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2.b : comment le fait de conjuguer conception et usage permet de travailler des éléments méthodologiques de la conception et les dynamiques du processus de

Phase 3 Retour sur l’outil

C. Exploration de questions agronomiques à l’interface entre le modèle DIAGVAR et l’activité des utilisateurs

I. Des questions agronomiques concernant le diagnostic agronomique et la modélisation

1. Questionnement d’éléments du diagnostic agronomique

1.1.3 Problème de l’indicateur du statut azoté des cultures

Parmi les données contraignantes à collecter pour les acteurs de l’évaluation, l’INN (indice de nutrition azotée) s’est avéré particulièrement peu adapté aux pratiques des acteurs. Cet indicateur de la nutrition azotée, établi sur les génotypes révélateurs, nécessite en effet un prélèvement de plantes, sur une surface donnée précise et connue, au stade floraison, puis le séchage de ces échantillons, leur pesée, leur broyage et une analyse de leur contenu en azote.

Le chlorophylle-mètre est un appareil qui permet d’estimer la teneur en chlorophylle d’une partie du végétal (en général la feuille), celle-ci étant généralement étroitement liée à sa teneur en azote. Le principe est le suivant : la lumière émise à une longueur d’onde de 650 nm est absorbée par la chlorophylle. A 940 nm (infra-rouge), la lumière est essentiellement transmise, la part absorbée étant retenue par les parois des cellules et l’eau. Ainsi, le rapport entre ces deux longueurs d’onde permet de déterminer la teneur en chlorophylle de l’organe. En pratique, l’appareil est muni d’une pince dont chaque bras renferme une cellule : l’une est une diode électroluminescente qui émet aux longueurs d’onde de 650 nm et 940 nm, l’autre est un capteur recueillant la lumière transmise au travers de l’échantillon. Cette dernière est transformée en signal analogique amplifié, converti en signal digital puis en indice chlorophyllométrique dont l’échelle de mesure varie selon les appareils (de 20 à 70 pour le SPAD).

Cadre C-1 : fonctionnement des chlorophylle-mètres

Pour autant, les acteurs étaient intéressés par l’information apportée par cet indicateur : il leur semble en effet stratégique de mieux connaître le comportement de leurs variétés face aux stress azotés. Nous avons donc cherché un indicateur du statut azoté des variétés testées mieux adapté aux acteurs. L’idée est apparue assez tôt de remplacer la mesure de l’indice de nutrition azotée par des mesures indirectes obtenues au moyen d’un chlorophylle-mètre (type SPAD ou N-Tester, les deux appareils donnant des résultats très fortement corrélés). Ces appareils (Cadre C-1 et figure C-2), appelés également pinces à chlorophylle, sont basés sur une mesure de la transmittance des feuilles et permettent ainsi d’estimer la teneur en chlorophylle, fortement corrélée au taux d’azote dans les feuilles. Les mesures sont non destructives et rapides à effectuer.

Nous présentons dans la partie II de ce chapitre comment nous avons étudié la possibilité de remplacer la mesure des INN par des mesures effectuées au moyen de chlorophylle-mètres et en quoi ces dernières sont plus compatibles avec les pratiques expérimentales des acteurs.

1.2 Quels indicateurs choisir pour décrire les facteurs limitants ?

Plusieurs questions des acteurs concernaient la définition des indicateurs des facteurs limitants (FL), portant à la fois sur les choix que nous avions faits de représenter certains FL et pas d’autres, mais aussi sur la pertinence des indicateurs utilisés pour décrire l’effet d’un facteur limitant.

D’une part, la gamme des FL pris en compte dans l’outil n’est pas exhaustive. Certains FL, observés par les acteurs (comme les mauvaises herbes et les pucerons) ne sont pas considérés dans l’outil, faute de disposer d’un indicateur pertinent dans la littérature. Or, dans certains essais, ces FL ont été observés par les acteurs qui ont exprimé le souhait (en phase 1 notamment) de pouvoir rajouter certains facteurs limitants à la gamme proposée. Rajouter de tels facteurs limitants nécessite de définir un indicateur et une gamme de valeurs de l’indicateur dans laquelle ces FL sont effectivement limitants. Cela renvoie des questions vers les agronomes et les écophysiologistes pour quantifier l’intensité des facteurs limitants à l’aide de variables faciles d’accès, susceptibles de devenir des indicateurs de diagnostic. Concernant les mauvaises herbes, par exemple, des travaux sont en cours (thèse de M.Casagrande, collaboration UMR Agronomie INRA-AgroParisTech et ISARA) pour définir des indicateurs d’infestation de mauvaises herbes représentatifs de leur effet sur le rendement dans le cas de blés cultivés dans le cadre du cahier des charges de l’agriculture biologique.

