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2.b : comment le fait de conjuguer conception et usage permet de travailler des éléments méthodologiques de la conception et les dynamiques du processus de

Phase 3 Retour sur l’outil

IV. Phase 4 : retour vers les utilisateurs pour faire un débriefing de la démarche suivie

2. Mise en oeuvre : des entretiens autour de l’ensemble de la démarche

2.1 Construction des entretiens

Nous avons sollicité des entretiens chez les acteurs les plus impliqués dans la démarche mise en place, plus spécifiquement ceux ayant été impliqués dans toutes les étapes des différentes phases. Cela limitait le travail à 7 personnes : la responsable des réseaux nationaux d’évaluation des variétés de blé chez Arvalis-Institut du Végétal, les deux ingénieurs en charge de la gestion des réseaux VAT et FRR au GEVES, les responsables de la sélection dans les 4 entreprises d’obtention du Club des 5.

Le travail sur DIAGVAR s’étant déroulé sur un temps long (plus de deux ans en se limitant à ce travail de thèse, souvent plus si l’on y associe le travail de C. Lecomte), il nous a semblé nécessaire de fournir aux personnes rencontrées des éléments pour leur remettre en mémoire l’ensemble de la démarche et les étapes parcourues. Notre objectif était de leur donner les moyens de se rappeler le processus et de leur permettre d’établir des liens avec des changements survenus dans leur travail au cours de la période. Nous nous sommes inspirée des méthodes de Pastré (2005a) et de Vermesch (2004) pour choisir la façon de présenter les informations de telle sorte que les acteurs se remémorent le processus, pour définir la façon de les questionner et de les relancer, pour constituer les supports de l’entretien. Nous avons donc rédigé un résumé chronologique récapitulant les moments d’interactions construits depuis fin 2004, et ceci par groupe d’acteurs (Arvalis-Institut du Végétal, GIE Club des 5, GEVES) (voir en annexe). Nous cherchions ainsi avant tout à nous focaliser sur le « faire » du dispositif. Nous avons construit des guides d’entretien en deux temps, précédés d’une introduction.

La démarche de recherche mise au point

72 - L’introduction visait à préciser que ces entretiens ne devaient pas porter sur l’outil

DIAGVAR en lui-même mais sur la démarche, la méthodologie de travail et le dispositif mis en place pour avancer dans la conception de cet outil.

- Le premier temps visait à obtenir un retour réflexif sur la démarche de travail. Cette réflexivité était aussi une façon de mettre les partenaires en situation de se remémorer ce qui avait été fait au cours de la démarche, afin qu’ils puissent ensuite plus facilement réfléchir à ce qu’elle avait pu avoir comme conséquences sur leur activité. Ce temps était construit principalement autour de la lecture du résumé chronologique produit et de son commentaire.

- Le deuxième temps cherchait à capter les transformations créées par le processus dans leur activité par des questions directes (Qu’est-ce que ça a changé (1) pour vous ?, (2) dans votre façon de travailler ?, (3) dans votre façon de recueillir et d’analyser les données du réseau ?) en cherchant à chaque fois à faire expliciter le lien, lorsqu’il existait, entre le travail autour de DIAGVAR et les changements évoqués.

Ces deux temps étaient menés au cours d’un même entretien mais avaient été précédés par un court entretien téléphonique préparatoire, visant à cibler ce qui avait changé dans l’activité des acteurs depuis deux ans environ. Il ne s’agissait pas de relier ces éléments à l’outil, ni au travail fait ensemble. Cet entretien préalable avait pour but de fournir à l’interviewer de quoi rebondir si l’acteur ne rentrait pas facilement dans le deuxième temps de l’entretien.

Les entretiens (téléphoniques et directs) ont eu lieu entre février et avril 2007. Le guide d’entretien se trouve en annexe. Les entretiens directs ont été enregistrés et ont été transcrits intégralement.

2.2 Méthode d’analyse des changements cités au cours des entretiens

L’analyse des changements ressentis par les acteurs n’a été que partiellement réalisée, faute de temps. Nous avons utilisé, à l’heure actuelle, le système d’activité tel qu’il est décrit par Engeström (1987) (voir chapitre A). Nous avons ainsi essayé de repérer, dans le discours des acteurs, ce qui renvoyait à des changements :

- d’instruments utilisés pour accomplir l’activité d’évaluation, - dans l’objet de cette activité d’évaluation,

- pour le sujet de l’activité, à savoir l’évaluateur de variétés - dans les règles qui régissent l’activité,

- dans la division du travail,

- dans la communauté liée à l’activité.

