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Dans le but de combler les lacunes que nous avons identifiées dans la problématique, nous formulons tout d'abord la question générale de recherche suivante : assistons- nous à l'américanisation de la publicité électorale négative télévisée au Canada entre

2004 et 2015 ? Notre question se veut « large et vaste », puisqu’elle sert à « approfondir la compréhension d’une situation ou d’un problème »121. Nous

identifions ensuite les deux questions spécifiques de recherche qui émanent de la question générale :

120Jacques Chevrier. « La spécification de la problématique », dans Recherche sociale : De la

problématique à la collecte des données, sous la dir. de Benoît Gauthier. (Québec : Presses de l'Université Laval, 2009), 67; Gordon Mace et François Pétry. Guide d’élaboration d’un projet de recherché. (Québec : Presses de l’Université Laval, 2017), 30.

121Sylvie Tétreault. « L’élaboration d’une question de recherche : Une première étape pour guider la

démarche méthodologique », dans Le chercheur face aux défis méthodologiques : Freins et leviers, sous la dir. de Pauline Beaupré, Rakia Laroui et Marie-Hélène Hébert. (Québec : Presses de l’Université du Québec, 2017), 110.

• Quelles sont les caractéristiques de la publicité électorale négative télévisée au Canada ?

• Quels sont les facteurs qui facilitent ou qui limitent le transfert du style américain de publicité négative vers le Canada ?

Nous énonçons enfin les trois objectifs de recherche suivants. Premièrement, nous voulons analyser de manière systématique et en fonction d'indicateurs précis les publicités électorales négatives télévisées diffusées lors des élections fédérales canadiennes qui se sont déroulées entre 2004 et 2015. Grâce à l'analyse de contenu qualitative qui sera réalisée à l'aide d'une grille de lecture, nous serons en mesure d'identifier les caractéristiques du modèle canadien de publicité négative et de déterminer si nous assistons bel et bien à son américanisation depuis l'élection fédérale de 2004.

Il est pertinent de commencer notre analyse lors de cette campagne, puisqu'elle représente un moment charnière dans l'utilisation de la publicité électorale négative télévisée au Canada, comme en témoigne l'agressivité des publicités négatives diffusées par le PLC contre le PCC122 : « The use of negative ads, […] particularly by

the governing Liberal Party and aimed chiefly at Stephen Harper and the Conservative Party, was unprecedented in its intensity »123. Afin d'illustrer ce propos,

Brooks affirme que les publicités diffusées contre Jean Chrétien lors de l'élection de 1993 étaient manifestement moins brutales que celles diffusées par le PLC en 2004124. Nous estimons donc que l'élection de 2004, en raison du fait qu'elle a été

remarquablement négative en comparaison avec les précédentes, représente le

122Jonathan Rose. « Television Attack Ads : Planting the Seeds of Doubt », op. cit., 92.

123Stephen Brooks. « Television Advertising by Political Parties : Can Democracies Survive It ? »,

op. cit., 362.

moment le plus approprié pour commencer notre analyse de la publicité électorale négative télévisée au Canada.

Deuxièmement, nous voulons identifier, comprendre et expliquer les facteurs qui facilitent ou qui, au contraire, limitent le transfert du style américain de publicité négative vers le Canada. Pour ce faire, nous étudions de manière comparative les caractéristiques de la culture politique américaine et de la culture politique canadienne, et nous nous penchons sur la proximité entre le Canada et les États-Unis. Finalement, nous voulons produire une réflexion qui porte plus largement sur la mise en œuvre des campagnes négatives pendant et entre les élections fédérales canadiennes entre 2004 et 2015125, mais également sur divers phénomènes interreliés

qui relèvent de la communication politique, comme . En somme, nous voulons contribuer à l'avancement des connaissances sur ces phénomènes en apportant une étude originale et détaillée de la publicité électorale négative télévisée au Canada.

Après avoir formulé les questions et les objectifs de recherche, nous pouvons maintenant énoncer l'idée directrice de cette thèse, qui comporte les trois arguments suivants. Premièrement, nous sommes d'avis que nous assistons à l'hybridation de la publicité électorale négative télévisée au Canada depuis 2004, plutôt qu'à son américanisation. Ainsi, la publicité négative au Canada serait une pratique de campagne hybride, dans la mesure où elle emprunte et adapte certaines

125Selon Tom Flanagan, par exemple, les partis politiques fédéraux au Canada sont depuis 2004 en

campagne électorale de façon permanente, comme en témoigne le recours de plus en plus fréquent à la publicité politique entre les élections : « One of the most interesting developments in Canadian politics in recent years is the rise of the ‘permanent campaign’, in which political parties seem at all times to be as much preoccupied with campaigning as with government and opposition. The most visible aspect of the permanent campaign is the growth of pre-writ advertising, emphasized by the Conservatives but also practiced by the other parties ». Tom Flanagan. « Political Communication and the ‘Permanent Campaign’ », dans How Canadians Communicate IV : Media and Politics, op. cit., 129. Voir également David A. Dulio et Terri L. Towner. « The Permanent Campaign », dans Routledge Handbook of Political Management, op. cit., 83-97.

caractéristiques du style américain de publicité négative. Nous sommes donc en accord avec Giasson, Lees-Marshment et Marland en ce qui concerne l'adaptation des pratiques de campagne, mais nous sommes d'avis que celle-ci s'effectue d'abord et avant tout à partir du style américain de publicité négative126. Deuxièmement, nous

croyons que ce processus d’hybridation s’explique, d’une part, par la présence de différences entre les cultures politiques canadienne et américaine et, d’autre part, par la proximité qui existe entre le Canada et les États-Unis. Troisièmement, nous estimons que la campagne fédérale de 2015 représente un moment charnière dans la pratique de la publicité électorale au Canada, puisque les Conservateurs et les Libéraux ont transgressé les codes traditionnels de la publicité négative : en réaction aux publicités négatives diffusées par le PCC pour dépeindre Justin Trudeau comme un chef de parti inexpérimenté et incompétent, le PLC a fait preuve d’audace en réfutant ces attaques à l’aide de publicités de type « contraste ».

En terminant, cette recherche veut apporter une contribution en français à l'avancement des connaissances sur la publicité électorale négative télévisée au Canada, car la littérature spécialisée lui étant consacrée provient essentiellement du Canada anglais. De plus, cette recherche entend améliorer notre compréhension de la publicité négative américaine en produisant une analyse approfondie des grandes caractéristiques du style américain de publicité négative, telle que présentée au deuxième chapitre de cette recherche.

126Thierry Giasson, Jennifer Lees-Marshment et Alex Marland. « Challenges for Democracy », op.