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II. La conception avec les utilisateurs 1 Introduction

3. Comment penser le processus de conception en lien avec le développement ?

3.2.1 Analyser l’activité pour reconfigurer les situations de travail

L’ergonomie de langue française s’est constituée autour d’une distinction fondamentale entre la tâche et l’activité. La tâche est « ce qui est à faire, ce qui est prescrit » alors que l’activité est « ce qui est fait, ce qui est mis en jeu par le sujet pour effectuer la tâche ». L’activité est finalisée par le but que se fixe le sujet, à partir du but de sa tâche (Falzon, 2004). C’est dans les différences qui peuvent exister entre tâche et activité que se trouvent les savoirs, savoir- faire et savoir-être développés par le sujet. Sa connaissance de son travail le conduit à privilégier telle action ou telle autre, pas forcément celles qui lui étaient prescrites à l’origine, parce qu’elles lui permettent d’atteindre son but « mieux » : plus efficacement, plus rapidement, en se mettant moins en danger, etc.

L’enjeu est donc de comprendre l’activité des acteurs en allant au-delà de la tâche qui leur a été fixée. Or il n’est pas facile de définir l’activité parce qu’elle est intégratrice. L’acteur fait la somme de déterminants variés pour établir sa ligne d’action : les moyens dont il dispose, les règles auxquelles il doit se soumettre, le rôle des collectifs qui l’entourent mais aussi des déterminants personnels, relevant de son histoire, son expérience, ses projets… (Daniellou et Beguin, 2004). L’analyse de l’activité doit alors être un compromis entre efficacité et souci du détail. Il ne s’agit pas de viser « l’exhaustivité de la compréhension des mobiles de l’action de tel opérateur dans telle situation » mais de proposer « une modélisation qui éclaire les questions posées et ouvre à un ensemble d’acteurs de nouvelles possibilités d’action » (Daniellou et Beguin, ibid.), tout en tenant compte de la diversité et de la variabilité : diversité et variabilité des acteurs- utilisateurs qui sont multiples et qui sont dans des dispositions variables, diversité et

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21 variabilité des situations de travail elles-aussi contrastées et en évolution (Daniellou et Beguin, 2004).

L’analyse de l’activité s’appuie sur plusieurs éléments (Daniellou et Béguin, ibid.) : (i) des connaissances générales sur l’être humain, sur le fonctionnement des collectifs dans lesquels il évolue, (ii) des recommandations générales ou normes ergonomiques, (iii) une bibliothèque de situations, qui comporte une base de cas que l’ergonome mobilise pour s’inspirer de définitions de problèmes, démarches, solutions qui se sont avérées éclairantes dans des cas similaires, et (iv) des méthodes de caractérisation des situations existantes. Dans ces méthodes de caractérisation, on trouve l’analyse du travail via l’observation de ce que fait (très concrètement) l’acteur et via des enquêtes pour explorer les déterminants de cette activité, le questionnement différé sur l’activité où l’ergonome par exemple réinterroge des opérateurs sur ce qu’ils viennent de faire, sur un incident qui s’est déroulé, et les méthodes plus standardisées de grilles d’analyse des actions par exemple. Pour y parvenir, l’ergonome se place dans une situation d’intervention, c'est-à-dire qu’il noue des interactions avec les acteurs tant pour caractériser les situations existantes que pour mettre en œuvre des processus de transformation. L’intervention de l’ergonome n’est donc pas un audit : la compréhension de la situation est un co-produit entre l’ergonome et d’autres acteurs.