Parcourir les entretiens en repérant les éléments relevant de chaque pôle du système d’activité nous permettait d’avoir une première relecture, assez systématique, des entretiens de la phase 4 et de structurer les changements évoqués par les acteurs, en utilisant un cadre pratique et solide. Nous sommes néanmoins consciente que ces entretiens nécessiteront un traitement plus fin en particulier pour mieux appréhender ce que le discours tenu à cette occasion nous révèle des processus de développement de l’activité tels qu’ils sont exprimés dans ce type d’entretiens. Le contenu de ces entretiens nous permet d’accéder à la façon dont les acteurs parlent de ce qui a changé, mais ne permet pas d’appréhender ce qui a réellement changé dans l’activité.

3. Produits

3.1 Les retours sur la méthodologie du travail

La question visant à recueillir les impressions des acteurs sur la méthodologie de travail était volontairement ouverte : « si vous deviez raconter cette démarche à une personne se lançant dans un projet aux enjeux similaires, que lui diriez-vous, à quoi faut-il être attentif, qu’est-ce qui a bien fonctionné et moins bien fonctionné ? ». Pourtant, certains éléments de réponse ont été mentionnés systématiquement dans les neuf entretiens des acteurs. Nous les présentons ci- dessous.

 Définition des objectifs

Tous les acteurs interviewés ont insisté sur l’importance d’impliquer la hiérarchie et d’inscrire une telle démarche dans une stratégie : tous ont eu besoin que soit bien définie la place de ce projet dans la stratégie globale de l’organisme ou de l’entreprise. Les situations se sont avérées assez contrastées d’un groupe d’acteurs à l’autre : certains ont apprécié la transparence du positionnement de leur direction sur le sujet, d’autres au contraire ont regretté que leur hiérarchie se positionne mal ou peu sur le projet.

Un autre point récurrent dans leurs remarques sur le travail a concerné l’importance de bien clarifier et négocier les objectifs d’un tel travail dès le début du processus. Il faut « avoir une bonne vision de ce vers quoi on veut aller ». Faire croire que la finalité d’une telle démarche était d’aboutir à un outil opérationnel aurait pu créer des désillusions. Les acteurs ont tous dit que nous avions fait l’effort d’être claire sur ce point. Pour autant, pour certains, qui participaient également au projet FSOV (cf partie 1 de ce chapitre), « nous en avions promis un petit peu trop », ce qui a pu entraîner des déceptions ensuite. Le positionnement initial des entreprises permet sans doute de comprendre pourquoi certains acteurs ont pu rester en attente de plus d’opérationnalité. Le projet FSOV visait, lui, la production d’un outil opérationnel. Bien que nous ayons différencié le travail de la thèse de celui mené dans le projet FSOV en prenant le temps d’en discuter avec les acteurs, les deux projets étaient fortement intriqués. De plus, notre position avait d’abord été celle d’ingénieur dans le cadre du projet FSOV avant de devenir celle de doctorant. Il est alors facile de comprendre que les attentes de certains partenaires du projet FSOV aient gardé la trace de celles définies dans le projet FSOV. En revanche, contrairement aux obtenteurs, le GEVES souhaitait réfléchir sur ses méthodes de travail, en apprenant de la démarche et de ses produits. L’outil opérationnel n’était donc pas un but affiché. La position d’Arvalis Institut du Végétal était certainement intermédiaire. Participants au projet FSOV, ils restaient en attente en partie d’un outil opérationnel. Mais l’institut développe habituellement lui- même ses propres outils. Les attentes de l’institut visaient donc a priori davantage à établir une méthode efficace d’évaluation des variétés qu’ils auraient pu insérer ensuite dans un outil qui leur aurait été propre.

 Le rythme des interactions

Avoir des interactions fréquentes entre chercheurs et utilisateurs a été unanimement cité comme un facteur important dans ce genre de travail. Dans notre cas, certains les ont jugées suffisantes, c’est notamment le cas des agents du GEVES. D’autres, notamment des sélectionneurs, pensent

La démarche de recherche mise au point

74 que le travail aurait dû être encore plus suivi, ne serait-ce que pour entretenir la motivation des acteurs, pour s’assurer que l’outil reste dans leurs préoccupations et ne disparaisse pas de la quantité de choses qu’ils ont déjà à faire. Là encore, la façon de construire les cadres dans lesquels chercheurs et acteurs ont interagi peut expliquer une partie des différences. Inscrire le travail de la thèse dans le cadre du front méthodologique mené au GEVES était très favorable. Outre les réunions institutionnelles, les agents du GEVES étaient très demandeurs de rencontres et d’échanges, l’enjeu de ce front étant très important pour le GEVES. Les participants au projet FSOV étaient peut être moins impliqués dans le sens où, s’ils attendaient beaucoup de DIAGVAR, ils n’en avaient pas fait un enjeu stratégique à court terme.

