et usage à partir de l’exemple des modèles d’analyse des interactions génotype-environnement. Nous disposons en effet, à travers la méthode mise au point par C. Lecomte, d’un modèle de l’analyse des IGE qui est en cours de conception et qui peut être mis à l’épreuve avec des utilisateurs potentiels, fortement intéressés par l’outil que ce modèle peut devenir. Nous pouvons ainsi étudier ce que produit le fait de mettre en lien conception et usage.

Nous avons établi l’importance d’impliquer les utilisateurs potentiels dans le travail de conception pour se saisir de cette question d’usage. Nous avons également établi que traiter la conception en relation avec une problématique d’usage peut se conceptualiser sous l’angle du développement : développement des activités des différents participants au processus de conception et développement de l’outil en cours de conception. Dès lors, nous envisageons d’engager le travail de thèse pour traiter deux questions de recherche. Première question de recherche : quel processus construire pour mettre au point un outil d’analyse des IGE, en faire un outil utilisable et utilisé par les acteurs de l’évaluation variétale, et initier une dynamique de développement conjoint des activités et de l’outil ?

Deux éléments méthodologiques ressortent de notre analyse bibliographique des travaux sur la conception et sur le développement des activités. Le premier renvoie à la nécessité d’analyser l’activité des utilisateurs dans laquelle l’outil que nous concevons a vocation à venir s’insérer. Cette analyse doit nous permettre : (i) d’adapter le modèle aux besoins et aux manières de travailler des utilisateurs, (ii) de repérer les dimensions de l’activité sur lesquelles nous appuyer pour initier un développement. Plus précisément, nous proposons que cette analyse puisse servir simultanément des objectifs :

- de cristallisation pour inscrire dans l’artefact un modèle de l’utilisateur et de l’utilisation permettant aux utilisateurs de se saisir de cet artefact et de l’inscrire dans leur activité,

- de plasticité pour prendre la mesure de la variabilité des utilisateurs et de leurs actions,

- de développement pour aider les utilisateurs à dépasser les contradictions de leur activité et pour leur donner l’occasion de construire des genèses instrumentales.

Le second élément méthodologique repose sur le rôle de médiation d’un outil dans l’activité. L’introduction d’un nouvel outil dans une activité va avoir un effet perturbateur sur l’activité. Mais pour l’évaluer, il faut que les utilisateurs potentiels aient les moyens de mettre à l’épreuve le nouvel outil dans leur activité. Il ne suffit pas a priori que les concepteurs décrivent leur idée de conception aux utilisateurs potentiels. Il faut

Problématique

41 que cette idée prenne un sens dans l’activité des utilisateurs. Il faut que ces derniers aient les moyens d’expérimenter comment cette idée remet en mouvement les ressources de leurs propres actions. C’est là que nous voyons l’intérêt des méthodes de « simulation » : simuler est une opportunité pour susciter une activité constructive qui permet justement aux acteurs en situation de simulation de se construire des ressources d’action. Nous proposons donc de mettre en scène le nouvel outil, à l’état de prototype, dans la simulation. Nous parlons de mise en scène car il ne s’agit pas uniquement de faire utiliser l’outil en cours de conception aux utilisateurs. Il faut construire la simulation de façon à ce que les utilisateurs y trouvent un écho pour mettre en mouvement leur propre activité. Nous nous proposons d’utiliser le concept des « contradictions, moteur du développement » proposé par Engeström pour construire la mise en scène autour de l’outil dans notre démarche de simulation.

Pour répondre à cette question, nous souhaitons donc élaborer une démarche de conception basée sur une analyse de l’activité et sur la mise en scène des contradictions dans une simulation de façon à articuler, dans le cours du projet, les objectifs de cristallisation, plasticité et développement. Nous expliciterons la façon dont les choix faits en matière d’analyse de l’activité et de simulation sont plus ou moins contingents de notre cas d’étude, celui de l’élaboration d’un outil d’analyse des IGE conçu pour aider les acteurs de l’évaluation variétale. Ceci nous permettra de dégager les éléments génériques susceptibles d’être remobilisés dans d’autres situations par des agronomes voulant concevoir des outils à destination de non-chercheurs. Il existe en conséquence une tension assez forte entre cette recherche de généricité et la nécessaire inscription dans un contexte particulier de travail, dont on a montré qu’elle était indispensable à la conception.

Deuxième question de recherche : comment le fait de conjuguer conception et usage transforme l’outil en cours de conception et l’activité des différents participants à la conception ?

Nous avons envisagé le traitement de cette question à travers deux « filtres » différents. Dans un premier temps, nous avons pris un filtre d’agronome pour observer les conséquences d’une articulation conception-usage. Ce faisant, nous avons plus particulièrement étudié le modèle agronomique en jeu dans la conception et l’activité des agronomes-modélisateurs dont ce modèle est l’objet de recherche. Dans un second temps, nous avons pris un filtre d’ergonome pour étudier les effets de cette articulation conception-usage. Nous avons alors analysé les éléments méthodologiques travaillés dans notre démarche et les transformations de l’activité des utilisateurs. C’est pourquoi nous présentons ci-dessous deux déclinaisons de cette question de recherche, que nous retrouverons dans nos chapitres de résultats.

2.a : comment le fait de conjuguer conception et usage fait évoluer le modèle en