Lorsqu’on se place dans une problématique de conception, les données changent un peu : il devient difficile d’analyser une situation qui n’existe pas encore. Une première approche pour dépasser cette limite consiste à s’appuyer sur l’existant pour approcher l’activité future. Daniellou (2004) propose pour cela deux types d’outils. Premièrement, l’analyse de situations qu’il appelle de référence, qui peuvent être soit des situations où les fonctions qui devront être assurées par le futur système sont actuellement assurées sous une autre forme, soit des situations existantes comportant des caractéristiques techniques ou organisationnelles du futur système. Deuxièmement, le recensement des situations d’action caractéristiques, c'est-à-dire des formes de variabilité qui pourront apparaître dans le futur système. L’analyse de l’activité telle qu’elle est proposée ici contribue bien à répondre à deux des objectifs de la conception : la cristallisation de ce qu’est l’activité future dans laquelle sera utilisé l’outil et la plasticité à inscrire dans l’outil pour qu’il soit utilisé quelle que soit la variabilité des actions des utilisateurs. En revanche, cette modélisation nous donne peu de pistes pour initier le développement, car elle ne dit rien sur la façon dont l’outil en cours de conception va remettre en mouvement l’activité, ou plus largement sur la façon dont le travail des concepteurs va remettre en mouvement l’activité. Une telle approche de l’activité pour la conception est d’abord construite pour aider la maîtrise d’ouvrage à mieux intégrer la question de l’activité dans la reconfiguration des situations de travail.

Figure A-8 : l'artefact, un médiateur entre un sujet et son objet

Objet de l’activité du sujet (motif, but)

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3.2.2

Analyser l’activité dans une perspective développementale

Différents auteurs ont cherché à analyser l’activité dans une perspective développementale. Ils s’appuient sur le cadre théorique élaboré par Vygotski (1978) pour appréhender en particulier le développement de l’enfant. Dans ce cadre, cet auteur s’est intéressé à la médiation qui existe entre un stimulus et une réponse :"Every elementary form of behavior presupposes direct reaction to the task set by the organism (which can be expressed with the simple Stimulus - Response formula). But the structure of sign operations requires an intermediate link between the stimulus and the response. This intermediate link is a second order stimulus (sign) that is drawn into the operation where it fulfills a special function; it creates a new relation between S and R. Consequently, the simple stimulus-response process is replaced by a complex, mediated act” (Vygotski, 1978, pp.39-40). A travers cette idée de médiation, se construit une théorie de l’apprentissage et du développement, posant notamment que les objets matériels (les artefacts) peuvent constituer des médiateurs qui permettent à un sujet de résoudre un problème complexe et ainsi d’apprendre (figure A-8).

L’activité dans sa dimension instrumentale

S’inspirant de ce cadre, Rabardel (1995) a proposé la théorie des activités instrumentées en montrant que l’artefact, en tant que médiateur entre un sujet et son objet, acquiert une nouvelle fonction lorsqu’il est utilisé, celle d’instrument. L’instrument est alors une entité mixte : c’est un artefact, mais enrichi, habillé de schèmes5 d’utilisation. C’est une

construction anthropocentrée là où l’artefact n’est que technocentré, car les schèmes d’utilisation sont liés à l’objet de l’activité et orientés vers l’activité finalisée du sujet. En conséquence, l’instrument ne se donne pas d’emblée à l’utilisateur, celui-ci le construit à travers son activité : il peut instituer l’artefact en instrument pour une fonction que le concepteur n’avait pas prévue à l’origine (par exemple lorsqu’on utilise une clé anglaise comme un marteau) ou intégrer l’artefact à ses schèmes d’utilisation qui évoluent en conséquence. Béguin et Rabardel (2000) parlent de genèse instrumentale pour parler de ce double mouvement, de l’artefact et des schèmes. Or ces genèses instrumentales sont porteuses de développement. Du fait de ces genèses, l’outil peut être modifié mais l’activité aussi : l’activité des utilisateurs tout comme celle des concepteurs qui se voient interrogés par ces « détournements » (à leur sens) du produit de leur conception. Pour provoquer ce développement, il faut que l’outil proposé soit suffisamment proche de l’utilisateur pour que celui-ci lui attribue des possibilités d’utilisation, et suffisamment différent de ce que l’utilisateur sait déjà faire pour qu’il ait de l’intérêt. Béguin (2005) reprend la formule de Vygotski de zone proximale de développement pour définir cette « zone » doublement bornée. C’est en faisant évoluer l’artefact dans cette zone qu’il peut devenir un instrument et que les concepteurs peuvent capter les potentialités de développement qui se nichent dans les genèses instrumentales. Cette façon d’aborder l’activité en insistant sur

5 Concept piagétien, le schème est une structure ou organisation des actions telles qu'elle se transforme ou se

Figure A-9 : par extension, l'artefact constitue un lien entre les concepteurs et les utilisateurs potentiels