Beaucoup des acteurs ont de toute façon fait l’autocritique de leur disponibilité, disant ne pas avoir libéré assez de temps pour creuser le prototype notamment (lors de la phase 2). Cela pose la question de savoir comment parfaire l’animation d’une telle démarche, d’autant que tous ont affirmé que la temporalité spécifique de l’activité d’évaluation n’était pas favorable. En effet, l’activité est très concentrée sur la fin de printemps et l’été, entre les visites d’essais, les récoltes et le traitement urgent des résultats pour préparer la campagne de semis suivante. Les évaluateurs ne sont quasiment pas disponibles entre les mois de mai et septembre-octobre. Les interactions sont alors nécessairement hachées dans l’année. Nombreux sont ceux qui ont affirmé que cela avait joué sur le processus : ils ont senti à plusieurs moments un vrai entraînement, une vraie dynamique autour du projet, qui retombait systématiquement, au moins en partie, durant la période estivale.

 Relation au prototype

La façon qu’ont eue les acteurs de parler du prototype et de sa manipulation est très paradoxale. Tous ont fortement apprécié de pouvoir manipuler l’outil, de « le toucher » : c’est quelque chose qu’ils attendaient depuis longtemps souvent, qui était même parfois devenu un préalable indispensable pour qu’ils continuent à s’investir dans une collaboration avec les chercheurs. La phase d’utilisation du prototype a donc été très importante dans le processus, plusieurs acteurs en parlent comme d’un temps fort qui leur a permis de comprendre encore mieux le fonctionnement de l’outil et de pouvoir proposer des choses.

Pourtant, le prototype en lui-même a eu des effets pervers sur le processus et sur l’évaluation des acteurs : le temps de sa programmation, ses imperfections et dysfonctionnements, son adaptation seulement partielle à la diversité de leurs systèmes informatiques ont clairement été ressentis comme des freins au travail sur l’outil. Le développement informatique a parfois été jugé trop rapide dans le sens où des choix de programmation, d’interface, de souplesse ont été faits sans que les acteurs soient suffisamment consultés. Cela a pu entraîner des désillusions au moment de la phase d’utilisation où certains acteurs ont pu être découragés par les imperfections du prototype.

Il y a donc une tension forte autour du prototype qui s’est à la fois fait désirer tout en n’étant pas assez fini informatiquement.

 Relation aux collectifs

Le travail en collectif a été ressenti comme un élément très positif et important à construire dans ce type de démarche. D’après les acteurs, le travail collectif a permis d’enrichir leurs relations

Phase 2

Utilisation de

l’outil

Mars-juin 2006 Première appropriation de l’outil par les utilisateurs Les utilisateurs questionnent leurs routines

Phase 1

Analyse de

l’activité

2005 Questionner les inputs du modèle

Phase 3

Retour sur l’outil

Collecte des discours et des traces Identification de questions de recherche Vers de nouvelles spécifications

Collecte d’éléments sur l’activité d’évaluation Expliciter et partager les points de vue Juil-dec 2006

Phase 4

Réflexivité sur le

processus

Janv-mars 2007

Rappel des différentes étapes du processus Construire un prototype Construire des BDD pour la simulation Construire une interaction avec les partenaires Analyser les invariants de l’activité d’évaluation, la diversité des actions et les contradictions dans l’activité

La démarche de recherche mise au point

75 avec leurs collègues intra et inter (dans le cas du Club des 5) entreprise (ou organisme), de partager leurs vues sur des essais connus, d’avoir aussi une complémentarité d’avis et de réactions par rapport à l’outil qui enrichissait la compréhension et l’exploration de l’outil. Les aspects collectifs auraient même pu être encore plus développés pour deux acteurs qui soulignent qu’il aurait été encore plus intéressant de mener le travail avec les trois groupes (GIE, GEVES, Club des 5 ensemble) ensemble, tout au long de la démarche.

 Une démarche qui se construit dans le temps

A travers les discours des acteurs se dessine une temporalité de projet qui marque l’importance (i) d’une première phase de présentation « théorique » de l’outil, (ii) de la seconde phase, d’utilisation pratique, (iii) de l’enchaînement aussi de ces deux temps qui permet de pénétrer « de plus en plus profondément dans la boite noire » de l’outil. Le temps pris au moment de la phase 2, pour débriefer notamment, a également été jugé important. Ces éléments permettent de mieux souligner le temps long dans lequel doit s’inscrire une démarche de ce genre.

Nous discuterons plus avant de ces éléments dans le chapitre E. 3.2 Les changements de l’activité d’évaluation variétale

Cette phase d’entretiens réflexifs nous a fourni un matériau abondant (2h à 2h30 d’entretiens par acteur) qui reste encore largement à traiter. Dans la plupart des cas, le changement discuté par les acteurs n’a pas été produit exclusivement grâce au travail autour de DIAGVAR : les changements s’inscrivent dans des dynamiques temporelles plus longues. Néanmoins, il est très intéressant de constater que chacun des pôles du système d’activité tels qu’ils ont été construits par Engeström semble avoir été impacté par le travail autour de DIAGVAR. Nous discuterons de ces changements et de leurs diversités d’un groupe d’acteurs à l’autre, voire d’un acteur à l’autre, dans une partie ultérieure.

V. Discussion : limites et cadrage de la démarche