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2.1 Le style américain de publicité négative

2.1.1 Les attaques sur les enjeux électoraux

Les publicités négatives servent d'abord et avant tout à attaquer l'adversaire sur le plan des enjeux électoraux, puisqu’il s’agit, selon West, du motif le plus légitime pour s’en prendre à son opposant21. Pour ce faire, un candidat peut alors critiquer les

promesses électorales de son adversaire, ou encore critiquer le bilan de ce dernier. Cette forme de critique consiste à entacher les réalisations du candidat adverse ou à mettre en évidence ses échecs dans le but de le rendre personnellement responsable des conséquences indésirables de ses décisions politiques prises dans le passé.

21Darrell M. West. Air Wars : Television Advertising and Social Media in Election Campaigns, 1952-

Critiquer les promesses de l'adversaire

Lors des 11 campagnes présidentielles qui se sont déroulées entre 1960 et 2000, les publicités négatives diffusées par les Républicains et les Démocrates portaient principalement sur les enjeux électoraux suivants : l’activisme gouvernemental, l’emploi, l’inflation, les impôts, les dépenses gouvernementales, le déficit, la santé, la sécurité sociale, l’éducation, la pauvreté et l’aide sociale, les questions raciales, la criminalité, la politique étrangère, la défense et l’environnement22. En attaquant les

promesses électorales de son adversaire, un candidat cherche à montrer aux électeurs que la mise en œuvre de la plateforme électorale de son opposant aura des conséquences regrettables si jamais ce dernier est porté au pouvoir.

Similairement, les publicités négatives diffusées dans le cadre des élections fédérales canadiennes critiquent les promesses électorales des partis adverses. En 1980, par exemple, les Libéraux se sont attaqués à la plateforme électorale du premier ministre progressiste-conservateur Joe Clark en diffusant des publicités négatives pour mettre en doute la crédibilité de ses promesses électorales. Ainsi, la publicité négative « House of Cards », qui est également connue sous le nom de « The Magician », met en scène un château de cartes qui s’écroule lorsqu'un magicien retire les cartes qui représentent les promesses les plus impopulaires du PC, dont celle proposant l’instauration d’une taxe de 18 cents sur le gallon d’essence :

The ad featured a magicians’s house of cards, representing Joe Clark’s election platform, with each individual card representing a plank in that platform. […] In the ad, the magician pulled a weak or unpopular policy card out of the house of cards – one at a time – until the house collapsed. The ad worked because it made voters very uneasy with Clark’s platform.

It helped to galvanize opposition to the Clark government by drawing on the strong opposition that already existed to the proposed gas tax23.

En 1984, les Libéraux ont eu recours à la publicité négative afin d’illustrer que les promesses électorales du chef progressiste-conservateur Brian Mulroney étaient trop coûteuses et qu’il serait impossible pour son gouvernement de les réaliser une fois au pouvoir : « [the ad featured a man in] a supermarket with a shopping cart loaded with items that each symbolized an election promise. When the man approaches the cash, he is told that his promises are too expensive and that they will have to be returned »24. En 2008, le PCC a diffusé une série de publicités négatives qui

présentent les risques de voter pour le PLC, en accusant son chef Stéphane Dion de vouloir notamment augmenter la taxe sur les produits et services (TPS), de couper l’allocation canadienne pour enfants et d’instaurer une taxe sur le carbone une fois au pouvoir.

Critiquer le bilan de l’adversaire

Durant la campagne présidentielle de 1988, les publicités diffusées par George H. W. Bush ont permis de discréditer Michael Dukakis en s’attaquant à son bilan lorsqu’il occupait le poste de gouverneur du Massachusetts : « The Bush campaign successfully painted his opponent as out of the political mainstream and, therefore, as neither a desirable nor electable alternative »25. La publicité « Harbor » accuse donc

Michael Dukakis de ne pas avoir dépollué le Boston Harbor au cours de ses deux

23 John Laschinger. Campaign Confessions : Tales from the War Rooms of Politics. (Toronto :

Dundurn Press, 2016), 109.

24David Taras. op. cit., 221-222.