Figure A-10 : la formalisation de l'activité dans sa forme systémique (système d'activité d'Engeström, 1987)

Activité des utilisateurs potentiels Activité des concepteurs

Instrument

Objet – Motif

“the object of an activity is its true motive” (Engeström, 1987, pp53)

Division du travail Sujet

Règles

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23 sa composante instrumentale peut aider à penser le développement dans le processus de conception. En effet, l’outil en cours de conception exerce tout d’abord une médiation entre le chercheur et son objet de recherche (le concept représenté dans l’outil). Il est également un médiateur potentiel (c'est-à-dire qui pourrait le devenir) entre l’utilisateur potentiel et son propre objet de travail (voir figure A-8). Il peut donc devenir source de développement à la fois de l’activité des chercheurs engagés dans le travail de conception, et des utilisateurs dès lors qu’ils peuvent manipuler l’artefact, même dans une version provisoire. Il constitue également un lien entre les activités des concepteurs et des utilisateurs. En effet, les concepteurs et les utilisateurs partagent un intérêt commun, l’artefact en cours de conception. La démarche de conception de l’artefact peut donc devenir le lieu d’une confrontation entre ce que mettent les concepteurs dans l’artefact et ce qu’y mettent les utilisateurs (figure A-9).

L’activité dans sa dimension collective

L’approche de l’activité centrée sur la relation médiée par des artefacts laisse un peu dans l’ombre d’autres formes de médiation, celles qui s’inscrivent dans l’organisation collective du travail. Est-il possible d’aborder la question du développement de l’activité dans le processus de conception d’un outil en restreignant l’unité d’analyse à la médiation par l’outil, ou faut-il chercher à appréhender la structure et le fonctionnement collectif de l’activité ? Engeström (1987) propose de considérer que l’ensemble de ces médiations fait système et qu’il est donc nécessaire d’appréhender l’activité dans sa dimension systémique. Il distingue trois formes de médiations par le collectif : (i) les règles qui régissent l’activité, (ii) la communauté des personnes amenées à travailler ensemble pour la réalisation de l’activité, (iii) la division du travail pour aborder les aspects de spécialisation, de hiérarchie, de partage des responsabilités.

Engeström (ibid.) envisage alors le développement dans une perspective historique et culturelle telle qu’elle a été initiée par les travaux de l’école russe de psychologie à la suite des travaux de Vytgotski. Du fait de la définition systémique de l’activité, représentée par un triangle (Figure A-10), un changement dans l’un des pôles du triangle (instrument, objet, division du travail, communauté, règles, sujet) est susceptible de faire bouger l’ensemble du système puisque tous les pôles sont en interaction. Le système d’activité est alors susceptible d’évoluer en un autre système. Dans la perspective culturelle et historique de l’activité, les contradictions qui existent au sein des pôles ou entre les pôles du système sont ainsi le moteur du développement. Ces contradictions peuvent déstabiliser suffisamment le système pour que les sujets ressentent le besoin de le faire évoluer, souvent avec une aide extérieure. Elles peuvent être de plusieurs ordres : les contradictions primaires sont celles existant au sein d’un pôle, les secondaires sont celles existant entre les pôles, les tertiaires et quaternaires sont celles existant entre deux systèmes d’activité. Engeström (ibid.) parle en fait d’expansion pour différencier ce qui relève d’apprentissages et ce qui relève d’un véritable développement qui implique un dépassement de ces contradictions au cours de ce qu’il a formalisé comme un cycle d’expansion. Engeström a schématisé dans un cycle d’expansion (figure A-11, au dos) comment le développement était lié au dépassement de ces contradictions (Engeström, ibid.).