D’autre part, certains indicateurs de facteurs limitants ont été remis en question. C’est par exemple le cas du critère xeauhv, représentant les problèmes d’excès d’eau hivernal, discuté en particulier lors des réunions avec le GEVES. Ce critère est ressorti systématiquement comme significatif, quel que soit le jeu de données GEVES testé. Les acteurs ont contesté l’existence systématique de ce facteur limitant dans leurs essais. En effet, c’est un facteur qui est bien repéré et signalé par les expérimentateurs présents sur les essais et ce facteur limitant n’avait quasiment jamais été signalé sur les essais testés dans DIAGVAR. Compte tenu de la méthode statistique utilisée pour le diagnostic (évoquée précédemment), nous avons supposé que ce facteur pouvait en masquer un autre auquel il aurait été en partie corrélé mais cette hypothèse n’a pu être vérifiée : le retrait de ce facteur limitant de la régression n’a pas fait systématiquement apparaître d’autres facteurs limitants.

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85 A travers ces remarques, c’est le choix de l’indicateur qui représente l’effet du facteur limitant sur le rendement qui est remis en question. La résolution de ces difficultés passe, comme dans le cas précédent, par un retour à l’écophysiologie pour trouver de nouvelles façons de représenter l’effet des FL.

1.3 Faut-il conserver des génotypes révélateurs ?

Beaucoup de questions des acteurs ont concerné les génotypes révélateurs : comment les choisir pour être sûr de couvrir la gamme des facteurs limitants du milieu sur une gamme de précocité suffisante ? Combien en choisir au minimum ? Comment être sûr de leur complémentarité ? Comment faire si un facteur limitant n’était pas couvert par un des génotypes révélateurs ? etc. Il n’y a pas de réponses évidentes à ces questions : on ne pourra jamais être sûr d’avoir couvert toute la gamme des sensibilités possibles avec quelques variétés, même bien choisies. Idéalement, il faudrait avoir une variété sensible à chaque facteur limitant possible (et même prendre en compte le fait qu’on peut avoir plusieurs souches pour une même maladie et donc avoir une variété sensible à chaque souche de maladies). Cependant, même dans ce cas, on ne se prémunit pas complètement des problèmes de confusion d’effets qui peuvent se poser. Par exemple, si une variété est fortement touchée par une maladie foliaire, il sera difficile de détecter sur ses feuilles déjà fortement nécrosées la présence d’une seconde maladie (qui pourra cependant avoir été présente). Deux solutions peuvent être envisagées, la seconde étant une généralisation de la première :

- La première solution possible consisterait à pouvoir introduire des facteurs limitants que l’expérimentateur aurait repérés sur des variétés autres que les génotypes révélateurs. Il s’agit en fait de relever les indicateurs de facteurs limitants ayant une valeur importante, témoignant que le facteur limitant était présent dans l’essai (même si cela ne présage pas de son effet sur le rendement). Par exemple si un problème de verse a touché une ou plusieurs variétés, mais aucun des génotypes révélateurs, nous pourrions nous donner la possibilité de forcer l’entrée de la covariable correspondant à ce facteur limitant dans l’étape de caractérisation des variétés (étape 3 de la méthode) pour que les résistances des variétés à la verse puissent être évaluées. De fait, ce sont les valeurs des indicateurs (valeurs de 0 à 10 établies dans l’étape 1) qui sont introduites dans l’étape 3 de DIAGVAR et non les poids estimés par l’étape 2. Il est donc assez facile d’imaginer introduire ces valeurs directement dans l’étape 3.

- En poussant ce raisonnement à l’extrême, la seconde solution pourrait être de supprimer complètement les génotypes révélateurs et de se servir des indicateurs de facteurs limitants estimés sur l’ensemble des variétés. Cette solution pourrait résoudre la difficile question du renouvellement des génotypes révélateurs, et de la collecte de références sur ces variétés pour en caractériser le rendement potentiel.