25 Darrell M. West. « Television Advertising in Election Campaigns », Political Science Quartely,

mandats à titre de gouverneur : « an effort to undermine Dukakis’s credentials as an advocate of the environment. Dukakis had been stressing his many accomplishments as governor and Bush sought to use the polluted harbor to turn the tables »26.

Figure 2.4

Capture d’écran de la publicité négative « Harbor »

De la même manière, les publicités « Willie Horton » et « Revolving Door » accusent le candidat démocrate de ne pas avoir été assez ferme en matière de criminalité et d’avoir été trop permissif à l’égard des prisonniers :

As Governor, Michael Dukakis vetoed mandatory sentences for drug dealers. He vetoed the death penalty. His revolving door prison policy gave weekend furloughs to first degree murderers not eligible for parole. While out, many committed other crimes like kidnapping and rape, and many are still at large. Now Michael Dukakis says he wants to do for

America what he’s done for Massachussetts. America can’t afford that risk27.

Figure 2.5

Capture d’écran de la publicité négative « Willie Horton »

Tout comme la publicité « Daisy Girl », qui a été condamnée, puis retirée des ondes après une seule diffusion avant de faire parler d’elle à la radio, dans les journaux et à la télévision, « Willie Horton » a largement profité de ce que Monière appelle la « prime de visibilité » de la publicité négative28 : « The [...] ad was only played on a

few stations in several Southern states, yet NBC News played it in its entirety on the evening network news and allowed millions to see what all the fuss was about »29. De

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

27Ibid., 126.

28 Denis Monière. « Pourquoi les partis ont-ils recours à la publicité négative ? », op. cit., 79. Voir

également Travis N. Ridout et Annemarie S. Walter. « How the News Media Amplify Negative Messages », dans New Perspectives on Negative Campaigning : Why Attack Politics Matters, op. cit., 267-285.

29 L. Patrick Devlin. « Political Commercials in American Presidential Elections », dans Political

Advertising in Western Democracies : Parties and Candidates on Television, sous la dir. de Lynda Lee Kaid et Christina Holtz-Bacha. (Thousand Oaks : Sage, 1995), 199.

la même manière, la publicité négative « Arkansas Record », diffusée en 1992 par le président sortant George H. W. Bush, s’attaque au bilan du candidat démocrate Bill Clinton alors qu’il était gouverneur de l’Arkansas :

Showing stark black and white footage of bleak and stormy landscapes, the spot recounts the negative aspects of Clinton’s record as Arkansas governor and concludes, ‘And now Bill Clinton wants to do for America what he’d done to Arkansas. America can’t take that risk’. In many ways, the ad is a replay of the famous ‘revolving door’ ad from the 1988 campaing, down to and including the ending tag-line30.

Figure 2.6

Capture d’écran de la publicité négative « Arkansas Record »

Lors de l’élection fédérale canadienne de 1979, les publicités négatives diffusées par les Progressistes-conservateurs visaient principalement à attaquer le bilan du premier !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

30 Lynda Lee Kaid. « Political Advertising in the 1992 Campaign », dans The 1992 Presidential

Campaign : A Communication Perspective, sous la dir. de Robert E. Denton, Jr. (Westport : Praeger, 1994), 118. Voir également L. Patrick Devlin. « Contrasts in Presidential Campaign Commercials of 1992 », American Behavioral Scientist, 37, no 2 (1993) : 276.

ministre Pierre Elliott Trudeau31. Réalisée en français, la publicité négative la plus

mémorable de cette campagne présente l’élection comme le procès du chef du PLC, lors duquel les réalisations de son gouvernement sont décrites comme une série de crimes qui ont été commis contre la population canadienne32.

Les partis politiques fédéraux emploient parfois la publicité négative pour mettre en garde les électeurs contre les promesses d’un parti adverse en misant sur les débâcles d’une formation politique provinciale qui s’inscrit dans le même courant idéologique. Les Libéraux ont eu recours à cette forme de critique en 2004 en associant les promesses du chef conservateur Stephen Harper aux conséquences dévastatrices du déficit budgétaire enregistré par le gouvernement de l’Ontario à l’époque où il était dirigé par le premier ministre progressiste-conservateur Mike Harris.