Figure A-11 : Cycle de l’expansive transition (Engeström, 1987) Object/motive construction: modelling of instruments Application, generalization: transforming 2

Double bind: analysis, transforming 1

Activity 2: consolidation and reflection

Activity 1: the need state Tertiary contradictions Primary contradictions contradictions Secondary contradiction s

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24 La première phase du cycle est caractérisée par une aggravation graduelle des contradictions primaires. Elles créent un inconfort intenable (double bind) qui conduit les sujets à transformer leur activité. Apparaissent alors des contradictions secondaires entre les éléments du système. Ces contradictions se manifestent dans des situations inextricables pour les acteurs individuels. Il y a alors redéfinition de l’objet de l’activité, ce qui initie la transformation du système d’activité. Provoquées par les collisions entre les nouveaux et les anciens éléments de l’activité, de nouvelles innovations apparaissent. Dans la dernière phase du cycle d’expansion de l’activité, de nouveaux médiateurs doivent aussi être créés pour assurer l’interaction entre l’activité centrale et ses activités périphériques (Virkkunen, 2006).

Ces deux approches du développement qui reposent sur le même terreau conceptuel de la médiation nous paraissent offrir des éléments théoriques pour construire une analyse de l’activité qui soit opérationnelle dans un projet de conception et notamment pour développer conjointement des activités et des artefacts dans le processus de conception. Nous retenons ainsi deux éléments clés pour susciter ce développement. De la théorie des activités instrumentées, nous retenons que l’objet en cours de conception peut être l’initiateur de développement lorsqu’il est inscrit dans des genèses instrumentales. Il convient alors de savoir lui donner une place particulière dans la démarche de conception pour provoquer ces genèses, en l’inscrivant dans la zone proximale de développement. De la théorie d’Engeström, nous retenons que le développement doit s’appuyer sur la mise en évidence de certaines contradictions au sein du système d’activité. Nous allons donc regarder, dans le paragraphe suivant, comment ces deux perspectives nous permettent d’envisager une façon de mettre en scène l’objet en cours de conception pour aboutir au développement conjoint de l’artefact et des activités dans le cours du processus de conception.

3.3 Comment susciter un processus de développement autour de l’outil ?

Comment inscrire l’objet en cours de conception dans la zone proximale de développement qui permettra aux genèses instrumentales d’avoir lieu ? Béguin (2005) avance que la simulation est un bon moyen de faire évoluer l’objet dans la zone proximale de développement. Qu’entend-il par simulation ? La simulation, au sens ergonomique, renvoie à différents objectifs (Daniellou, 2007) et notamment à trois stratégies distinctes (Béguin, 2004a) :

- Une première consiste à créer une situation pour l’occasion. Il s’agit par exemple de transposer certains éléments de la tâche (dont un prototype) et demander à l'opérateur de mettre en œuvre une activité qui fera l’objet de l’analyse de l’ergonome à des fins de conception. Maline (1994) parle d'expérimentation ergonomique pour la caractériser.

- Une seconde stratégie repose sur des "simulations langagières" (Daniellou, 2004), où l'activité est dite plutôt que réalisée. Cette stratégie est également explorée dans les "Scenario Based Design" (Carroll, 1995). Dans cette approche, les scénarii sont définis comme une description langagière, qui "aide à produire et à maintenir une vision de l'usage

futur du système durant sa conception et son implémentation". Les simulations langagières doivent présenter plusieurs caractéristiques : être concrètes, centrées sur le travail, validées par les usagers.

- il s’agit dans la troisième stratégie de reproduire l’activité au plus près pour la simuler. Cela passe par la recherche d’un modèle de l’activité qui soit le plus proche de sa réalité. Bronckart (1987) définit la simulation cognitive comme : “ une stratégie de recherche en psychologie ou en Intelligence Artificielle (I.A.) dans laquelle le chercheur substitue à l'utilisateur son "modèle".