Ces deux solutions posent très nettement des problèmes. Tel qu’il est programmé, le diagnostic des facteurs limitants du milieu, préalable à l’étape de caractérisation des variétés, fonctionne à partir d’indicateurs de facteurs limitants calés sur des phases de développement et issus de l’observation. Demander le relevé des indicateurs de facteurs limitants sur l’ensemble des variétés, et plus uniquement sur les génotypes révélateurs seuls, ne conduirait pas nécessairement à

alourdir le protocole des mesures. En effet, au fur et à mesure des allègements du protocole et de la liste d’indicateurs que nous avons faits, ces notations ne diffèrent plus tellement des notations effectuées en routine par les différents acteurs de l’évaluation ou de celles qu’ils sont prêts à faire. Sont nécessaires dans DIAGVAR des données météorologiques d’un lieu, quelques données sur le sol de la parcelle, des rendements, des notations maladies, des indicateurs de l’état de nutrition azotée et des notations de stade. Parmi l’ensemble de ces mesures, deux pourraient être problématiques si elles devaient être faites sur chaque variété : le suivi du stade épi 1 cm et la mesure des INN. Or nous proposons une relation permettant d’estimer la date du stade épi 1 cm à partir du stade épiaison (noté en routine sur l’ensemble des variétés) et nous proposons de remplacer l’INN par une mesure rapide et non destructive obtenue avec un chlorophylle-mètre aux alentours de l’épiaison. Il semble donc que l’on puisse collecter les informations et observations nécessaires sur l’ensemble des variétés sans que cela n’entraîne de travail supplémentaire dans les expérimentations.

Le diagnostic des facteurs limitants se fonde également sur les écarts entre rendements observés et rendement potentiel pour une variété donnée. Sans génotype révélateur, comment disposer de rendements de référence nécessaires au calcul des pertes de rendement ? Outre les génotypes révélateurs, les variétés qui sont testées dans ces essais sont de nouvelles variétés, sur lesquelles on ne dispose justement pas de références bien établies en termes de rendement « potentiel ». Il faudrait donc revenir à un diagnostic établi sur la base de l’analyse du rendement direct et non pas des pertes de rendement. Le problème consisterait alors à savoir combiner les informations produites sur les différentes variétés qui peuvent avoir des rendements très différents pour obtenir un diagnostic global des facteurs limitants du milieu.

Une autre solution possible, pour éviter tout problème lié à la suppression des génotypes révélateurs, serait de laisser de côté le diagnostic des facteurs limitants (étape 2 de la méthode) pour aller directement à la caractérisation des variétés (étape 3) en forçant l’entrée des facteurs limitants détectés sur l’ensemble des variétés dans la régression factorielle qui permet d’estimer les résistances des variétés aux différents facteurs limitants (c'est-à-dire en prenant la main pour introduire les facteurs limitants dans la régression factorielle). Cela est faisable dans l’outil puisque les facteurs limitants sont représentés, dans la régression factorielle, par la valeur de 0 à 10 de leur indicateur, établie dans l’étape 1 de DIAGVAR. On retombe alors dans des travaux déjà proposés (e.g. Voltas et al., 2005) que C. Lecomte avait critiqués ayant montré qu’ils manquaient de validité agronomique, raison pour laquelle il avait fait précéder cette étape d’une étape de caractérisation des milieux fondée sur un diagnostic des facteurs limitants du milieu (Lecomte, 2005). Nous renvoyons à la thèse de C. Lecomte pour une discussion sur la nécessité des génotypes révélateurs (Lecomte, ibid.).

Si DIAGVAR, tel qu’il fonctionne actuellement, peut s’alimenter de données disponibles en routine sur l’ensemble des variétés présentes dans les essais, résolvant ainsi un des problèmes qui justifiaient de l’existence des génotypes révélateurs, nous voyons donc que de nombreux problèmes subsistent dans l’hypothèse d’une élimination des génotypes révélateurs de la méthode. Cela reste néanmoins une piste intéressante à travailler pour répondre aux contraintes de réalisation des expérimentations telles qu’elles s’expriment aujourd’hui.

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2. Questionnement sur la façon de modéliser des phénomènes