C’est la première forme de simulation que nous retenons dans l’objectif d’initier le développement dans une situation de conception. La simulation vise alors à mettre en scène l’objet qui est en cours de conception. Les simulations que prônent Béguin (2006) et Pastré (2005a) sont des simulations opératives. Elles ne sont pas perçues comme substitution au réel mais « comme la mise en scène d’un problème ou d’une question, à partir de laquelle on a quelque chose à apprendre, individuellement ou collectivement » (Béguin, 2006). Béguin (ibid.) définit encore la simulation opérative de la façon suivante : « on appelle ‘opérative’ une approche qui place le réel de l’activité (et non le réalisme des situations) au centre de la méthode ». Dans une telle optique, l’utilisateur peut se trouver dans une situation d’utilisation de l’artefact qui soit suffisamment pertinente pour qu’il commence à l’instrumenter et à l’instrumentaliser, initiant ainsi des genèses instrumentales. Telle qu’elle vient d’être décrite, la simulation repose en effet sur l’exploitation d’une propriété ontologique de l’activité : celle d’être à la fois productive puisqu’elle permet de transformer le réel et constructive, puisqu’elle permet la constitution, par l’opérateur, des ressources de sa propre action et de son développement (Samurcay et Pastré, 1995 ; Pastré, 2005a p.19, Rabardel et Béguin, 2005). L’activité qui se développe dans la simulation est donc elle-aussi à la fois productive et constructive : productive parce que les participants y exécutent une tâche, même si c’est de façon simulée (Béguin et Weill Fassina, 1997) ; constructive parce que les participants apprennent par l’action et par l’analyse de l’action. Comme le souligne Pastré, si la situation est fictive, ce qui entraîne que l’activité productive est un simulacre, l’activité constructive est, elle, bien réelle (Pastré, 2005a, p.18). L’activité de simulation autour de l’outil en cours de conception est donc une façon d’initier le développement. Reste bien sûr à savoir comment mettre en scène l’outil en cours de conception dans la simulation : (1) il faut disposer d’un support à la simulation, par exemple d’un prototype de l’objet qui est en cours de conception, et (2) il faut parvenir à créer des scénarios de simulation qui réussiront à projeter les utilisateurs dans la zone proximale de développement. Béguin (2006) insiste sur le fait que ces scénarios n’ont pas vocation à être réalistes. Il s’agit au contraire de « déformer » en retenant les éléments significatifs et en en écartant d’autres : cela exige d’avoir repéré ces éléments. Béguin (ibid.) propose de « remonter au réel de l’activité », ce qui renvoie à la nécessité de construire une analyse de l’activité en préalable à la simulation. Mais cela laisse un flou sur la façon de se positionner dans la zone proximale de développement des acteurs : comment repérer les éléments de l’activité qui seront significatifs ?

Figure A-12 : Prototypical layout of the Change Laboratory (Engeström, 2005)

La figure représente l’organisation des réunions du Change Laboratory : des réunions en collectif autour de supports variés (photographies ou vidéos de l’activité, modèles conceptuels utilisables..) qui sont affichés et débattus entre les participants.

Model, vision PAST NOW FUTURE Ideas, tools Videotaped work situation, customer feedback, statistics Mirror PC Videos Archives, library Scribe Workers

Le rôle conféré aux contradictions dans le développement du système d’activité nous paraît pouvoir venir ici répondre à cette exigence. Nous suggérons que les situations de simulations soient construites de façon à jouer avec les contradictions de l’activité afin de les rendre visibles pour les acteurs et de les mettre en débat. Initialement, les travaux d’intervention développementale construits par Engeström et son équipe ne portent pas sur la conception. Ces chercheurs ont donc mis au point une méthodologie d’intervention, appelée Change Laboratory® ou Competence Laboratory® (Figure A-12), qui cherche à mettre en évidence les contradictions à partir d’une analyse historique de l’activité (Virkkunen, 2004) et à partir d’un processus de « mirroring » et de « questioning ». Ce processus vise à aider les acteurs à penser différemment les difficultés et problèmes qu’ils rencontrent au quotidien. Il s’agit de les aider à appréhender ces difficultés et problèmes de façon plus systémique ainsi que leurs conséquences sur la dynamique de l’activité (Seppänen, 2002). Les intervenants utilisent pour cela des miroirs, c'est-à-dire des traces de l’activité des acteurs (vidéos, interviews, chiffres variés sur l’activité, etc.) pour permettre aux acteurs de prendre conscience de leur activité. Des outils, comme le système d’activité d’Engeström mais aussi les questions des intervenants qui vont chercher à creuser chaque élément de discussion pour aider les participants à prendre conscience de leur activité dans sa dimension systémique (c’est la dimension « questioning »), viennent ensuite les aider à conceptualiser ces éléments, à développer une nouvelle vision de leur activité et à discuter